Juliette Bourne-Dubost, CEC : "La priorité est la transparence sur les prix"
Le Centre Européen des Consommateurs France (CEC) est en première ligne pour accompagner les clients confrontés à des litiges lors de l'achat de billets sur des sites étrangers. Juliette Bourne-Dubost, juriste au CEC France, décrypte pour nous les enjeux et les écueils de l'expérience client dans ce secteur.

Pouvez-vous rappeler le rôle du CEC France et son champ d'action ?
Le CEC France fait partie d'un réseau européen, avec un centre réparti dans chaque pays de l'Union Européenne, ainsi qu'un en Islande et en Norvège. Nos missions principales sont d'informer les consommateurs sur leurs droits en Europe (via notre site Internet europe-consommateurs.eu ou sur nos réseaux sociaux) et de les aider à résoudre à l'amiable leurs litiges transfrontaliers. Nous n'intervenons pas sur le plan judiciaire, mais nous rappelons les règles applicables aux professionnels et facilitons une solution amiable entre consommateurs et professionnels, chaque centre traitant les plaintes de ses résidents et contactant ensuite le centre du pays où est basé le professionnel concerné. Nous suivons également les évolutions législatives et sommes force de propositions auprès des décideurs politiques.
Pourquoi avoir communiqué sur l'achat de billets en ligne et les risques qui sont liés ?
Nous recevons chaque année de nombreuses réclamations liées à l'achat de billets pour des événements : concerts, matchs, festivals, etc. Deux grands types de problèmes émergent : d'un côté, des manquements aux obligations légales de la part des professionnels. De l'autre, des erreurs d'inattention des consommateurs, parfois sur des sites tout à fait officiels. Il existe aussi des sites qui utilisent de techniques appelées "Dark patterns" qui poussent les consommateurs à cliquer et qui les induisent parfois en erreur. L'objectif de notre communication est donc double : alerter les consommateurs sur les pièges et sensibiliser les professionnels et les législateurs aux améliorations nécessaires.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les consommateurs ?
Les problèmes sont variés. Certains relèvent de la faute du consommateur (mauvaise lecture, précipitation, erreur de date), d'autres de sites imprécis ou frauduleux qui manipulent l'affichage ou la catégorisation des places. Un exemple typique : une consommatrice pensait acheter une place premium en bord de pelouse, alors que la catégorie s'appliquait à la quasi-totalité du stade, sans distinction réelle. Parfois, les frais associés (livraison, assurance, commission de plateforme) sont peu clairs ou apparaissent tardivement dans le processus d'achat, ce qui dégrade fortement l'expérience client.
Avez-vous observé une hausse des litiges ces dernières années ?
La généralisation des achats en ligne engendre forcément une multiplication des situations problématiques. Les plateformes numériques sont en effet les plus concernées, même si des difficultés classiques (retards de remboursement, erreurs de date) existent aussi chez les acteurs majeurs du secteur.
Quel est le rôle du CEC France face à ces litiges ?
Nous intervenons à l'amiable, en contactant le professionnel pour rappeler la législation et chercher une solution. Nous n'avons pas de pouvoir de contrainte : si le professionnel refuse ou ne répond pas, nous orientons le consommateur vers un médiateur ou la justice, voire vers la DGCCRF pour signaler les pratiques frauduleuses. Notre rôle est aussi d'alerter les autorités compétentes.
Quels sont, selon vous, les points noirs de la billetterie en ligne d'un point de vue de l'expérience client ?
Même chez les plateformes non frauduleuses, le service client n'est pas toujours à la hauteur du volume d'affaires. Les délais de remboursement sont parfois très longs, les erreurs d'information fréquentes et la transparence sur les frais laissent à désirer. L'ajout de frais au dernier moment ou leur non-remboursement en cas d'annulation sont sources de frustration. Les démarches de réclamation sont souvent complexes, avec des chatbots peu efficaces et des contacts difficiles à obtenir.
Quelles recommandations pourriez-vous faire pour améliorer l'expérience client ?
Pour les plateformes, la priorité est la transparence sur les prix et les frais, ainsi qu'un service client dimensionné à leur activité. Les consommateurs, eux, doivent redoubler de vigilance : vérifier la réputation du site, les coordonnées complètes de la société, l'efficacité du service client, et se méfier des offres trop alléchantes, surtout en cas de rareté des billets. Il faut prendre le temps de lire les conditions générales de vente, même sous la pression de l'urgence.
Peut-on espérer une évolution réglementaire en vue d'améliorer l'expérience utilisateur ?
Il serait possible de légiférer sur l'information précontractuelle et la transparence des frais, mais la diversité des pratiques et la créativité des plateformes rendent cela complexe, voire quasiment impossible. La marge des plateformes provient souvent de ces frais, d'où l'importance d'une réglementation qui impose la clarté, sans brider l'innovation.
Si je devais donner un conseil aux consommateurs : il faut rester vigilant. Il faut prendre le temps de bien s'informer avant d'acheter, et ne pas hésiter à solliciter le CEC France en cas de doute ou de litige avec un professionnel basé dans l'UE. L'expérience client dépend autant de la transparence des professionnels que de la prudence des acheteurs.
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