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La fintech Klarna recule sur l'IA et relance l'embauche pour sauver son service client

Face à des clients déçus, à une déshumanisation de ses services et à une réputation écornée, la fintech scandinave Klarna, qui avait supprimé 1 800 postes pour miser sur l'intelligence artificielle, rétropédale et réinjecte de l'humain dans son service client, privilégiant désormais un modèle hybride.

Publié par Alexandre Lecouvé le - mis à jour à
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Marche arrière. La fintech suédoise Klarna, spécialisée dans les solutions d'affacturage en ligne et de paiement fractionné, a annoncé ce mardi 13 mai avoir renoncé à son projet de remplacer l'intégralité des emplois de ses départements marketing et service client par des outils d'intelligence artificielle. Son PDG technosolutionniste Sebastian Siemiatkowski, chantre autoproclamé de l'IA, assume désormais avoir "sous-estimé ce que nous avions à perdre", et relance l'embauche. Un retournement stratégique consécutif à une baisse générale de la qualité de ses services, entre retours négatifs massifs et impersonnalité du service. Retour sur une désillusion.

Du mythe du 100 % IA...

En 2024, Klarna se targuait d'avoir entièrement révolutionné son service client grâce à son chatbot dopé à l'intelligence artificielle. Alimenté par OpenAI, il gérait alors deux tiers des requêtes clients, soit environ 2,3 millions de conversations par mois. Fonctionnant 24 heures sur 24, dans 35 langues, il affichait un temps de réponse réduit à moins de deux minutes par requête contre onze avec un humain. L'entreprise annonçait alors avoir économisé 40 millions de dollars par an, l'équivalent du travail de 700 équivalents temps plein (ETP). Portée par cette dynamique, Klarna supprimait 1 800 postes, principalement dans les services marketing et client, et réduisait ses effectifs globaux de 5 527 en 2022 à 3 422 fin 2024. Pour la direction, la voie d'une automatisation massive semblait tracée, pour la réduction des coûts, et au détriment des effectifs.

...à la gueule de bois

Un an plus tard, l'euphorie technologique laisse désormais place à un constat d'échec. À l'instar d'autres entreprises comme Air Canada, DPD ou McDonald's, qui ont aussi rencontré des limites dans leurs expérimentations du 100 % IA, Klarna admet avoir sous-estimé la valeur du lien humain. En quelques mois, les clients auraient massivement dénoncé des réponses décalées, impersonnelles, rigides, un système incapable de traiter les cas complexes. De nombreux utilisateurs ont exprimé leur frustration face à l'impossibilité de parler à un conseiller humain. La qualité perçue du service s'est effondrée, menaçant directement l'image de marque de Klarna, au moment même où l'entreprise préparait son entrée en Bourse, officialisée en mars 2025. Dans les faits, les gains de productivité n'auraient ainsi pas compensé la perte de confiance.

Sebastian Siemiatkowski, qui se décrivait souvent comme le "cobaye préféré d'OpenAI", a donc dû réviser ses certitudes, et relance désormais l'embauche. Le retour de l'humain s'organise autour d'un "programme hybride", où l'IA reste présente pour les tâches simples et répétitives, tandis que les agents humains sont revalorisés pour les échanges nécessitant empathie et discernement. Ces nouveaux agents, souvent en télétravail, bénéficieraient d'un cadre plus attractif, signe que la fintech tente aussi de restaurer l'attractivité de ces métiers.

L'empathie plus importante que l'efficacité ?

Ce retour à l'humain s'inscrit dans un mouvement plus large. Selon plusieurs études, entre 60 % et 80 % des clients préfèrent attendre pour parler à une personne réelle plutôt que d'interagir immédiatement avec un chatbot. De plus, une majorité estime que les assistants IA sont mis en place avant tout pour réduire les coûts, et non pour améliorer l'expérience client. Ainsi, si les grandes banques prévoient, selon les projections de Bloomberg, jusqu'à 200 000 suppressions de postes liées au déploiement des chatbots d'ici cinq ans dans les métiers de back-office et de la relation client, l'IA ne remplace pas encore les compétences humaines dans la gestion de l'émotion, la subtilité des échanges ou la résolution de conflits.

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