Recherche

David Gillaux : "Recréer le sentiment d'attachement"

Le groupe français Armatis, spécialiste de la gestion externalisée de l'expérience client, vient de célébrer ses 36 ans d'existence. Avec 10 000 collaborateurs répartis dans cinq pays et un chiffre d'affaires de 220 millions d'euros, le leader français continue d'évoluer sur un marché en pleine mutation. Entretien avec David Gillaux, président d'Armatis.

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à
Lecture
5 min
  • Imprimer
David Gillaux : 'Recréer le sentiment d'attachement'
Getting your Trinity Audio player ready...

Quel est votre regard sur le marché en ce début d'année 2025 ?

Plusieurs phénomènes se dessinent. Le premier concerne la consolidation des acteurs, dans une course à la taille et à la couverture géographique internationale. Ce mouvement est principalement porté par des clients globaux comme les GAFAM, TikTok et d'autres, qui exigent une présence mondiale. Ce phénomène de concentration concerne surtout les très grands comptes, qui représentent des volumes importants et opèrent dans plusieurs pays.

En France, des acteurs comme Teleperformance ou Concentrix dominent ce marché mondial, suivis de Foundever et Konecta. Chez Armatis, nous nous positionnons comme une entreprise de taille intermédiaire, entre les géants et les plus petits. Notre siège à Paris nous confère l'agilité nécessaire pour proposer un service personnalisé, sans subir les lourdeurs de processus imposés par de grands groupes mondiaux.

Vous êtes le plus grand des petits...

Oui, ou peut-être le plus petit des grands. Un autre phénomène clé, c'est l'impact de l'intelligence artificielle. Depuis deux ans, on a assisté à une déferlante d'annonces marketing sur l'IA, parfois déroutantes. Mais après cette phase d'emballement, nous entrons désormais dans une période plus structurée, où l'IA s'intègre de manière plus réfléchie.

L'enjeu principal est de combiner ces innovations avec les exigences réglementaires, notamment en matière de sécurité des données - un aspect parfois négligé lors des premières expérimentations. Chez Armatis, nous avons saisi cette opportunité pour opérer une mutation technologique. Les technologies low-code et no-code, aujourd'hui accessibles grâce à l'IA, permettent à des entreprises comme la nôtre, avec une équipe tech relativement modeste, de faire de grandes choses avec des ressources maîtrisées.

Vous évoquiez l'IA comme un levier important. Quelles sont, selon vous, les principales problématiques à résoudre ?

L'IA est un formidable levier, mais cela reste un outil. Sans intervention humaine, elle ne créera pas la valeur attendue. La vraie question est : comment automatiser intelligemment, tout en préservant le lien humain avec le client ?

Notre objectif est de renforcer l'attachement à la marque, tout en assurant une gestion efficace des interactions. Certaines tâches à faible valeur peuvent être automatisées, mais d'autres nécessitent une intervention humaine pour créer une relation émotionnelle avec le client. Il ne faut pas opposer IA et humain, mais plutôt les combiner intelligemment. Une IA bien intégrée peut renforcer l'efficacité, à condition que l'humain reste au coeur des échanges à forte valeur.

Quelle est votre feuille de route pour les deux à trois prochaines années ?

Deux ou trois ans, dans notre secteur, c'est presque une éternité ! Cela dit, nous avons une vision claire de notre transformation. Depuis que j'ai pris la présidence il y a un an et demi, notre priorité a été d'accompagner cette transformation en tenant compte des enjeux de concentration du marché et de transition technologique.

Cette transformation s'articule autour de quatre axes. D'abord, l'excellence opérationnelle : être les meilleurs dans l'exécution de nos missions, avec des méthodes et outils intégrant l'IA. Ensuite, notre offre : Armatis se positionne sur une approche "end-to-end", de l'acquisition à la fidélisation, en passant par l'onboarding et la gestion de la relation client. Nous avons notamment développé un CRM interne, utilisé par de grandes marques, enrichi par de l'IA.

Le troisième axe concerne notre stratégie commerciale. Dans un marché très concurrentiel, nous devons affirmer notre singularité pour résister face aux géants. Enfin, notre quatrième axe est notre footprint, c'est-à-dire notre réseau de production. Nous sommes présents dans plusieurs pays européens, en Tunisie et au Portugal, et développons actuellement un site à Madagascar pour compléter notre offre. Cela nous permet de proposer un mix pertinent entre inshore, nearshore et offshore, adapté aux besoins de nos clients.

Et sur le plan réglementaire, notamment le démarchage commercial, quelles sont vos préoccupations ?

Ce qui m'inquiète, c'est parfois le manque de compréhension des réalités économiques par les politiques publiques. Depuis une quinzaine d'années, la réglementation a progressivement fragilisé le modèle économique des appels sortants, entraînant la destruction de milliers d'emplois en France.

Les législateurs ont sans doute pensé qu'en restreignant certaines pratiques, ils amélioreraient la satisfaction des consommateurs. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Ces restrictions ont surtout provoqué une délocalisation massive des emplois, sans bénéfice réel pour le client final. Il est impératif que les futures décisions tiennent compte de ces effets de bord.

La relation client de demain, en deux mots ?

Cela restera toujours de l'humain face à de l'humain. Si, pendant longtemps, on a parlé "d'enchantement" de la relation client, je pense que la vraie question désormais est : comment recréer un sentiment d'attachement ? Ce n'est pas l'IA qui y parviendra seule. Il faut savoir la placer au bon moment et construire une complémentarité unique entre technologie et humain. Notre savoir-faire sur le marché européen est reconnu depuis des années. Nous avons toutes les chances de le perpétuer avec discernement, au coeur de ces nouvelles transformations.

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page