Transformer la relation clients : entretien avec Nelly Brossard et Jean-Luc Gambey
Nelly Brossard, experte en assurance et Jean-Luc Gambey, directeur des publications Vovoxx Média, ont fait paraître en juin dernier "Les Transformers de la relation clients dans l'assurance." Rencontre avec les spécialistes pour faire le point sur un secteur en pleine mutation.

Pourquoi cet ouvrage maintenant ?
Jean-Luc Gambey. Il existe une urgence à repenser la relation clients dans le secteur de l'assurance. Tout simplement parce que les assurés sont plus vulnérables qu'auparavant : les risques sanitaires, climatiques et liés à la cybersécurité sont davantage présents. L'émotion des assurés face à ces nouveaux risques oblige les assureurs à revoir leurs processus et à accueillir différemment leurs clients. La relation clients, qui auparavant se limitait souvent à deux moments clés - la souscription et la gestion en cas de problème - ne peut plus perdurer ainsi.
Nelly Brossard : En effet, le secteur de l'assurance se transforme en raison de l'intensification des risques pour les assurés, souvent majeurs. Prenons l'exemple des inondations ou des incendies : gérer 400 habitants en situation d'inondation, ce n'est pas classique et cela exige de s'organiser différemment. De même, lorsqu'une entreprise est confrontée à un risque de cybersécurité, l'intervention doit être rapide et à la hauteur des enjeux..
J.-L. : Par ailleurs, les assurés ont également changé : ils attendent de la réactivité mais aussi de l'authenticité et de la confiance.
En termes de best practices, lesquelles pouvez-vous nous partager ?
Jean-Luc Gambey. La tendance que nous observons, et qui transforme les pratiques de la relation clients dans l'assurance concerne surtout le positionnent des assureurs : ils souhaitent s'inscrire dans la vie quotidienne. Par exemple, Generali propose le service Ensemble face aux risques, qui permet à chacun d'évaluer l'exposition aux risques de son logement, qu'il soit client ou non. Cela permet de prendre conscience des risques sans aucune transaction financière. C'est un service qui s'inscrit dans la vie quotidienne et qui offre une réelle valeur ajoutée.
Nelly Brossard. Pour ma part, je constate une évolution importante vers la suppression des silos, notamment entre le front et le back office. Cela permet d'offrir une réponse holistique, de bout en bout, aux clients. Ce n'est pas une grande innovation, mais c'est la preuve que le secteur évolue et que les assureurs veulent prendre en charge globalement la relation clients, afin d'éviter aux assurés d'avoir à répéter plusieurs fois leurs informations. C'est aussi une superbe opportunité pour les conseillers, qui peuvent ainsi développer de nouvelles compétences.
Et l'IA, que change-t-elle ?
Nelly Brossard : Elle est partout. Les clients l'utilisent déjà, et dans les assurances elle aide beaucoup les conseillers. C'est un outil qui les assiste au quotidien : résumés, arguments de vente, accompagnement des assurés...
Jean-Luc Gambey. L'IA est de plus en plus précieuse pour les conseillers. Elle est déjà en capacité de conseiller directement le client. Bien sûr, cela peut questionner certains collaborateurs, mais l'acculturation se met en place et les conseillers sont associés aux réflexions autour de l'IA afin qu'elle réponde pleinement à leurs besoins.
Et l'émotion, dont vous parlez dans l'ouvrage, est-elle la clé de la relation clients de demain ?
Jean-Luc Gambey. Dans l'assurance, il est certain que la notion d'empathie est nécessaire et doit compléter les scripts. Certains acteurs, surtout mutualistes, soulignent cette nécessité d'écoute et réfléchissent à la manière de la mesurer. Il ne s'agit plus uniquement de se baser sur le NPS, qui reste un outil froid, mais bien d'analyser l'émotion vécue par le client tout au long du parcours. Par exemple, chez Apicil, ils ont complètement supprimé les scripts, car ils enferment trop le discours : le conseiller doit pouvoir rebondir librement avec son interlocuteur.
Nelly Brossard. La clé sera effectivement de mesurer en permanence l'émotion. On peut désormais se passer des scripts, mais surtout modéliser leur usage. Cela peut être très performant : automatiser lorsque c'est pertinent et, à d'autres moments, privilégier l'émotion. C'est un travail de long terme, d'autant qu'il ne s'agit pas seulement de traiter les expériences positives...
Quelles sont les grandes tendances que vous percevez dans le secteur de l'assurance ?
Jean-Luc Gambey. Tous partagent cette conviction : il faut être davantage présent dans le quotidien des Français. Toutefois, on constate aussi un besoin d'hyperactivité de la part des assurés, alors que le secteur est extrêmement réglementé. Ces contraintes, sans doute nécessaires, perturbent beaucoup la relation clients.
Nelly Brossard : On sent que le secteur prend conscience des grands enjeux qui l'attendent : satisfaire les besoins des assurés en termes d'accompagnement et de prévention, mais aussi répondre à leur attente de transparence. Les clients veulent être mis en confiance par un assureur qui saura expliquer clairement les documents, ses obligations, et même reconnaître ce qu'il ne sait pas.
J.-L. : Oui, ce que nous retenons de cette première édition, c'est la lucidité des acteurs qui veulent transformer la relation clients. Ils ont le courage d'évoluer.
Pour en savoir plus : Assurance : qui révolutionne la relation clients en 2025 ?
Chiffres clefs de l'étude sectorielle BtoB :
À l'horizon 2030, trois piliers majeurs se dégagent pour bâtir une relation clients durable :
Simplification (53,6 %)
Engagement (51,2 %)
Transparence (50,9 %).
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