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Lionel Meyer : "Se libérer des standards et injecter plus d'hospitalité "

Depuis plus de vingt ans, Lionel Meyer travaille sur les questions d'expérience client en plaçant l'humain et la dimension émotionnelle au coeur des échanges, en particulier dans l'hôtellerie de luxe. Il est le fondateur d'Emotion in Action, un cabinet de conseil et de formation consacré à la relation client. Rencontre avec un artisan de l'hospitalité contemporaine.

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
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Lionel Meyer : 'Se libérer des standards et injecter plus d'hospitalité '
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Depuis combien de temps travaillez-vous dans la relation client ?

Mon parcours a commencé en 1998, lorsque j'ai cofondé avec Erik Perey, Luxury Attitude. À l'époque, nous avions une approche managériale et relationnelle, mais pas encore d'expérience directe dans le luxe ou l'hôtellerie. Le tournant est venu lorsqu'un groupe hôtelier propriétaire de boutiques hôtels nous a choisis sur un appel d'offres grâce à une proposition audacieuse et très différenciante. C'est à cette époque que nous avons rencontré François Delahaye. La poursuite de notre collaboration au moment où il a pris la direction du Plaza Athénée, a été déterminante. Elle nous a ouvert les portes des palaces et a donné naissance à Luxury Attitude.

Mais vous n'avez pas travaillé uniquement pour des marques de luxe...

Exact. Pendant plus de dix ans, nous avons perfectionné notre savoir-faire au contact des palaces et des grandes maisons. Puis, dès le milieu des années 2000 et de façon amplifiée avec la crise de 2008, des entreprises de milieu de gamme ont dû se repositionner. Face au low-cost et le développement du e-commerce d'un côté et au luxe de l'autre, elles n'avaient d'autre choix que de "monter en gamme". C'est ainsi que nous avons accompagné des marques références comme Audi, Club Med ou Nespresso, qui voulaient s'inspirer du luxe pour se différencier. Notre conviction était simple : pour se distinguer et fidéliser, il ne suffit pas de miser sur le produit, il faut miser sur l'expérience.

Un exemple frappant révélateur de l'époque : chez Nespresso en 2008, tout existait déjà - image, produit, écrin, emplacement, équipes compétentes. Mais ils perdaient en hospitalité victime de leur succès ils subissaient l'afflux des clients. Nous avons travaillé sur des gestes signature, comme celui de remettre le sac à deux mains en sortant du comptoir. Ce détail, en apparence anodin, est devenu un symbole de distinction relationnelle chez Nespresso, impactant directement la perception client et le mindset des équipes. Il est parfois aussi facile de redonner le sens, que de le perdre.

Comment avez-vous poursuivi ensuite ?

Très vite, d'autres marques nous ont sollicités. Mais l'appellation "Luxury Attitude" ne passait pas toujours auprès de certains secteurs. Nous avons donc créé une autre activité avec une autre dénomination, Customer Experience, qui a permis notamment de travailler avec Air France. En 2017, après la cession de nos activités en 2012 à un groupe de formation et cinq années à poursuivre notre accompagnement, développer un outil elearning et prolonger le déploiement international, nous avons pris des chemins différents. C'est à ce moment que j'ai lancé Emotion in Action, avec la volonté de retrouver une approche plus artisanale, plus incarnée.

Quelle est aujourd'hui la singularité d'Emotion in Action ?

Ma conviction est que l'humain crée la véritable valeur ajoutée. Mon travail consiste à réinjecter de l'hospitalité dans l'expérience client, à transformer les collaborateurs en acteurs singuliers, capables de s'exprimer et de s'épanouir dans un cadre rigoureux mais laissant la place à l'interprétation, au sens théâtral du terme. Cela crée épanouissement, confiance et authenticité.

J'aime dire que je cherche à offrir une démarche artisanale, personnalisée, incarnée, coconstruite, jamais industrielle, standardisée. Et c'est ce qui séduit aussi bien les hôtels de luxe - Royal Mansour, Westminster, Eden Rock - que des secteurs très différents : l'automobile, le voyage, l'énergie, la téléphonie, la santé avec Cerballiance ou mais également Sanofi dans une vision de l'hospitalité adressée à ses salariés.

Cela passe par le management ?

Oui bien sûr le management de proximité en particulier, mais selon moi l'ambition doit être plus large : il doit s'agir d'une culture d'entreprise impulsée par la direction. Prenons l'exemple d'Air France : changer le mot "passager" en "client" puis en "voyageur" n'a l'air de rien, mais c'est une révolution culturelle. Un passager "passe", un client est dans une relation durable, un voyageur vis une expérience de voyage. C'est cette façon de penser qui ancre l'hospitalité dans le temps. Dans l'hôtellerie utiliser le mot hôte ou le mot client ne dit pas la même chose de la culture d'entreprise. L'intégration de l'hospitalité comme pilier de la culture d'entreprise est d'autant plus importante, pour celles qui ne sont pas "hospitality native", au sens où leur métier d'origine n'intègre pas cette dimension, contrairement à l'hôtellerie. La culture d'hospitalité est très rare dans les entreprises industrielles par exemple, cette rareté représente donc une opportunité business pour celles qui savent l'adopter et la cultiver.

Quelles marques incarnent selon vous l'hospitalité réussie ?

Les palaces restent une référence incontournable, chacun ayant son style d'hospitalité. Mais j'aime aussi citer quelques-uns de mes clients / partenaires tels que le Club Med, Nespresso, ou Air France, qui ont su bâtir une signature sur la durée. Même si cette signature n'est jamais la garantie de réussir chaque expérience, ni celle de plaire à tout le monde (surtout pas). Cependant on constate que les expériences hospitalières les plus transformatives sont à mettre au crédit de start-up "disruptives" qui pour s'imposer face aux forces en présence, osent bouleverser les codes et repenser l'expérience mêlant technologie et valeur ajoutée humaine. Mais force est de constater que les ambitions initiales se perdent avec le succès et la financiarisation, à l'image d'Uber, qui avait séduit par son hospitalité à ses débuts, et qui a perdu ce sens en chemin, et avec lui une partie de sa réputation. Cela prouve une chose : seule une culture d'entreprise forte permet de faire durer l'hospitalité.

Et face à l'IA, l'humain peut-il encore faire la différence ?

Dans bien des domaines, l'IA est déjà plus précise, plus rapide, plus fiable que nous. Elle sera de plus en plus parfaite. Mais justement, trop parfaite. Ce qui fera la différence, ce sera l'humain, avec ses imperfections et sa sincérité. C'est cette part d'imprévu, d'émotion et de vérité qui rendra l'expérience mémorable et non copiable, par un concurrent, comme par l'IA. Investir dans l'humain, pour qu'il exprime sa valeur ajoutée humaine, sont IH (Intelligence Humaine).



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