Recherche

Chloé Beauvallet, Outsourcia : "Plus que jamais, il nous faudra être curieux "

Depuis le 1er juillet 2025, Outsourcia a structuré une nouvelle Direction du Pilotage et de la Robustesse, confiée à Zeineb Amri. Avec la volonté de répondre aux enjeux contemporains des entreprises, Chloé Beauvallet, directrice générale du groupe, retrace la genèse de cette direction, qui marque pour le spécialiste de la relation client externalisée une volonté de s'inscrire dans la durée.

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
Lecture
7 min
  • Imprimer
Chloé Beauvallet, Outsourcia : 'Plus que jamais, il nous faudra être curieux '
Getting your Trinity Audio player ready...

Vous êtes à la tête d'Outsourcia depuis septembre. Pourquoi avoir créé une direction du pilotage et de la robustesse ?

Cette création est née d'une intention que je porte depuis plusieurs années - piloter durablement et collectivement les entreprises -, et du constat de la pertinence de ce modèle au sein de notre organisation. Chacune et chacun a pu constater ces dernières années les limites d'un pilotage traditionnel par la performance. J'ai eu l'occasion d'assister à une formation donnée par le chercheur Olivier Hamant il y a de cela deux ans ; ses travaux autour de la robustesse m'ont tout de suite interpellée. Le constat que nous pouvons objectivement poser est que le modèle actuel de la performance tire beaucoup sur les ressources humaines. Il exige un effort constant et peut contribuer à expliquer les crises du travail que notre société traverse. Olivier Hamant fait un parallèle avec la biologie et explique que c'est comme mettre le corps humain à 40 degrés : à cette température il est même surperformant, mais nous savons qu'il s'agit d'une performance qui ne peut pas durer.

Aussi la question qui se pose aux décideurs est comment décliner en entreprise cette nécessité de placer chaque organe en très légère « sous-performance » individuelle afin de pouvoir maximiser la réussite collective et monter en température à chaque fois que ce sera nécessaire : une forme de performance durable et collective en quelque sorte. Cette réflexion théorique, qui interroge ce que signifie réussir dans l'entreprise, et quel sens cela a lorsqu'on la pense dans une dimension sociale, sociétale et écologique, m'a conduite à m'interroger sur le pilotage du groupe Outsourcia.

Quel était votre regard sur le modèle de gouvernance d'Outsourcia ?

L'histoire du groupe s'est construite au fil d'acquisitions externes et nous a permis d'être présents dans quatre pays différents. Nous couvrons un large panel de métiers tous orientés client, nourris de cultures et de cultures d'entreprises différentes. Nous ne cherchons donc pas à harmoniser les pratiques verticalement mais nous nous adaptons aux équipes, aux contextes, aux projets de nos clients... Par ailleurs, nous sommes sur un marché qui connaît une disruption massive : celle de l'IA, mais aussi des phénomènes de concentration. Alors, comment durer sur le long terme ? La notion de robustesse permet de changer de paradigme. Lorsque nous avons décidé de créer une direction du pilotage, je me suis dit : c'est l'occasion de donner un nouveau cadre. Ce pilotage ne se fera pas avec les indicateurs traditionnels de performance, car cela serait en réalité risqué : ils sont obsolètes. Il nous faut construire une entreprise qui puisse être malléable face à un avenir dont, reconnaissons-le, il nous est bien difficile de savoir quoi que ce soit. Nous étions donc spontanément déjà robustes ! Il s'agit désormais de conscientiser nos pratiques et de l'être volontairement.

Pourquoi étiez-vous déjà robustes ?

Mon arrivée en septembre s'inscrit dans un continuum qui dure depuis 22 ans. Outsourcia s'est construit pas à pas en étant pionnier sur de nombreuses activités : la modération, le RPA, l'implantation à Madagascar il y a près de 10 ans... Le groupe a grandi par conviction et intuition, jusqu'à l'acquisition en mars dernier de SoMezzo. Nous restons à taille humaine et réfléchissons à tisser des liens avant de croître : tisser des liens solides avec des marchés, des clients, des entrepreneurs locaux dans chaque pays, des partenaires... Ensemble, nous faisons cause commune.

Quels sont les indicateurs que vous mettez en place concernant cette direction ?

La notion de KRI existe : des indicateurs de robustesse tout comme les KPI sont des indicateurs de performance. Il va nous falloir construire les nôtres au sein de notre entreprise : revoir nos enquêtes de satisfaction clients ou collaborateurs, regarder sous un nouveau jour les indicateurs d'absentéisme et de turnover, penser différemment les sujets financiers qui restent présents mais doivent être mis en perspective différemment. Par exemple, la vitesse à laquelle nous nous remettons d'une crise ou d'un pic de charge, mais aussi notre facilité ou non à adopter de nouvelles technologies et à inventer de nouveaux process.

J'adorerais également inventer des indicateurs de robustesse pour les marques avec lesquelles nous travaillons. Je crois beaucoup à l'intérêt de développer une forme de porosité entre les entreprises et les clients. C'est cela qui rend robuste : cet ancrage entre une marque et ses parties prenantes. J'aimerais inventer des metrics pour mesurer la qualité du lien que nous incarnons avec les clients de nos clients.

Dans la pratique, comment insuffler ce changement de paradigme en interne ?

Du fait de notre profession dans le service, nous avons la chance d'être en permanence irrigués par les clients de nos clients. Notre volonté de les servir nous positionne dans une éternelle adaptation, nous passons notre temps à nous remettre d'une interaction positive ou négative. Nous n'avons donc pas à inventer un nouveau paradigme mais à capitaliser sur l'existant pour en faire une marque de fabrique.

Et il ne s'agit pas que de résilience. De nombreuses entreprises sont fragilisées car monofocalisées sur un axe. Ce fut l'exemple bien connu de Kodak, qui n'a pas su prendre le virage du numérique. Bien sûr, nous pourrions surperformer si nous nous concentrions sur un seul axe. Mais un positionnement aussi étroit nous exposerait si ce métier était disrupté. Et s'il s'agissait d'une méthode unique alors nous passerions très vite la main à l'IA. Enfin n'adresser que la technologie serait aussi absurde que de n'opérer que le service humain. Adresser tous les besoins d'un client partenaire permet de tirer le meilleur parti de la connaissance que nous avons de ses produits et services, de sa promesse de marque. À nous ensuite d'en réinventer les modalités.

Agilité, résilience ont été des concepts importants ces dernières années. Qu'apporte en plus la robustesse ?

Elle combine les deux : il ne s'agit pas que de dépasser un stress post-traumatique mais aussi de surfer sur les vagues. Il faut réinventer nos paradigmes, être à l'écoute. Une image illustre bien le propos : les barrages des castors ! Ils sont plus robustes que ceux des humains. Pourquoi ? Ils sont construits petit à petit, sont plus opportunistes et malléables, ne cherchent pas à bloquer forcément toute l'eau et donc plus résistants dans le temps.

Chez Outsourcia, pour nous développer encore, la tentation aurait pu être de revenir à notre coeur de métier pour rentrer dans un schéma de performance classique. Mais bien au contraire, il est important de garder cette approche holistique. Je travaille par exemple beaucoup avec la direction du capital humain sur comment devenir une skill-based organisation : tirer parti de toutes ces compétences sous-exploitées des collaborateurs qui pourraient nous aider à développer d'autres opportunités que nous n'imaginons peut-être pas encore. L'idée étant de ne pas se contenter de proposer des métiers et de regarder comment sourcer les compétences requises pour les exercer, mais d'observer les compétences existantes des uns et des autres pour inventer notre avenir.

En tant que dirigeante d'entreprise, au vu du contexte difficile que nous traversons, quel est votre conseil ?

Il faut rendre l'entreprise curieuse pour être robuste. Curieuse de ses clients, curieuse des technologies et notamment des IA qui se développent extraordinairement vite, curieuses de ses collaborateurs et des nouveaux métiers qui apparaissent... Plus que jamais, oui, je crois qu'il nous faudra être curieux.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page