[Tribune] Économie de l'expérience: les 5 moteurs de la création de valeur
Si Schumpeter était encore parmi nous, dirait-il encore que le client n'est pas la source de l'innovation? Avec le numérique, les usages comme les modes de consommation s'inventent et se transforment au gré du plus grand nombre, bouleversant les chaînes traditionnelles de création de valeur. Place à l'expérience client -pourvu qu'elle soit singulière- et plus largement à l'économie de l'expérience.
Comment les distributeurs peuvent-ils s'adapter à ce processus de destruction créatrice? Voici les 5 moteurs de la création de valeur à l'ère de l'expérience client.
Omnicanal et omniprésence: les clés d'une expérience sublimée
Le numérique est une révolution copernicienne qui ne porte pas son nom. L'ancien monde plaçait le produit au centre de l'Univers, le nouveau monde y place le client, et avec lui ses usages. Les canaux et points de vente structuraient la chaîne de distribution des produits, le client s'adresse désormais à une marque, dont il attend une expérience singulière.
Pour l'entreprise, c'est un renversement de perspective, qui rend nécessaire le re-ordonnancement de son système d'information autour du client, et donc de l'omnicanal. Ici la connectivité et l'agilité du SI sont les clés d'une offre expérientielle transverse, mais pas seulement. Pour une expérience personnalisée réussie, la disponibilité de la donnée client -la bonne donnée au bon moment- est la clé. Et avec elle la convergence de cette donnée en un point unique, supportée par une infrastructure "élastique". Bienvenue à l'ère de la l'expérience client, bienvenue dans le cloud!
Piloter l'expérience par la donnée
On a trop tendance à résumer l'expérience client à un concept marketing, voire de marketing sensoriel. Bien qu'elle soit primordiale, car elle construit la fidélité et la recommandation, l'expérience client est avant tout polyforme.
En effet, elle devient une attente et une marque de reconnaissance. Pour le distributeur, elle représente un levier de croissance et d'efficience. Grâce à la détection des tendances, le distributeur est en mesure de mieux définir les collections et assortiments, obtenir des prévisions de vente plus fiables, réallouer dynamiquement les ressources de l'entreprise en fonction des dites prévisions, et ainsi garantir la disponibilité des produits en temps voulu. Ce cercle vertueux dessine les contours d'une nouvelle chaîne de valeur, dont la donnée client est le carburant pour l'ensemble de l'entreprise. Piloter l'expérience par la donnée, c'est in fine piloter sa propre performance.
Faire du magasin physique un différentiateur de l'offre expérientielle
On l'avait annoncée, et elle n'a pas eu lieu. La fin du magasin physique -que les adeptes du "retail apocalypse" ou les faillites de Toys'r'us et Sears avaient fait craindre- était un mythe.
Car à l'heure de l'économie de l'expérience, le client n'a pas renoncé à se rendre en magasin. Et si le développement du commerce en ligne a pu accélérer sa désaffection pour certaines marques ou certains modèles de ventes, elle n'a pas entamé son affection pour le magasin. Apple l'a compris le premier en faisant des Apple Store un modèle d'évolution de l'offre expérientielle-désormais synonyme de vente, de rencontre mais aussi de formation.
Et aujourd'hui, les stars du commerce en ligne lui emboîtent le pas pour faire du magasin physique un élément clé de leur offre expérientielle. Ainsi, les fossoyeurs annoncés du magasin physique -les Glossier, Amazon et Casper- contribuent à sa renaissance, avec l'avènement du "retailtainment". Preuve qu'à l'heure de l'économie de l'expérience, le client est roi et le magasin son royaume.
Fidéliser les employés de terrain
L'expérience client est donc consacrée comme juge de paix et nouveau Graal de la performance. Une expérience dont la conception et la réalisation reposent sur la technologie, mais aussi la maîtrise des savoir-faire. Ces savoir-faire sont détenus par les employés de terrain, qui sont au contact des clients. Le fameux principe de "symétrie des attentions" et son application concrète au monde de la distribution est vérifié: pas d'expérience client sans engagement de l'employé!
Pour les distributeurs, l'enjeu est de taille: il s'agit d'attirer, développer, et bien plus encore de fidéliser les meilleurs employés de terrain. En période de pénurie de main-d'oeuvre, avec des nouvelles générations aussi volatiles et exigeantes que leurs propres clients, les distributeurs repensent donc leur proposition de valeur à destination des acteurs de terrain. On parle de changement culturel, mais également du triptyque culture-environnement-technologie. Et comme l'expérience client, l'expérience collaborateur se révèle un levier de performance, mais aussi de réduction des coûts. Une récente étude auprès du S&P 500 le montre: une augmentation du taux de rétention des salariés peut conduire à une économie annuelle moyenne de 156 millions de dollars!
Penser service avant de penser produit
Au fond, l'entreprise du futur, celle de l'expérience client, est comme une entreprise de service. Ses variables de création de valeur sont l'employé d'une part, et la qualité technique du service rendu d'autre part.
Puisque la profusion de l'offre rend impossible la différenciation du produit par le client, la valeur doit être créée autour du produit. Les porte-étendards de la nouvelle économie, tels Airbnb ou Uber, ont montré le chemin, ne cherchant pas à réinventer le produit (l'hôtel ou la voiture) mais plutôt l'expérience autour de lui. C'est aussi la raison pour laquelle Ikea, par le rachat de Taskrabbit - une plateforme qui met en relation ouvriers indépendants et consommateurs, se lance dans la location et le recyclage, comme un moyen d'augmenter sa valeur auprès du consommateur en proposant de nouveaux services, ou en devenant un acteur de l'économie circulaire.
Penser service, fidéliser les employés de terrain, réinventer le magasin physique au sein d'une offre expérientielle omnicanale et sublimée par les technologies, voici donc les cinq moteurs de la création de valeur à l'heure de l'économie de l'expérience. Cinq moteurs pour une économie qui place l'expérience, et donc l'humain en son centre, et qui, comme d'autres avant elle, s'essoufflera peut-être un jour pour céder le pas à sa remplaçante....
Durant ces 20 dernières années, Pierre Gousset a occupé divers postes de management sales et presales chez des éditeurs de logiciels à dimension internationale (PeopleSoft, Oracle, SAP). Avant de rejoindre ce secteur, il débute sa carrière en tant que chef de service au sein du ministère de Économie, des Finances et de l'Industrie. Il était alors en charge du service budget de l'État (budget général et comptes spéciaux du trésor) au sein de l'Agence comptable centrale du trésor (depuis remplacée).
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