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Travail à distance: quels sont les nouveaux enjeux de la formation?

Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Travail à distance: quels sont les nouveaux enjeux de la formation?

Formation collaborative, blended learning, autoformation... les centres de contact et services clients internes rivalisent d'ingéniosité pour fluidifier (et peut-être pérenniser?) le travail à distance.

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Alors que les services clients internalisés et externalisés ont dû basculer brutalement en télétravail, les équipes de formation se sont adaptées à des modalités et besoins nouveaux. Selon une étude menée par le cabinet de conseil Nemertes, 70% des centres de contact à travers le monde souhaitent continuer à proposer du télétravail à leurs agents, mais 21% reconnaissent avoir des difficultés concernant la formation de leurs collaborateurs. La continuité des apprentissages constitue un enjeu majeur pour les services clients, qu'il s'agisse d'onboarder les nouveaux venus, d'ancrer les compétences comportementales ou de faire intégrer de nouvelles offres clients aux conseillers.

Pour Valéry Nguyen, General Manager EMEA de l'organisme de formation Learning Tribes (rattaché à l'outsourceur Sitel): "La formation était considérée comme une commodité. Avec la crise, elle est devenue un élément de transformation des entreprises." La pertinence de la formation à distance est régulièrement questionnée. Ainsi, une célèbre analyse du pédagogue Stitzmann, datant de 2006, compare 96 études dédiées à l'enseignement en ligne et en présentiel. Résultat, le format à distance s'avère 6% plus efficace pour acquérir des connaissances conceptuelles. Les deux méthodes apparaissent équivalentes lorsqu'il s'agit d'aptitudes procédurales (réaliser une tâche concrète). L'apprentissage mixte est déclaré le plus performant.

1. Opter pour le blended distanciel

La formation à distance n'est pas généralisable: "Lorsque l'on fait opérer des centres à l'offshore, cela nécessite un travail considérable pour permettre aux conseillers de s'intégrer dans l'environnement des consommateurs auxquels ils rendent service, explique Emmanuel Richard, directeur général du cabinet Extens consulting. C'est moins vrai pour le nearshore." Par exemple, aborder une formation opérationnelle sur le thème du click and collect implique une téléportation dans un environnement culturel différent. Pour y remédier, le blended learning consiste à alterner formation sur site ou à distance, de manière synchrone (tous les participants assistent au cours en même temps) ou asynchrone (contenus en libre-service, par exemple). L'organisme de formation Learning Tribes a notamment développé sa propre plateforme pédagogique et a créé de nouveaux objets pédagogiques en blended learning. Le premier fut, en plein confinement, une formation présentielle renforcée: 200 apprenants ont été réunis en petits groupes dans une salle (avec des mesures de protection) pour un client. "Pour le deuxième dispositif, nous avons fait des grands groupes de 60 personnes: nous avons inventé un lieu de formation dans un amphithéâtre, pour Orange, à Tarbes, explique Valéry Nguyen (Learning Tribes). Nous avons onboardé 60 conseillers au travers de Sitel pendant une semaine, avec trois écrans géants." Enfin, l'organisme organise un hackathon distanciel et réunit une quarantaine de spécialistes de l'information en Europe pour une marque de café. En tout, ces formations ont concerné un millier de personnes.

2. Développer la force du collectif et du collaboratif

Pour s'adapter aux nouvelles méthodes d'apprentissage, il convient de miser sur la scénarisation des contenus. "Nous avons constaté une inflation d'outils, insiste Valéry Nguyen (Learning Tribes). Le meilleur outil dans les mains d'un mauvais pédagogue ne sert à rien. L'outil ne fait pas l'usage: il faut redoubler de scénarisation et d'ingénierie pour développer les usages." Dans une formation présentielle, le formateur incarne la scénarisation. En distanciel, impossible de s'appuyer sur cela. Il importe donc de développer la collaboration entre les apprenants. Pour certains clients, Learning Tribes a ainsi proposé des dispositifs de coanimation: une personne présente les contenus et une autre travaille sur l'aspect interactif et les échanges entre apprenants. Par ailleurs, la gestion des individualités doit être renforcée: "La difficulté est de gérer ses propres émotions, explique Joëlle Dervillé, formatrice consultante pour l'organisme de formation CSP. Les collaborateurs peuvent se sentir malmenés par les clients, surmenés en raison de la difficile gestion professionnelle/personnelle, ou inquiets. Cette situation renforce l'appel à ses pairs et la force du collectif." Pour s'adapter à chaque conseiller, il est crucial de définir son profil d'apprenant (kinesthésique, auditif, visuel) et de professionnel (rebelle, passif, demandeur...). La prise en compte de particularités cognitives et socioaffectives des conseillers est donc impérative afin de proposer un suivi personnalisé et des supports adaptés. Par ailleurs, la pédagogie doit être explicite: le scénario pédagogique et les objectifs à atteindre doivent être précisés dès le début de la session afin que les apprenants puissent se projeter. Pour éviter la passivité, chaque conseiller doit pouvoir faire ses choix. Si certains contenus doivent impérativement être transmis à tous, il convient de proposer des modules facultatifs, lesquels favorisent les échanges entre les conseillers et la pédagogie horizontale (transmission par les pairs).

3. Introduire l'autoformation

De nouvelles offres à distance voient le jour dans les organismes de formation. Ainsi, CSP propose 41 classes virtuelles: "Mettre en place les bonnes pratiques du télétravail", "Manager à distance", "Communiquer avec efficacité et bienveillance", "Mieux adapter sa communication", "Animer une réunion d'équipe efficace et conviviale à distance", notamment. "Ces classes s'adressent à des centres de toute taille, nous les proposons en inter comme en intra-entreprise, précise Joëlle Dervillé. Nous proposons au client un entretien individuel en amont pour adapter chaque formation à ses besoins. Les classes virtuelles durent deux heures, nous nous positionnons sur l'outil du client (Skype, Zoom, Microsoft Teams...). Ensuite, nous accompagnons chaque personne avec un coaching individuel de 30 à 45 minutes." En complément, les outils d'autoformation permettent de ne pas opposer une formation qui proviendrait de la direction à des contenus disponibles sur le Web. Il est ainsi possible de se focaliser sur des mots-clés, pousser des podcasts, articles, vidéos autour de plusieurs thématiques afin de diminuer le grain pédagogique. Les temps de formation deviennent plus courts, sont interrompus par des temps de production pour mettre en pratique ce que l'on a entendu. Il convient de travailler sur l'assemblage des modules. L'organisme Learning Tribes a spécialement développé un parcours de formation dédié au télétravail, baptisé Edflex et intégré dans la plateforme de curation Triboo. "Le média prioritaire est le mobile, nous le préconisons, indique Valéry Nguyen. Nous nous intéressons à l'incrustation de la formation en situation de travail. En télétravail, entre deux appels, un collaborateur peut visualiser une fiche mémo sur l'empathie, sur la gestion des objections, sur une offre particulière. Le fait d'avoir plusieurs écrans favorise la montée en compétences." Learning Tribes travaille sur le concept de "no platform": il s'agit de pousser le contenu pédagogique sur l'application de messagerie favorite du collaborateur. L'an dernier, l'organisme a déployé des formations sur WeChat auprès de 7000 hôtesses de L'Oréal (chiffre atteint fin 2019, l'opération se poursuit). En situation de travail, les apprenants, pendant leur pause, leurs transports, consultaient Instagram, sur lesquels étaient poussés des micro-contenus.

4. Polyvalence et mesure du ROI

Quelques restrictions toutefois: tout d'abord, les formations dédiées à favoriser la polyvalence des salariés en cas de crise doivent être utilisées avec parcimonie. En effet, "en règle générale, les superviseurs sont déjà en capacité de prendre le relais sur des communications difficiles, explique Emmanuel Richard (Extens Consulting). Les mouvements de solidarité ne peuvent être que temporaires. L'entreprise doit prendre en main les arbitrages pour que les personnes retrouvent une activité normale, pour éviter l'épuisement." Les acteurs n'ont pas résolu la question de la mesure de l'efficacité digitale mais ont constaté une diminution de la formation initiale. "Je pense qu'il faut mesurer le succès non sur des critères RH mais sur des dimensions plus opérationnelles, conclut Valéry Nguyen (Learning Tribes). Il est temps de travailler de manière plus proche des métiers et d'injecter dans l'ingénierie des critères métiers (critères productivistes)."




 
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