IA: une nouvelle ère de la relation client
Les promesses de l'IA se concrétisent. Pour les directions de la CX, il existe un objectif commun : améliorer le parcours client avec toujours plus de personnalisation, de fluidité et de réactivité. Focus sur une évolution des métiers de la relation client.

L'accélération des intégrations de l'IA au sein des business models semble significative. Depuis un à deux ans, de nombreuses organisations usent de l'IA pour gérer de façon automatisée des demandes clients. C'est le cas d'Allianz Partners, qui a déployé courant 2024 une IA visant à automatiser le traitement des demandes d'indemnisation. "Plusieurs autres sujets IA lui ont emboîté le pas rapidement, comme pour notre processus de traitement des réclamations", illustre Aurélie El Saïr, directrice qualité et expérience client au sein d'Allianz Partners. "Il s'agit de permettre à un premier niveau l'analyse automatisée (motif, domaine concerné, contexte...) des réclamations afin de faciliter le traitement en aval de celles-ci par un chargé de réclamation."
Une adoption très rapide
Pour Bruno Taborin, associé du cabinet de conseil en stratégie Kéa, "les chatbots ont jusque-là souvent été perçus comme appauvrissant la relation client. Mais les signaux faibles actuels montrent que la nouvelle vague technologique orientée vers le volet génératif séduit à grande échelle." Il cite l'exemple de "l'opérateur télécom italien Wind3 qui a divisé par 10 le temps de résolution du ticket de ses clients."
Cette accélération ne devrait pas ralentir si l'on en croit l'étude Capterra 2024. Elle souligne que 48 % des interactions dans un centre d'appels seront gérées par l'IA d'ici cinq ans. "Dans le secteur des télécoms, un pas important a été franchi récemment avec Be360+, une console conçue par Salesforce qui équipe depuis le début de l'année les conseillers de vente de Bouygues Telecom, pour la résolution des demandes clients, via une analyse automatisée des dossiers menant à des suggestions, y compris sur les termes utilisés", remarque Jean-Baptiste Suquet, enseignant chercheur chez Neoma Business et spécialiste de la relation client.
Des retombées immédiates et variées
Le spécialiste du customer management Konecta intègre également de l'IA dans certains de ses call centers. Ses vertus sont nombreuses : "L'obtention d'informations plus rapides, l'assistance à la préparation de réponses ou encore l'aide à la recherche pour résoudre un problème dans les meilleurs délais", énumère Nouzha Benallal, responsable de l'entité digitale service pour le marché francophone au sein de l'entreprise. "Après seulement six semaines, notre taux de conversion s'est amélioré de 40 %. Les gains de productivité ont crû de 15 à 30 %, principalement sur la réduction de tâches manuelles et l'accessibilité à certaines données." conclut-elle.
Aurélie El Saïr constate pour sa part "des résultats très probants. Notre note moyenne de satisfaction client sur les demandes d'indemnisation relatives à l'assurance voyage était bien en dessous de 4/5. Désormais, nous dépassons le score de 4,3. Le dernier trimestre 2024 et le premier semestre 2025 notamment sont en forte amélioration." La meilleure compréhension des besoins clients par la technologie permet donc mécaniquement d'apporter davantage de solutions sur mesure et de façon plus rapide, l'IA pouvant traiter un nombre de données bien plus important que l'humain.
La question se pose donc du remplacement de l'humain par l'IA. "En octobre 2024, nous avions encore 60 % de conversations écrites qui finissaient par un réacheminement vers un de nos collaborateurs. Désormais, c'est à peine 35 % grâce à notre IA" témoigne Emilie Peythieux, directrice de la relation client du spécialiste de la signature numérique Letsignit. Au vu de la performance de l'IA, la conclusion est sans appel : "L'outil permet d'économiser un collaborateur à temps plein, alors que le temps de travail lié à l'éducation de la solution représente un demi ETP. La finalité est de retarder la nécessité de transmettre la communication à un agent. Pour pouvoir répondre toujours mieux aux demandes, notre IA se nourrit des échanges, des historiques, mais aussi d'articles, de vidéos, pour que la valeur ajoutée soit la plus pertinente possible", explique-t-elle.
Créer les conditions du succès
Virage technologique, bien souvent les entreprises témoignent d'une hybridation de la relation client davantage que de l'usage de l'IA à elle seule. Les raisons le plus souvent évoquées sont celles du besoin d'un contact humain ressenti encore par certains clients, de l'incapacité de l'IA à traiter les cas les plus complexes et de ne pas encore savoir correctement traiter la data qu'elle enregistre et génère.
Plusieurs bonnes pratiques sont donc nécessaires pour faire de ce virage technologique un réel bénéfice, à commencer par l'acculturation en interne. "Il existe une appréhension naturelle qu'il s'agit de dépasser. On doit montrer aux collaborateurs comment tirer pleinement profit de ces outils et en quoi ils sont un levier dans leur quotidien. Il s'agit aussi de faire monter en compétences certains profils qui ont vocation à faire collaborer des employés ayant le savoir-faire technologique et d'autres qui ont l'expertise opérationnelle", explique Aurélie El Saïr. L'adoption de l'IA impacte donc les métiers mais offre souvent l'occasion aux agents de se concentrer sur des missions plus attractives. Autre vertu, l'IA peut aider les directions d'entreprise à être plus au faîte de la culture client. Bruno Taborin mentionne l'exemple de "l'entreprise Aroma Zone, où la direction générale est l'un des premiers responsables de la relation client : la CEO utilise l'IA pour relire les verbatims des clients, les analyser, les classer pour en faire une base de travail décisionnel."
Aurélie El Saïr attire par ailleurs l'attention sur "la nécessité de respecter le souhait du client d'avoir affaire ou non à une IA. Seuls 12 à 13 % de nos clients privilégient un interlocuteur humain dès le premier contact. C'est peu, mais il importe d'en tenir compte".
Des défis à venir
L'adoption de l'IA a donc été très rapide par les acteurs de la relation client et ses vertus sur la performance de celle-ci ne font plus de doute. La gageure sera à présent de savoir accompagner la transformation des métiers des collaborateurs et rester vigilant aux effets de bord qui peuvent apparaître : perte de la relation humaine, un stock de data ingérable, une automatisation à outrance des réponses aux réclamations.
Yoann Delanos, directeur consultants AV IDF et practice leader Data/IA au sein de la Division Enterprises Solutions chez SCC, attire aussi l'attention sur la nécessité d'adapter le choix de l'IA à son public utilisateur : "Ne nous limitons pas aux agents conversationnels écrits, qui sont toujours plus répandus. Tout le monde n'est pas alphabétisé, et beaucoup ont des difficultés à l'écrit", rappelle-t-il. L'IA vocale prend de plus en plus place au sein de la relation client, comme celle développée en juin 2025 chez Bouygues. Impressionnante par sa capacité à échanger de façon très personnalisée et presque naturelle avec l'humain, allant jusqu'à pouvoir mimer l'humour, l'IA vocale entraîne également une réflexion concernant le rôle de l'IA pour l'inclusivité. Un défi de taille pour les décideurs mais très certainement à ne pas manquer dans leur adoption des nouveaux outils.
L'émotion et l'IA
Que ce soit au niveau des agents ou en matière de qualité de service délivrée aux clients, la dimension humaine et la place qui lui revient dans ce nouveau paradigme est au coeur des projets. S'il ne s'agit pas de remplacer les professionnels en poste, l'objectif est de faire évoluer la mission de ces derniers, afin de rendre leurs interventions plus qualitatives..
Avec l'usage de l'IA : "Il en résulte une forme d'hyper-personnalisation jusque-là impossible à apporter pour l'agent", estime Fred Cécilia, architecte avant-vente chez Confluent. "En un temps très court, il peut savoir quel est exactement le contrat du client, ses habitudes, les obstacles passés qu'il a fallu surmonter, les offres complémentaires pertinentes à proposer." Cela permet aux conseillers d'offrir une expérience sur-mesure à son client.
Pour conserver au mieux une proximité avec les clients, certains acteurs proposent à présent des outils d'IA intégrant des critères empathiques, à l'image de Graia qui ambitionne "d'écouter et de répondre comme le ferait un être humain", indique Viktor Gajodi, chief product officer de l'entreprise. "L'intelligence émotionnelle de la solution lui permet d'identifier le ton et les émotions derrière les mots, qu'il s'agisse de frustration, d'urgence ou de satisfaction, et d'adapter ses
réponses en conséquence." Si l'IA ne peut pas répondre aux émotions humaines de façon naturelle, elle peut toutefois apprendre et distinguer les subitlités au sein des échanges. Une évolution en cours à laquelle il faut portre attention
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