DossierComment lever les irritants en magasin ?
Sommaire
- Le point de vente, lieu de toutes les frustrations
- 5 manières de perdre rapidement des clients en 2014
- Le magasin: reflet d'une consommation sous tension
- Fluidifier le parcours d'achat en boutique
- La distribution doit remettre des vendeurs dans ses rayons
- Des "greeters" pour améliorer l'accueil des clients
- Les consommateurs réclament de l'autonomie
1 Le point de vente, lieu de toutes les frustrations
Faire une demi-heure de queue pour le gâteau du dimanche n'ennuie personne. Papoter avec une vendeuse de prêt-à-porter de la nouvelle collection et du temps qu'il fait est un plaisir. Courir après un employé dans un magasin de bricolage pour obtenir un conseil éclairé sur une ampoule est en revanche un "irritant". Autrement dit, une expérience négative qui fait renoncer à un achat pourtant envisagé. Mauvais accueil, rupture en linéaire, informations prix ou produit insuffisantes, mauvaise ambiance générale... Autant de points noirs qui exaspèrent des clients devenus très exigeants. La crise a accentué leur méfiance, car l'exercice de consommation s'effectue sous tension pour 73% des ménages français, si l'on en croit l'observatoire ShopperMind. Le digital donne un accès immédiat aux choses... Impossible dans la vraie vie. Mais il faut distinguer les courses du shopping. L'utile du futile. Le secteur d'activité est également déterminant. On aura toujours plus de mansuétude pour son fleuriste que pour son banquier. Mais, si près d'un acheteur sur deux ne transforme pas, 91% des achats de détail dans le monde se font encore en point de vente, selon Forrester.
2 5 manières de perdre rapidement des clients en 2014
Un mauvais aménagement du magasin
Une file d'attente trop longue en caisse ou en cabine d'essayage est rédhibitoire aujourd'hui. La majorité des caisses étant visibles depuis l'extérieur, certains clients n'entrent même pas. De même, des produits mal rangés, pas mis en valeur, déplaisent. Le désordre n'est en général pas vendeur. Le client y voit un manque de respect. Il faut également éviter les difficultés pour circuler dans le magasin, ainsi que le remplissage en rayon pendant le temps d'ouverture, qui donne une sensation d'amateurisme. Une ambiance désagréable (musique ou odeur trop forte, chaleur) complique la vente. Pourtant, le marketing sensoriel est souvent négligé. Enfin, le magasin doit être adapté aux handicapés. La loi d'accessibilité dans le commerce est certes repoussée, mais à trop ignorer cette population, les enseignes se rendent coupables de discrimination.
Du personnel qui n'est pas à l'écoute
La destruction de l'emploi dans le commerce aggrave le sentiment de solitude des clients et peut pénaliser les ventes. En parallèle, le manque d'expertise des vendeurs est à déplorer. Leur polyvalence (encaissement, tâches administratives) les détourne de leur fonction première: l'accompagnement. Trop de clients se plaignent d'une mauvaise relation avec le personnel : se sentir malvenu, ne pas être salué ni remercié... Les rituels d'accueil sont encore trop souvent négligés par les enseignes.
Une communication peu claire
La signalétique est encore parfois peu compréhensible. Le merchandising est un exercice difficile, qui répond à une mécanique rigoureuse. Il s'agit du premier signal envoyé à ses clients. Le négliger, c'est, à coup sûr, faire baisser son chiffre d'affaires. De même, il convient de veiller à éviter les promotions pas claires ou décevantes. La mauvaise exécution des promotions en caisse est très déceptive! Aujourd'hui, les clients comptent et comparent davantage. L'absence de sincérité sur la promotion les fera fuir. Enfin, le manque d'information sur un produit, que ce soit via un vendeur ou un support commercial (papier ou numérique), nuit. Les consommateurs experts attendent des réponses à toutes leurs questions. La transparence est un excellent levier de vente. Ainsi, le client doit pouvoir consulter l'avis d'autres consommateurs car la recommandation constitue le meilleur média pour rassurer.
Par ailleurs, il faut fasse la chasse aux prix non indiqués en rayon ou non lisibles. À l'heure des arbitrages contraints, la sensibilité au prix est fondamentale. Le client reposera un article sur lequel le prix n'apparaît pas. La cohérence entre les prix en rayon et en caisse est primordiale. Les bugs d'exécution existent encore. Ce dysfonctionnement aggrave le temps d'attente, accroît la suspicion envers les commerçants et met en exergue le manque d'organisation humain. De même, un prix ou une promotion en magasin qui ne correspond pas à ce que le consommateur a vu sur Internet ou sur les prospectus. Le manque de cohérence est aujourd'hui très critiqué par les consommateurs et renforce le sentiment que le Net est moins cher.
Des services insuffisants
Trop de programmes de fidélité sont décevants. Faire partie d'un club doit en valoir la peine. Par exemple, on peut parfois déplorer l'absence de caisse dédiée aux porteurs de la carte de fidélité. Certes, les enseignes ne peuvent pas multiplier à l'envi les modes d'encaissement. Cependant, les paiements déportés en file d'attente se multiplient. De plus, la sursollicitation des "encartés" par le marketing direct irrite davantage qu'il ne fidélise. Le débat sur les données personnelles n'a pas fini de gâter les relations avec les consommateurs. En parallèle, le service après-vente constitue un point de crispation important. Les enseignes qui négligent "l'après" dans l'acte d'achat creusent leur déficit d'image.
Par ailleurs, on relève encore des modalités de livraisons qui ne conviennent pas au client (coût, mode, délai, créneaux horaires). Impossible d'échapper au plébiscite du click and mag ou au click and collect, aujourd'hui. La fulgurance du modèle du drive en est la meilleure illustration.
Enfin, le magasin doit être adapté à la clientèle avec enfants. Ces derniers sont pourtant des prescripteurs hors pair... Les centres commerciaux peuvent constituer des sources d'inspiration (elles proposent des services de garderie, des ateliers etc.) pour les enseignes.
L'indisponibilité des produits
L'impossibilité de tester, de goûter le produit ou d'en voir une démonstration freine l'achat. Le célèbre "l'essayer c'est l'adopter" fonctionne pourtant très bien pour augmenter son taux de transformation. De même, le fait de ne pas pouvoir voir ou toucher le produit recherché (objet emballé, visible mais inaccessible) déçoit. Ce frein est l'un des plus difficiles à lever. Cependant, si le personnel de vente est disponible pour déballer le produit, la vente sera facilitée.
De plus, l'indisponibilité de la gamme, de la marque ou du produit recherchés, de la taille, de la couleur ou de l'option voulue frustre. Ce sentiment de déception peut être évité grâce aux conseils d'un vendeur, qui pourra réorienter le client. Une e-réservation suggérée par le personnel ou un affichage constitue un service à forte valeur ajoutée.
Le resserrement du budget des ménages a accentué la méfiance et l'exigence des clients. Le point de vente n'incite pourtant pas toujours à consommer.
3 Le magasin: reflet d'une consommation sous tension
Ceux qui ont déjà travaillé dans un magasin savent combien il est difficile de mener une vente jusqu'au bout. Superinformés, exigeants, paradoxaux, capricieux, les clients se donnent tous les droits. Une rupture en linéaire, une file d'attente trop longue, un problème dans l'affichage d'un prix, un vendeur occupé ou absent et... ils s'en vont dépenser ailleurs, autrement (essor du marché de l'occasion, notamment) ou reportent sine die leurs achats (la déconsommation progresse). Avec un pouvoir d'achat en berne (- 0,6% en 2012, selon Xerfi), une modération salariale persistante et une pression fiscale accrue, la consommation est maintenue dans une zone quasi dépressionnaire.
Le commerce organisé subit de plein fouet cette sinistrose. "En première ligne, il est le reflet d'une consommation désormais sous tension, explique Jean-Marc Megnin, directeur général de l'observatoire ShopperMind (groupe Altavia) Avant même d'entrer dans un magasin, 66% des consommateurs affirment que le commerce ne les comprend pas, par exemple. Ce biais cognitif crée une attente démultipliée. Dans notre étude "Crise du shopping ou shopping de crise", certains sondés parlent même "d'efforts" pour venir en magasin!"
De plus, le syndrome "Capital" (autrement dit les émissions de télévision grand public qui dénoncent les pratiques de la grande distribution) a installé durablement une suspicion généralisée à l'encontre des acteurs du secteur. Une fois ce portrait négatif inscrit dans les esprits, comment les magasins peuvent-ils résoudre ces points de friction? diagnostiquer les problèmes qui font à coup sûr chuter ce fameux taux de transformation.
Les enseignes sont obsédées par le taux de transformation. Autrement dit, le passage en caisse. Avant d'y parvenir, les clients exigent un parcours sans faute. Réaliste ?
4 Fluidifier le parcours d'achat en boutique
"Les irritants sont plus visibles qu'hier car nos comportements sont désormais "algorithmés", affirme Mickaël Palvin, directeur du planning stratégique de Publicis Shopper. L'essor du digital dans nos vies a rendu l'attente plus difficile." Mais le client sait aussi patienter quand il le décide. Tout le monde le fait si le produit ou l'expérience en vaut la peine... Le luxe (une liste d'attente est imposée chez Vuitton ou Hermès), le commerce de bouche (les files d'attente du pâtissier Pierre Hermé et du boucher Yves-Marie Le Bourdonnec sont célèbres), le mass premium (Abercrombie, Nespresso, Apple...) et même l'e-commerce (Vente-privée impose à la fois des connexions très tôt le matin et des délais de livraison très longs sans rencontrer de problème) sont la preuve que le temps constitue une notion complexe à comprendre. Mais le client arbitre surtout entre les notions de temps actif (positif, dit aussi "temps utile") et de temps passif (négatif, ou "temps mort"). "Le temps consacré à l'exercice de la consommation, regroupant les courses et le shopping, s'est allongé ces dernières années, indique Frank Rosenthal, expert et consultant en distribution. Les clients préparent leurs achats sur le Net, pour un temps de visite physique moins important. Ils ont donc la sensation d'avoir déjà beaucoup dépensé de temps en amont, du coup, ils n'en ont plus pour transformer leur achat! C'est donc l'enseigne qui offre la meilleure expérience en temps actif, avec le moins de problèmes d'exécution qui est valorisée."
En parallèle, le digital peut aider à fluidifier le parcours et la transformation clients. Les temps morts peuvent être réduits notamment grâce à l'encaissement mobile, qui se répand. Pour peu, cependant, qu'il ne se substitue pas totalement aux caisses classiques, encore plébiscitées. Mais l'un des moyens de faire préférer le point de vente à toute autre forme de commerce demeure la valorisation des hommes et des femmes qui y passent leur journée. Qui n'a jamais dit "mon boulanger", "mon esthéticienne" ou "Nicole, ma coiffeuse"? De fait, se crée une proximité presque amicale, voire bienveillante. La grande distribution mène également des campagnes de communication et mobilise ses ressources humaines locales pour réhabiliter ses métiers de front. Ainsi, certains hypermarchés Carrefour informent leurs clients dans des kakémonos en zone de caisse qu'"Ici, Martine, hôtesse de caisse depuis 15 ans est à votre service". Une manière de signifier très clairement que la file d'attente ne s'éternisera pas.
Interview de Mickaël Palvin, directeur du planning stratégique Publicis Shopper
Le client s'agace très vite en magasin... Est-ce dû uniquement à l'essor du digital?
Non. Le client n'est pas irrité à cause de la prégnance du digital dans nos vies. En revanche, l'expérience de fluidité immédiate du Net en général, et de l'e-commerce en particulier, a rendu les irritants en magasin davantage visibles. Le commerce physique ne sera jamais une surface tactile...
La crise a également durci les relations avec les commerçants. Les arbitrages des ménages, de plus en plus contraints, rendent la consommation sensible. Ce que les consommateurs pardonnaient aux magasins avant 2008 n'est plus excusable aujourd'hui. Mais, en France tout du moins, il faut avouer que la distribution n'a jamais eu bonne presse.
Les vendeurs sont cités comme l'un des irritants majeurs. Est-ce justifié?
Ce n'est pas leur fonction, ni même leur rôle, qui est en cause, mais leur indisponibilité. Le syndrome du "vendeur Shiva", soit un professionnel qui fait tout sauf de la vente, est fortement décrié, aujourd'hui. La polyvalence à outrance et les abus observés dans le hard discount montrent leurs limites. Il y a moins d'employés dans les magasins et c'est une erreur. Réhumaniser les points de vente est primordial. Les clients plébiscitent les bons vendeurs qui connaissent leur sujet. Ils attendent de l'accompagnement, de la considération, de la sincérité, également. Nous sommes entrés dans une ère empathique même dans le commerce (NDLR: aller plus loin avec Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Civilisation de l'empathie, par Jérémy Rifkin, édition Les liens qui libèrent).
Un achat se décompose en trois temps (avant, pendant et après). Quel est, selon vous, le plus perfectible pour les enseignes physiques?
Sans aucun doute le moment où le client est à l'intérieur du magasin. C'est le lieu qui fidélise avant tout. Et une fois à l'intérieur, tout compte: l'ambiance générale, la qualité de l'accueil, la disponibilité du personnel, la lisibilité du merchandising, la cohérence des informations, la pertinence des services... Mais les clients sont pluriels. Dans notre étude "Quelles solutions pour les irritants en magasin" (cf. p.54), aucune des solutions proposées ne récolte plus de 54?% des voix, par exemple.
Les irritants sont très variables d'un secteur à l'autre. Est-ce lié au prix? À la valeur ajoutée des produits? À la différence structurelle entre courses et shopping?
Entre le secteur de la cosmétique et celui du bricolage, les attentes et les points noirs ne sont clairement pas les mêmes. Entre le mass market et les secteurs de niche, comme le luxe ou le commerce de bouche, les différences sont énormes. Mais le mass premium, Nespresso ou Abercrombie&Fitch, par exemple, propose une nouvelle posture inspirée du luxe. Nous différencions les "irritants noirs" - communs à tous les secteurs, comme une rupture de stock ou une file d'attente trop longue - et les irritants "gris" qui sont moins rédhibitoires, comme le fait d'avoir des difficultés à localiser un produit, ou ne pas pouvoir le tester. Ou permettre un accès wi-fi, service très demandé, mais qui n'est pas encore la règle partout, ce que l'on peut regretter.
Qu'est-ce qui vous a surpris dans les résultats de cette étude?
L'autonomie est une attente très forte. Les clients disent qu'ils ne veulent pas être esclaves. Que ce soit de la consommation ou de l'hyperdigitalisation. Ils apprécient que l'on leur laisse le choix d'être accompagné ou non. D'utiliser ou non les outils digitaux. Ils sont favorables aux outils digitaux quand ceux-ci sont utiles. Non aux solutions digitales futiles. Le recours systématique au digital peut aussi très vite agacer... Les clients ont tendance à penser que c'est de l'emploi perdu, que les investissements se sont faits au détriment d'autres choses plus importantes comme les prix, les services ou l'état du magasin...
En revanche, les enseignes qui fidéliseront le plus seront sans doute celles qui reconnaîtront le client dès son entrée pour lui proposer des offres promotionnelles personnalisées, notamment (NDLR?: on parle alors de géofencing). Plus de huit shoppers sur dix apprécieraient ce type de push, par exemple.
Le parcours client est désormais cross canal : le consommateur vient en magasin bien informé et souhaite avant tout être accueilli et conseillé.
5 La distribution doit remettre des vendeurs dans ses rayons
"Le libre-service? Ça a marqué la disparition du service, l'abandon du client, s'exclame Philippe de Mareilhac, directeur général de Market Value. On assiste aujourd'hui à un retour en arrière: on propose de nouveau du service tout en laissant le choix et son autonomie au client. Avec subtilité." Jean-Marc Megnin (ShopperMind) évoque "ce besoin irrépressible de lien social qu'ont les consommateurs. La sociabilité interactive est une constante dans le commerce." François Hannebicque, directeur de la création de l'agence de design retail AKDV, évoque le "rôle pivot de la relation humaine, qui constitue le meilleur allié du taux de transformation. Les premières questions à se poser lorsque l'on est une enseigne est "ai-je bien reçu les clients?" "Qu'ai-je fait pour améliorer leur expérience une fois la porte franchie ?" Les vendeurs cristallisent - parfois à tort - les mécontentements. La crise a détruit des dizaines de milliers d'emplois dans le commerce et, notamment, dans les métiers de la vente, laissant trop souvent le client livré à lui-même. Demander aux vendeurs de faire du remplissage de rayon, des tâches administratives comme du reporting ou encore du nettoyage, détruit de la valeur, en réalité. "La polyvalence à outrance déresponsabilise les métiers de la vente", explique Frank Rosenthal. Qui ne s'est jamais entendu dire "ce n'est pas mon rayon", par exemple ? À trop vouloir imposer la polyvalence à leurs vendeurs, les magasins détruisent leur expertise."
Mais les temps changent... L'enseigne de meubles et de décoration Alinéa (groupe Auchan) teste une nouvelle relation client dans son tout nouveau concept, qui vient d'ouvrir à Troyes. Les vendeurs font exclusivement de la vente et non plus du remplissage de rayons. "Ce sont deux équipes différentes pour deux métiers différents, explique Raymond Pastor le directeur du magasin. Car il n'y a rien de plus désagréable pour un client que de voir le dos d'un vendeur qui regarnit un rayon ! Ce dernier signifie très clairement qu'il n'est pas disponible pour lui." Dans un segment du meuble en recul (-3% en un an), il faut agir avec pragmatisme. Disséminées également dans ce magasin, des bornes murales renseignent le client sur les prix (scanning du code-barres) et un bouton permet d'appeler un vendeur pour obtenir un conseil supplémentaire. Celui-ci est, en outre, facilement identifiable grâce à un gilet de couleur, un gros badge jaune en forme de smiley épinglé sur le coeur avec inscrit très clairement "vous accueillir, vous servir, vous satisfaire". Mais l'heure est aussi, pour certaines enseignes, à l'anticipation des irritants.
Lire aussi : Quelles sont les attentes de la Génération Z ?
Reconsidérer les vendeurs
L'ennemi public numéro un? Le vendeur mal informé, peu accueillant... est régulièrement cité comme une cause de non achat dans les boutiques. D'où la mise en place de politiques de formation. "GrandOptical investit plus de 3 % de sa masse salariale dans la formation des collaborateurs magasins", souligne Florence Chaffiotte, directrice marketing, communication et e-business. "Chez Nespresso, chaque salarié bénéficie de 35 heures de formation par an, précise Sophie Coustaury, drh de Nespresso. À ce sujet, nous venons de créer une académie recréant un pôle de vente et un laboratoire, pour montrer les différentes étapes de transformation du café." "La quête du geste parfait" est le mot d'ordre chez Nespresso qui ne forme pas des vendeurs mais des "spécialistes café". Cette quête de l'excellence passe par la compréhension de la place du client dans le processus d'achat. " C'est essentiel, souligne Gilles Lepoutre, directeur du groupe Fora (formation commerciale et managériale). Mieux vaut savoir si le client s'est déjà renseigné sur Internet. S'il a pris rendez-vous à l'avance pour un personal shopper. On parle ainsi de vendeur connecté. À chaque étape du processus d'achat omnicanal, le vendeur doit être capable d'apporter de la valeur ajoutée pour déclencher l'achat. On est loin des scénarios classiques de vente!" Des formations sur mesure sont dispensées. "Dans le cas d'un problème unique de dysfonctionnement, nous utilisons les focus, précise Gilles Lepoutre. Il s'agit de mobiliser pendant une semaine tous les collaborateurs. À l'issue de cette période, le problème doit être réglé. Nous avons entamé cette démarche pour Yves Rocher." Une enseigne connue pour la qualité de ses services au client. Formation rime donc bien avec qualité... et motivation. Surcouf, à l'époque de sa splendeur, se targuait d'avoir les meilleurs vendeurs. C'était aussi les mieux payés. Mais quand leur rémunération a changé, la boutique a fermé. CQFD.
Avec le libre-service, le client est trop souvent laissé à lui-même en boutique. Il réclame désormais une réhumanisation des rayons.
6 Des "greeters" pour améliorer l'accueil des clients
Aux États-Unis, on les appelle les "greeters" ou les "helpers". En français, le mot n'existe pas pour le mass market. Il s'agit d'un compromis entre une hôtesse d'accueil et un maître d'hôtel. On en trouve encore assez peu (sauf dans le luxe). Leur rôle? Orienter le client vers la bonne personne, fluidifier leur parcours et faciliter la vie de tous. GrandOptical et les boutiques Orange l'ont mis en place avec succès. Mais l'exemple le plus abouti (et le plus inspirant) reste celui de La Poste. Dès l'entrée, une personne salue, demande au client le motif de sa venue (affranchissement, retrait ou envoi de recommandés, paiement ou réception de mandats... la liste est très longue) et oriente au plus juste. Un gain de temps et d'efficacité qui tord le cou aux (nombreux) clichés qui font le bonheur des humoristes.
Un accueil chaleureux et efficace
"Merci de venir en magasin! Nous vous déroulons le tapis rouge! Et le personnel applaudit!" C'est la façon dont les vendeurs souhaitent la bienvenue aux clients au magasin Sephora des Champs-Élysées. Chez Nespresso, un groom leur ouvre la porte. Chez Ikea, si le client fait l'effort de venir à l'ouverture, l'enseigne lui offre le café. Aux Galeries Lafayette, où une forte propension de la clientèle est internationale, des hôtesses parlent une quinzaine de langues au total et s'enquièrent de ses besoins...
Bref, tout est bon pour faire bonne impression dès l'arrivée en boutique. Ensuite, les enseignes travaillent ce qu'elles appellent "la prise en charge". ""Bonjour Madame, bienvenue chez GrandOptical, comment puis-je vous aider?" C'est la première phrase que délivre notre hôtesse d'accueil, notre "pivot", dans notre jargon. En fonction de la réponse, elle guide ensuite le client jusqu'au vendeur qualifié pour lui répondre, en l'appelant par son prénom, avant de lui passer le relais, indique Florence Chaffiotte, directrice marketing et communication du groupe Grandvision. Huit des heures de formation des collaborateurs sont consacrées à l'accueil chez GrandOptical." Autre exemple, celui de Lapeyre, qui a mis en place un accueil volant, destiné à orienter le consommateur dès son arrivée. "Pour une requête rapide à traiter, il est dirigé vers le "côté comptoir"", détaille Philippe de Mareilhac, dg de Market Value et responsable de l'optimisation du parcours-client chez Lapeyre. Pour une demande plus poussée, avec devis et conseils, le consommateur est invité à se rendre "côté projet". "L'endroit se présente sous la forme d'un salon cosy, avec fauteuil et table en teck, plus propice à une ambiance de travail, tout en étant dans un environnement qualitatif", décrit le dirigeant.
Outre-Atlantique, de nouveaux employés souhaitent la bienvenue aux personnes qui passent le seuil des magasins. Une tendance qui s'installe en France.
7 Les consommateurs réclament de l'autonomie
Les Français ne veulent plus rien subir en matière de consommation. L'essor du drive (25% de taux de pénétration) et du click and collect (85% le plébiscitent), rappelle que le client exige de l'autonomie maîtrisée. Une solitude qu'il peut aussi vouloir rompre à tout moment. "Nous avons mis en place le service libre, explique Nathalie Gonzalez, directrice marketing de Nespresso. Dans une zone bien identifiée en boutique, le client peut choisir ses capsules, les déposer sur un système qui comptabilise le montant de son achat et il règle seul." Dans les dernières Fnac, comme celle de Bercy Village, à Paris, les clients ont le choix entre le click and mag, qui permet de se faire livrer dans le point de vente, et le click and collect, disponible une heure après son achat en ligne, uniquement pour les articles en stock. "Aux Galeries Lafayette Haussmann, nous avons lancé le click and collect fin 2013, avec la possibilité, lors du retrait, d'ouvrir les paquets, d'essayer les produits et de les rendre immédiatement si cela ne convient pas. En outre, le client peut choisir de déballer ses cartons et de repartir avec ses achats dans un sac du magasin, plus pratique. D'autres services sont offerts, comme la retouche ou les paquets cadeaux", précise Valérie Capes, directrice service clientèle des Galeries Lafayette Haussmann.
Une initiative qui fait mouche puisque "depuis son lancement, en fin d'année 2013, l'enseigne observe que 22% de ses livraisons vont vers le magasin du boulevard Haussmann", affirme Mickaël Introligator, responsable e-logistique, flux et production aux Galeries Lafayette. Autre variante, venue du discount, cette fois, avec Dia. En début d'année, le distributeur a lancé dans son magasin parisien de la rue Brézin (XIVe arrondissement), un service de commandes de produits en ligne (avec un choix de 1400 références), retirables en magasin dans des casiers réfrigérés situés à l'entrée, 30 minutes après sa commande. Et c'est en toute autonomie que le client retire ses courses, en composant un code qu'il a reçu via SMS, sitôt son paiement validé en ligne. Le secteur du commerce fourmille d'idées et s'interroge en permanence, en multipliant les études et les benchmarks. Mais le client a toujours un temps d'avance. Personne n'avait vu venir, par exemple, qu'il tiendrait en main un téléphone le reliant au monde tandis qu'il fait ses achats. Pour le meilleur et pour le pire.
Rendre l'offre lisible
Le succès du drive prouve que dans l'univers de la grande consommation, le shopping n'offre pas de plaisir. Les consommateurs n'attendent rien d'autre que l'efficacité. Ce service est très automatisé et parfaitement simple, c'est ce que recherche le consommateur. L'idée consiste donc à proposer la même chose en rayon, pour retenir le client. "Sur ce point, Leroy Merlin a développé une segmentation très intelligente, note Philippe de Mareilhac, dg de Market Value. Il devient sélectionneur pour le compte de ses clients, en regroupant ses produits sous trois thématiques : premiers prix, meilleure qualité prix et top qualité prix. De cette manière, si le client veut acheter un rabot et qu'il sait qu'il n'en aura qu'un usage très limité, il achètera sans hésitation du premier prix. À l'inverse, pour une perceuse qui lui servira tout le temps, il osera s'offrir le nec plus ultra."
Ce pragmatisme se retrouve aussi chez Mercadona, distributeur alimentaire espagnol. "Dans ses rayons, on trouve au maximum trois produits par catégorie (une marque propre et deux marques nationales), avec le produit leader, présent avec de forts volumes sur la partie basse, et les autres, en plus petite quantité, au dessus", commente-t-il. La technologie, qui aide aussi à simplifier la vie du client, est incitatrice d'achats. Le meilleur exemple est fourni par le magasin But. Le spécialiste de l'équipement de la maison affiche plus 15% de ventes additionnelles après le déploiement de ses tablettes en magasin. Le client se voit proposer un choix complet de références mais sous la houlette d'un vendeur qui, en manipulant ce nouvel outil, peut le guider efficacement dans ses choix.
Le nouveau défi des enseignes est de maintenir un juste équilibre entre liberté (via le click and collect et le libre-service, notamment) et conseil. Exemples de La Fnac, Nespresso et les Galeries Lafayette.
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