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"Notre mission est de devenir la plateforme lifestyle préférée des familles"

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'Notre mission est de devenir la plateforme lifestyle préférée des familles'

Après avoir réussi la transformation digitale d'un fleuron historique de la vente à distance, Nathalie Balla et Éric Courteille, ses deux codirigeants, s'attellent au mariage de la Redoute rachetée en 2017 par Les Galeries Lafayette. Les dirigeants reviennent sur les grands enjeux, notamment RSE.

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Quels enseignements tirez-vous de la crise sanitaire?

Éric Courteille. La Redoute reste une marque forte. L'empathie, la confiance, la proximité et le lien avec nos clients demeurent importants même en période de crise sanitaire. Notre modèle e-commerce, et la marketplace, facteurs d'agilité et de flexibilité, nous ont permis de bien résister commercialement à la crise. Nos marchés à l'international (Angleterre, Belgique, Espagne, Portugal, Russie et Suisse) ont été moins pénalisés par les circuits de distribution. Notre premier défi a été de basculer sur un nouveau mode de fonctionnement, le télétravail pour les 1000 collaborateurs du siège, et de coordonner cette organisation inédite au sein du Groupe. La première phase du confinement a été extrêmement violente avec une baisse immédiate de la demande des clients. Puis, à partir de la fin mars à mi-avril, les consommateurs se sont remis à acheter nos produits. Nous avons retrouvé un niveau de commandes satisfaisant, mais la logistique a été fortement impactée par le Covid. Par la suite, nous avons senti un retour de la consommation et avons réalisé un excellent mois de mai.

Nathalie Balla. Nous avons constaté que notre mission consistant à embellir la vie des familles s'est révélée plus vraie que jamais pendant cette période. Les consommateurs se sont recentrés sur leur cellule familiale et nous avons su apporter de vraies solutions face à cette situation inédite où nous avons dû nous confiner, nous réorganiser... La Redoute les a accompagnés dans chacune de ces étapes grâce à la data. Cela nous a permis d'être extrêmement réactifs et de comprendre les besoins de nos clients afin d'adapter notre communication et notre offre. La data a joué un rôle important dans notre agilité et dans le pilotage de l'entreprise, pour être au plus près des événements qui changeaient au jour le jour et faire preuve d'une grande résilience. Nous avions l'avantage d'avoir déjà vécu une transformation profonde avec La Redoute. Nos équipes ont traversé auparavant des périodes compliquées, elles ont fait preuve d'une grande mobilisation et d'une capacité à évoluer dans un environnement incertain. La crise sanitaire nous a obligés à dynamiter nos modes traditionnels de fonctionnement, et pourtant nous avons réussi à obtenir un niveau d'efficacité important. Cela nous a fait réfléchir sur notre manière de travailler ensemble et de s'appuyer plus fortement sur l'intelligence d'équipe.

Comment se porte La Redoute depuis la fin du confinement?

E.C. Nous continuons à avancer (en 2019: la Redoute a réalisé un volume d'affaires de 875 millions d'euros). Notre business model basé sur le digital nous a permis de traverser la crise très correctement aussi bien d'un point de vue économique, financier qu'humain. Nous sommes en ligne sur le budget que nous avions soumis pour cet exercice.

N.B. Notre modèle nous a protégés car même si nous possédons une cinquantaine de points de vente, ce segment demeure très petit dans notre chiffre d'affaires. L'entreprise reste sur une dynamique rentable et durable.

De nombreuses enseignes phares sont en grande difficulté, comment l'analysez-vous?

N.B. Les marques ont dû faire face à la fermeture des magasins pendant plus de deux mois et nombre d'entre elles réalisent une part encore très faible de leur chiffre d'affaires dans l'e-commerce, entre 2% et 15-20%. Aussi, lorsque vous n'avez plus que cette proportion minime de chiffre d'affaires, en ayant acheté la marchandise, des loyers, des prestataires à payer, etc., la situation devient très brutale. Ces enseignes ont perdu entre 80 et 100% de leurs revenus, aucune société ne peut résister à ce choc.

Quelles opportunités voyez-vous pour votre activité dans "le monde d'après" (post-Covid)?

N.B. Le Covid a confirmé notre capacité de développement à l'international, avec de très bonnes performances - légèrement supérieures à celles en France. Notre marketplace nous a permis de servir de manière plus large les besoins de nos clients. Nous nous sommes rendu compte de sa puissance. Et le confinement a accéléré certaines habitudes de consommation. Beaucoup se sont mis au digital et ont compris que c'était un canal relativement simple et utile. Nous avons également observé la montée en puissance du mobile. Dans les prochains mois, nous allons être portés par cette nouvelle vague de comportements d'achat qui ont évolué.

E.C. Cette situation a également amené le public à réfléchir à tous ces enjeux de santé, d'engagement, de durabilité... La "politique de produits sains" va devenir un facteur important dans le choix de consommer des clients. Nous allons continuer à accélérer sur ces thématiques. La santé collective est le bien précieux que nous avons tous.

En février, la loi sur l'économie circulaire a été votée, qu'a-t-elle changé pour la Redoute, notamment sur l'interdiction de la destruction des invendus?

N.B. Rien! Nous étions précurseurs sur le sujet: depuis 15 ans, nous collaborons avec l'association "Solidarcité", qui nous permet de donner une seconde vie à nos invendus, au profit de familles nécessiteuses ou d'entreprises d'insertion. Il est inconcevable de jeter ou brûler des invendus, cela fait partie de notre responsabilité en tant qu'entreprise de contribuer à donner une seconde vie aux produits. Les recettes que nous générons, nous les utilisons pour soutenir le tissu associatif local du Nord où se situe la Redoute. Nous sommes engagés depuis de nombreuses années sur ces thématiques sociales et environnementales. Nous avons, par ailleurs, rejoint le mouvement Go for Good des Galeries Lafayette et adhéré au Fashion Pact en 2019 pour une mode plus responsable. Nous constatons également une vraie émulation des équipes sur ces sujets RSE. Nous sommes sur une feuille de route à court, moyen et long terme dans cette réduction de notre empreinte carbone, via des ambitions de neutralité carbone d'ici à 2030.

La fast fashion est régulièrement décriée, qu'en pensez-vous, sachant que vous renouvelez vous-même régulièrement vos collections?

N.B. Nous renouvelons, en effet, plus fortement nos collections que par le passé -nous en avions deux par an- afin de mieux coller à la saisonnalité. Nous sommes dans la logique d'un rapport qualité-prix utile. Il y a fast fashion et fast fahion. Nous privilégions la qualité à la modicité d'un produit à tout prix. Le débat porte plutôt sur le mode de production et sur l'adaptation des quantités achetées à celles vendues. Le problème se pose lorsqu'un détaillant de prêt-à-porter achète des millions de pièces et se retrouve avec une quantité innommable d'articles non vendus, avec le risque qu'ils soient jetés ou brûlés. C'est là où se situe la perversité du système, lorsque vous faites de la fast fashion "on demand", le sujet n'existe pas. Il y a cependant un sujet sur l'éducation du consommateur par rapport à une qualité de produit, à sa durabilité, pour ne pas racheter trois fois un même article.

Le marché de la location est-il un sujet pour La Redoute?

E.C. Nous le regardons notamment pour le secteur de la maison. Pour l'instant, nous sommes plutôt à l'étude et n'avons pas lancé d'offre de location.

Nathalie Balla, vous êtes engagée sur la diversité dans l'économie numérique, notamment sur la place des femmes, quel est votre point de vue sur le secteur?

N.B. La Redoute est une société féminine, à 60% de ses effectifs. Plus que la féminisation, nous faisons attention à l'équilibre avec un binôme à la tête de l'entreprise Éric (Courteille) et moi-même. Nous avons également quatre femmes au sein du comité de direction. C'est un facteur de diversité qui est important face aux enjeux d'agilité, de réactivité et de capacité à utiliser l'intelligence collective dans notre organisation. Plus globalement, dans le monde entrepreneurial, nous avions observé avec le collectif Sista -auquel j'appartiens- que les femmes se lancent moins dans la création d'une entreprise, tout en ayant moins accès aux financements. Nous devons encore effectuer un travail de pédagogie et de sensibilisation pour les encourager à se lancer dans cette aventure et obtenir des fonds équivalents à leurs homologues lors de levées. Le digital est un vrai levier pour les femmes car c'est un monde nouveau.

Que représente l'international aujourd'hui?

E.C. L'international représente aujourd'hui plus de 30% de notre activité. Il est l'un des axes stratégiques de notre société, par ailleurs rentable dans nos six pays: l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, le Portugal, la Russie et la Suisse. Nous réalisons de belles croissances cette année, en étant bénéficiaires. Nous n'avons pas encore déployé notre marketplace sur ces marchés mais nous y travaillons. C'est l'un des gros projets du moment pour la lancer au plus vite. En novembre, nous nous sommes attaqués à deux nouveaux pays, l'Allemagne et les Pays-Bas, avec des résultats très satisfaisants à date -au-delà de nos objectifs commerciaux. Grâce au digital, nous pouvons tester des marchés à moindres coûts via une équipe réduite et avec la possibilité de nous retirer rapidement si cela ne prend pas. Nous allons continuer à nous étendre.

N.B. Pour l'Allemagne et les Pays-Bas, nous avons changé d'approche: habituellement nous nous lançons au travers du prêt-à-porter et, cette fois, nous avons démarré par les univers maison et décoration. Un choix qui semble porteur.

Selon vous, qu'est-ce qui différencie l'e-commerce français des autres pays où vous êtes présents?

N.B. Nous disposons de plus de champions nationaux (Cdiscount, Fnac Darty, ou La Redoute), tandis que dans les autres marchés -excepté l'Allemagne avec Zalando- il y a une omniprésence des acteurs internationaux, notamment américains et chinois. Nous avons un écosystème solide et fort pour défendre nos couleurs. En termes de maturité, nous possédons un fort potentiel de rattrapage par rapport au Royaume-Uni, à l'Allemagne ou les Pays-Bas, où la part de l'e-commerce est déjà importante dans la part du retail global.

E.C. D'un point de vue stratégique, lorsque vous regardez le marché du retail mondial, la France était dans le top 3 avec les États-Unis et le Royaume-Uni ces dernières années. De gros acteurs comme Auchan, Carrefour, Leclerc, Casino, etc. prenaient des parts de marché colossales sur la distribution au global. Ces géants ont fait que le taux de pénétration du commerce en ligne était un peu en retard par rapport aux pays nordiques ou à l'Asie. Stimulés par l'effet Covid, de nombreux distributeurs accélèrent fortement sur le digital. Dans les dix prochaines années, la part de l'e-commerce dans le retail devrait atteindre les 20%.

Face à la concurrence des grandes plateformes chinoises et américaines, comment arrivez-vous à vous démarquer?

N.B. Nous avons souhaité préserver nos bureaux de style dans le prêt-à-porter et la maison -une des forces de la Redoute- pour créer, développer et distribuer nos propres produits. Nous possédons un portefeuille de marques exclusives sur le prêt-à-porter, la décoration et la maison (AM.PM) afin d'avoir un positionnement et une offre très différenciants (NDLR: plus de 70% du CA est réalisé en marques propres) par rapport aux autres plateformes. Cela a été l'un de nos leitmotivs lors de la transformation de l'entreprise et sur notre conviction de la réussir lors du rachat.

E.C. Le facteur de différenciation à travers l'offre demeure un élément déterminant. La Redoute est une entreprise qui a su traverser les années, plus de 180 ans aujourd'hui! Nous défendons une proximité avec les clients, des valeurs en n'étant pas seulement un site transactionnel. À travers le digital, nous avons préservé cette culture.

Qu'avez-vous apporté aux Galeries Lafayette depuis le rachat?

E.C. Nous avons fait le choix du partenaire des Galeries Lafayette car nous nous retrouvions dans la vision de Nicolas et Philippe Houzé (NDLR: propriétaires des Galeries Lafayette) et leur appréciation du commerce. Nous sommes à 95% dans l'e-commerce mais nous avons également fait le choix de présenter nos produits à travers nos showrooms. Cette volonté de faire du commerce en mettant en avant le produit, l'offre et la capacité à vendre du beau, même si cela reste accessible, est un point commun que nous avions avec la famille Houzé. Nous avons une vraie complémentarité via un partage technologique. Notre offre maison était un point important pour eux. Les Galeries Lafayette nous ont permis d'ouvrir une cinquantaine de corners (prêt-à-porter et maison) dans leurs magasins. Nous avons également introduit leurs produits sur notre marketplace. Nous avons un certain nombre d'actions dans le cadre des mobilités entre personnes, il nous en reste de nombreuses à mener ensemble: le commerce de demain sera phygital: digital et physique avec une dose importante de technologie mais aussi d'empathie et de proximité. Nous sommes les premiers en France, en tant que pure player, à nous être rapprochés d'une enseigne retail via cette conviction. Les Galerie Lafayette sont un groupe familial avec une vison moyen-long terme, aussi si nous voulons être acteurs de transformations massives et de l'évolution des comportements des clients, nous devons prendre le temps de le faire. Cela est un élément très stabilisateur pour notre entreprise.

En 2021, Les Galeries Lafayette monteront à 100% du capital (contre 51% aujourd'hui), quels vont être les changements?

N.B. Il nous est difficile de répondre à cette question à leur place. Nous sommes en phase dans cette stratégie de proposer une offre lifestyle à l'ensemble des consommateurs via une vraie vision omnicanale. En étant ensemble, nous pouvons aller plus vite.

Vous avez multiplié ces dernières années les collaborations prestigieuses, vous êtes-vous ouverts à une nouvelle clientèle?

N.B. La clientèle s'est rajeunie, certainement avec ces collaborations qui ont bien fonctionné et défendent nos valeurs. Notre fichier clients comporte également plus d'hommes via la montée en puissance de l'univers maison.

Que représente la partie ameublement-décoration aujourd'hui?

N.B. Elle représente 60% de l'activité.

Comment intégrez-vous les réseaux sociaux dans votre stratégie?

E.C. Les réseaux sociaux sont au coeur de notre stratégie et du lien que nous avons avec nos clients. Nous interagissons directement avec eux via notre communauté de 5 millions d'abonnés. C'est le canal de communication de la marque et notre service clients est en lien avec nos réseaux sociaux afin de répondre lorsqu'il y a eu des problèmes et de progresser en assumant nos erreurs. Ils sont notre colonne vertébrale de communication et cela va continuer à se développer.

N.B. Nous mettons un point d'honneur à répondre personnellement aux clients qui nous interpellent.

Quelles sont les technologies qui vous paraissent les plus prometteuses dans le retail?

E.C. La voix sera un vecteur important dans les prochaines années, via la commande vocale, mais aussi l'image et la vidéo et toutes ces thématiques d'interaction en temps réel avec les clients. L'un des grands fantasmes lorsque vous êtes un acteur de l'e-commerce consiste à retrouver la même sensation que lorsque vous entrez dans un grand magasin -cet effet bulle- afin de favoriser la proximité et l'acte d'achat. L'un des leviers de développement du digital est de se rapprocher le plus possible du réel, afin que le client puisse avoir quasiment le produit à côté de lui, aidé par les technologies...

N.B. Nous avons la capacité avec les outils digitaux de mixer encore plus les expériences des clients. Par exemple, un consommateur qui surfe sur le site web et aurait une question sur un canapé, nous pouvons l'adresser directement à un conseiller de vente en magasin -sans qu'ils soient dans la même ville- pour lui apporter une capacité de conseil quasiment identique à celle qu'il aurait en point de vente. Nous travaillons aussi sur la visualisation en 3D pour la partie maison et décoration.

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement?

E.C. Notre offre doit continuer à être aussi désirable qu'elle l'est aujourd'hui. Le triptyque qualité-prix-style reste l'un de nos leitmotivs. Nous allons également poursuivre notre développement à l'international: notre "terrain de jeu" reste en effet immense. Nous souhaitons continuer à développer notre stratégie de proximité et de partenariat sur le phygital avec notre actionnaire majoritaire, notamment dans l'univers de la maison. Enfin, nous devons continuer à grandir en renforçant la base de données de nos clients, en développant nos services, tout en leur apportant de l'émotion. Notre mission est de devenir la plateforme lifestyle préférée des familles.

Leur parcours

Nathalie Balla: née en 1967, Nathalie Balla est diplômée de l'ESCP et Docteur en sciences économiques et financières. Elle commence sa carrière en tant qu'auditrice chez Price Waterhouse Suisse. En 1992, elle intègre le Groupe Karstadt Quelle, où elle devient la directrice générale Suisse et Autriche, de 1996 à 1998. Elle rejoint ensuite Quelle Versand (Suisse) en qualité de Dg, de 1998 à 2001, puis Quelle et Neckermann AG (Allemagne) en tant que membre du Comex en charge du périmètre international de 2001 à 2005. Elle devient ensuite Dg de Robert Klingel Europe, numéro 4 de la vente à distance en Allemagne. En 2009, elle prend la présidence de la Redoute.

Éric Courteille: né en 1967, Éric Courteille est également diplômé de l'ESCP. Il a commencé sa carrière chez Arthur Andersen France, en qualité d'auditeur, de 1995 à 2000. Fort de son passé de sportif de haut niveau, il a ensuite cofondé le Groupe Sporever. En novembre 2002, Éric Courteille rejoint le Groupe Kering (alors Pinault-Printemps-Redoute) : au sein de la filiale Guilbert, il est nommé directeur de l'audit interne de Guilbert Groupe. De 2004 à 2006, il intègre CFAO au poste de directeur financier d'Eurapharma. Fin 2006, il rejoint Redcats en tant que directeur administratif et financier de la marque The Sportsman's Guide (Redcats USA). Il devient en décembre?2008, directeur financier et directeur des systèmes d'information de Redcats USA. En avril?2009, il est nommé directeur financier et secrétaire général de Redcats. Depuis juin?2014, il copréside La Redoute avec Nathalie Balla, après avoir repris ensemble la propriété de cette marque auprès du groupe Kering.



 
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