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PORTRAIT DU CLIENT DE DEMAIN

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Exigeant, mature et polymorphe, le client est devenu moins prévisible dans ses attentes et ses besoins. La relation client s'en trouve complexifiée. Face à ces enjeux, les annonceurs doivent maîtriser le marketing communautaire et manier les stratégies cross canal.

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Quelle entreprise ne cherche pas à lire dans l'avenir pour s'adapter à la demande et offrir la meilleure expérience possible à ses clients? Si les spécialistes de la relation client et du marketing ne lisent pas dans le marc de café, ils entrevoient, du moins, quelques grandes tendances auxquelles les entreprises seront confrontées dans les années à venir, face à un client de plus en plus volatil et exigeant. En effet, il sera encore plus infidèle qu'il ne l'a été ces dernières années. La surabondance de l'offre de produits et de services n'incitant pas à la stabilité. Par ailleurs, le consommateur a un comportement de plus en plus complexe et paradoxal. « Le client est polymorphe. Consommateur ou entreprise, il est à la fois prospect, prescripteur et acheteur, observe Pierre Morgat, directeur général du cabinet de conseil Customer Delight (spécialisé dans les stratégies clients) et auteur d'un ouvrage intitulé Optimisez votre conquête clientsOptimisez votre conquête clients, Méthodologie et leviers stratégiques, de Pierre Morgat, Editions d'Organisation, 288 pages, 29 euros . Les besoins sont donc différents et le marketing est à réinventer. » La compréhension des attentes du consommateur n'en devient que plus difficile pour les annonceurs.

Xavier Ducurtil (Cabinet Vertone)

L'émergence d'Internet et du mobile ont rendu le client inconsciemment addict à ces outils. Il veut tout, tout de suite et estime qu'il y a droit.

Le digital a entraîné une meilleure connaissance des produits

L'émergence d'Internet, ces dix dernières années, n'a pas facilité le travail des marketeurs. Si le digital a permis une plus grande connaissance du consommateur, ce dernier en a profité pour prendre le pouvoir. Face à la profusion d'informations auxquelles il a accès, il est plus et surtout mieux informé, non par les marques, mais par les autres consommateurs. Un phénomène qui a conduit enseignes et grands noms à s'adresser aux «communautés». De même, l'arrivée du digital a engendré une diversification des canaux, laissant au consommateur une entière liberté de choix. « Le client est aujourd'hui maître de sélectionner les canaux qui lui conviennent. Il n'est plus dans l'attente mais dans l 'action », analyse Patrick Russo, directeur de la communication de LaSer, fournisseur de solutions en matière de gestion et de valorisation des portefeuilles clients. L'interactivité et l'instantanéité régissent les relations entre les entreprises et les consommateurs. Devenu dépendant et familier des nouvelles technologies, le client exige une réponse exacte, sincère et instantanée. « L'émergence du Web, puis de l'Internet mobile, a rendu le client inconsciemment «addict» à ces outils. Il veut tout, tout de suite et estime qu'il y a droit », explique Xavier Ducurtil, directeur associé chez Vertone, cabinet de conseil en stratégie marketing et relation client.

De même qu'il passe les offres au crible, le client final a appris à étudier les prix. Mobile en poche, il peut les comparer quand il veut et d'où il veut. Conséquence: le client est entré dans une logique de négociation permanente. « Avec la révolution digitale, le consommateur compare les prestations, non plus dans un secteur, mais entre les acteurs de tous secteurs confondus », précise Patrice Bégoc, senior manager chez BearingPoint, cabinet de conseil dont l'un des domaines d'expertise est le décryptage des nouveaux comportements des clients. Le consommateur est donc en attente de «l'achat final» , celui qui se justifie par le produit mais aussi par le service qui l'accompagne. « Au-delà du produit, la marque doit sceller la relation avec le client en jouant sur une autre dimension », conseille Olivier Girard, directeur du développement commercial de LaSer Contact pour qui « le seul produit ne suffit plus à différencier l'offre, sur un marché qui s'homogénéise ».

Dans ce contexte, les entreprises doivent proposer une offre de services à valeur ajoutée, en complément de leur simple produit, comme le font les fournisseurs d'accès à Internet. Ces derniers s'engagent à accompagner le client dans l'installation des périphériques et autres outils de connexion. « Les consommateurs sont excédés qu 'on leur propose des produits dont ils ne savent pas se servir, précise Jean-Marc Saladian, directeur marketing des solutions CRM d'Orange Business Services. Cela engendre une surconsommation, et surtout du gaspillage, alors même que le consommateur aspire à une consommation plus responsable. Les clients ont besoin d'aide à l'utilisation et de pédagogie par téléphone, chat, visio... Des outils qui favorisent la compréhension de ce qu'ils vont ou ont acheté. » Dans cette logique, EDF propose, en plus de ses offres classiques, conseils et produits favorisant les économies d'énergie. A travers sa marque Bleu Ciel, le fournisseur d'électricité propose à ses clients de mesurer leur consommation d'énergie ou encore d'appeler un conseiller qui les guidera sur les travaux à réaliser en vue d'optimiser leurs dépenses énergétiques. Via sa plateforme www.mamaisonbleucieledf.fr, l'entreprise incite les consommateurs à interagir entre eux sur les économies d'énergie.

Toujours dans une volonté de développement durable, Fiat a installé ecoDrive sur certains de ses modèles. Cette application est capable d'analyser, grâce à un système informatique embarqué, le mode de conduite du chauffeur afin de lui apprendre à modifier son comportement et à réduire sa consommation de carburant et ses émissions de CO2. Le constructeur turinois a également misé sur le principe communautaire, en créant un réseau social privé, baptisé Ecoville. Perçue comme créatrice de valeur, l'entreprise se bat sur un autre terrain que celui du prix ou de l'offre de base. « Le client est prêt à payer à condition que ce soit justifié, souligne Xavier Ducurtil. C'est tout le paradoxe du consommateur d'aujourd'hui: il choisit un opérateur de téléphonie low cost mais s'offre aussi, parfois, des objets de luxe. »

Pierre Morgat (Customer Delight)

Le client est polymorphe. Il est à la fois prospect, prescripteur et acheteur.

Un service multicanal cohérent

Complexe du côté de l'offre, l'enjeu l'est également du côté des canaux de communication client. La règle du multicanal, aujourd'hui entrée dans les moeurs du consommateur lambda, a amené les annonceurs à jongler avec le téléphone fixe, Internet, le mobile, le point de vente physique, sans oublier les innombrables canaux digitaux. Face à cet environnement, le client se montre, lui, très mature. Tout au long de son parcours, il choisit le canal qui lui convient à un instant précis et pour un besoin déterminé. Ainsi, selon une étude de GenesysCette étude Genesys est intitulée «expérience client cross canal: difficultés, tendances et lacunes relatives aux attentes clients sur 16 grands marchés». elle a été réalisée, en 2009, en partenariat avec le cabinet d'études Ovum, et porte sur les comportements des clients dans 16 pays., en 2009, 90 % des consommateurs ont utilisé plusieurs canaux de communication pour contacter un service client. Dans ce contexte, le consommateur s'attend à ce qu'on le reconnaisse, quel que soit le canal par lequel il se manifeste. L'enjeu pour les entreprises consiste donc à maîtriser l'ensemble des informations que lui communique le client. « L'intercanalité est l'une des solutions d'avenir de la relation client, note Pierre Morgat (Customer Delight). Elle consiste à faire coïncider les canaux entre eux qui ont de ce fait le même degré de connaissance client. » Une vision unifiée du client, réactualisée en temps réel et disponible pour tous les services de l'entreprise? Cet objectif ne reste, pour l'instant, qu'un rêve pour la plupart des annonceurs, tant il est difficile de consolider ces données clients disséminées aux quatre coins de l'entreprise.

Toujours selon l'étude de Genesys, seulement 10 % des entreprises sont capables de répondre aux attentes des clients en termes de communication cross canal. «Pour l'instant, les directions marketing et production n'utilisent pas réellement les informations qui leur sont fournies à l'issue des interactions clients, déplore Jean-Marc Saladian, directeur marketing des solutions CRM d'Orange Business Services. Il est donc primordial de faire remonter les informations clients relevées au quotidien par le centre d'appels. » De même, ce vaste projet d'intercanalité nécessite de fédérer autour du «client roi» l'ensemble des services de l'entreprise, du commercial à la comptabilité, en passant par le service après-vente, la logistique et le recouvrement. « Désormais, c'est au client de diriger l'entreprise », résume Pierre Morgat (Customer Delight) . Au-delà du bon mot, cet ambitieux projet relève d'une véritable stratégie d'entreprise. Enfin, cette attente de cohérence multicanal répond à une exigence de personnalisation de la part du client. Une personnalisation qui, dans les années à venir, passera par la relation entretenue avec le client, mais aussi par l'offre en elle-même. « Le client n'attend plus un produit l'identifiant à la marque, mais recherche le produit qui lui correspond le mieux et lui ressemble », explique Hervé de Gouvion Saint-Cyr, directeur de clientèle chez Luxury Attitude, cabinet de consulting dans le secteur du luxe. «T rès axé sur lui-même, le client souhaite que son achat lui soit rendu et que l'offre soit la plus personnalisée possible », renchérit Judith Mancel, responsable du pôle digital de l'agence L'Enchanteur. Offrir du sur-mesure à un client polymorphe, un véritable casse-tête, qui pourrait être le déf quotidien des marques de demain.

Un challenge auquel réfléchissent les experts de tous horizons. « La clé consiste à raisonner en segmentant sa cible non pas en fonction de classiques critères sociodémographiques, mais par rapport à son mode de vie. Ce principe du «lifestyle», non intrusif permet d'identifier, par l'analyse des bases de données et des achats, une dizaine de styles de vie spécifiques à une enseigne ou à une marque », explique Patrick Russo (LaSer) . Le principe du programme de fidélisation S'Miles, créé de toutes pièces par le groupe LaSer, illustre cette approche. Il consiste à réunir différentes enseignes dans un même schéma de fidélisation. Après avoir créé son programme monoenseigne Flying Blue, Air France KLM envisage de concevoir un propre programme multi-enseigne pour ses voyageurs réguliers. L'avantage pour les marques: gérer leur projet de fidélisation spécifique et pouvoir, en parallèle, bénéficier de la puissance d'une communauté de marques. A travers celle-ci, « les clients partagent les bons plans sur des plateformes communes. Mais pour l'instant, nous ne sommes qu'à la préhistoire de la fidélisation, car les programmes sont souvent peu ambitieux », constate Gilles Blanc, directeur d'études chez Benchmark Group, groupe d'études et de conseil, qui réalise un Observatoire des tendances de consommation. Pour leur part, les Français sont adeptes des programmes de fidélité. Selon une étude Access Panel Laser /T NS Sofres, réalisée en 2010, 78 % des foyers français déclarent adhérer à un ou plusieurs programme (s) de fidélité. Seulement, cette fidélisation a un prix. En retour, le client ne se contente pas de quelques points en plus sur sa énième carte. « Le consommateur veut des avantages concrets, plus lisibles que le système des points, souligne Pierre Morgat (Customer Delight) . Le plus efficace reste la réduction financière. » Simple et percutante.

Olivier Girard (Laser Contact)

Le seul produit ne suffit plus à différencier l'offre, sur un marché qui s'homogénéise.

De la simplicité à la confiance

La simplicité est, d'ailleurs, une valeur en hausse. Les spécialistes sont formels: la relation client sera simple ou ne sera pas. Ils insistent sur le retour aux fondamentaux: confiance et logique. Des valeurs qui doivent transparaître dans l'organisation de l'entreprise, mais aussi dans son approche client. « La relation client ne se résume pas aux outils CRM », insiste Pierre Morgat (Customer Delight) . Une tendance relevée, en 20 1 0 , par TNS Sofres et BearingPoint à l'occasion du Podium de la Relation Client. « Les verbatims de l'étude ont révélé une véritable envie de simplicité chez les consommateurs », note Edouard Lecerf deputy general manager chez TNS Sofres. « Les entreprises rivalisent par le service, elles ne cherchent plus à épater le client, ajoute Patrice Bégoc, senior manager chez BearingPoint. La compétition porte sur le coeur de la prestation, avec une promesse de simplicité. » « A une époque, les fournisseurs d'accès à Internet ont perdu la confiance des consommateurs en raison de politiques tarifaires confuses, décrit Xavier Ducurtil (Vertone). Désormais toute leur communication est centrée sur le client et leur discours insiste sur la bienveillance .» Une stratégie qui, si elle réussit, procure au client un sentiment de confiance... Valeur suprêmement recherchée par les marques de tous horizons.

Jean-Marc Saladian (Business Orange Services)

Pour l'instant, les directions n'utilisent pas réellement les informations qui leur sont fournies par le centre de contacts à l'issue des interactions clients.

Trois questions à GILLES BLANC, directeur d 'études chez Benchmark Group, groupe d ' études et de conseil

Comment le consommateur a-t-il évolué depuis dix ans?
Les années 2000 ont été marquées par la montée en puissance des nouvelles technologies et l'avènement de l'Internet. Depuis, le moral des ménages est au plus bas, alors que nous sommes entrés dans l'ère de l'hyper consommation. Les classes moyennes et modestes s'endettent car consommer est rassurant. Plus on avance dans le temps, plus le pouvoir d'achat diminue, car le besoin de consommer augmente. Par exemple, les ordinateurs, téléphones portables et autres équipements high-tech sont devenus indispensables si l'on ne veut pas être coupé de la société. Les consommateurs favorisent ces dépenses au détriment d'autres produits, qui relèvent pourtant des achats de base. Il y a donc une distinction à faire entre le «pouvoir« et le «vouloir« d'achat.


Quelles répercussions a ce phénomène sur les comportements de consommation d'aujourd'hui?
Le consommateur est en train d'intégrer les contraintes environnementales. De cette évolution, sont nés deux grands courants: la consommation militante (produits biologiques et commerce équitable) et la consommation pragmatique (vente entre particuliers via les sites comme eBay et les brocantes). Désormais, on consomme mieux pour consommer plus. Les ventes privées sur Internet illustrent parfaitement cette tendance. On s'oriente vers une économie des effets utiles. Auparavant, les consommateurs achetaient des matières premières et des services. Le produit était une fin en soi. Aujourd'hui, cela ne suffit plus au consommateur. On n'achète plus sa voiture, on la loue sur une longue durée car l'offre d'entretien est plus avantageuse. C'est donc la promesse de l'entreprise qui fait la différence, et non plus le produit.


Quelles sont les conséquences de la révolution du Web marchand sur ces attitudes de consommation?
Dans les années 2000, les e-marchands ont connu des croissances à deux chiffres et surfé sur la vague avec une certaine facilité. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Le Web marchand est entré dans un système de fidélisation et ses acteurs doivent accompagner leurs clients pendant et après leur achat. Le développement des ventes sur Internet a créé de nouvelles exigences en termes de relation client. L'Internet mobile en est un exemple. Pour l'heure, ce support manque encore d'ergonomie, et les volumes restent très modestes. Mais très vite, le mobile peut représenter un enjeu intéressant dans le cadre de ventes événementielles, par exemple. A terme, il pourrait devenir un levier de fidélisation car c'est un outil de l'instantanéité, accessible à tout moment.


Le mobile commerce pourrait devenir un levier de fidélisation. C'est un outil de l'instantanéité, accessible à tout moment.

 
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CLAIRE MOREL

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