Christophe Leclerc, Decathlon : "Une véritable course à l'enchantement du client"
Decathlon a annoncé début mai le déploiement officiel de son service "Visio Store", qui doit accompagner les clients grâce à des conseils personnalisés à distance. Rencontre avec Christophe Leclerc, Directeur Relation Clients chez Decathlon France.

Quelle est la genèse du Visio Store ?
Tout est parti de l'observation des clients. J'ai débuté au sein de l'enseigne comme conseiller client en magasin, il y a plus de 30 ans. Ce que je sais, c'est qu'en magasin, nous offrons bien plus qu'un simple conseil produit, les clients sont accompagnés par des passionnés de sport. En revanche, il arrive que certains articles ne soient pas visibles. À l'inverse, en digital, on peut se retrouver face à une information pléthorique, parfois peu claire, et à un manque de réponses concrètes, même avec les chatbots ou les fiches produits.
Au départ, j'avais simplement l'idée de mettre en place un système de rendez-vous téléphonique. J'ai la chance d'avoir une équipe composée à 98 % de collaborateurs issus du retail : ils connaissent parfaitement les produits. L'objectif était donc de proposer, directement depuis la fiche produit, la possibilité de réserver un appel avec un conseiller. Cela a bien fonctionné, j'ai souhaité aller plus loin dans cette ambition de rendre le conseil accessible au plus grand nombre. On a donc testé une première version en visio, avec deux iPhones et une paire d'écouteurs, pour voir ce qu'on pouvait faire. Puis nous sommes passés en phase de test. Là, le succès a été immédiat : la satisfaction client était de 5/5 pendant toute la période. C'était exceptionnel. Nous avions trouvé un nouveau canal de relation client, peu coûteux, mais capable d'engager les collaborateurs sur le long terme.
Concrètement, qu'est-ce que le Visio Store ?
Le Visio Store représente actuellement 400 m², 10 salles, dont 7 dédiées à 7 univers différents. Il permet au client de bénéficier de 30 minutes gratuites avec l'un de nos conseillers en visioconférence, dans un environnement qui correspond le mieux à l'usage réel du produit : vélo de route, VTT, mobilité urbaine, fitness et crossfit, bien-être à la maison, golf, et un espace dédié à l'innovation - notamment autour du camping. Sur ce dernier point, nous avons lancé une collaboration avec Apple pour digitaliser l'expérience : grâce à des lunettes de réalité virtuelle, le client peut visualiser une tente à taille réelle, découvrir ses aspects techniques, et voir exactement ce que voit le conseiller. Il est totalement immergé. Aujourd'hui, nous enregistrons en moyenne 80 visio par jour.
Qu'attendez-vous du Visio Store en termes de retour sur investissement (ROI) et de fidélisation client ?
Cette question du retour sur investissement est toujours un gros challenge lors du lancement d'un nouveau service. Pour la relation client, les KPI ne sont pas aussi simples que pour les directions commerciales. Notre indicateur le plus important, c'est la satisfaction client sur le long terme, et non le nombre d'achats effectués pendant la visio. Ce que je vais analyser : c'est le nombre de nouveaux clients et ceux que l'on réactive. Comment leur donner envie ? Comment leur offrir du renouveau, un effet "waouh" ? En tant que directeur de la relation client, mon rôle ne se limite pas à répondre aux questions des clients. J'observe leur comportement, pour identifier les moments clés où nous pouvons enrichir leur parcours. Ma mission représente une véritable course à l'enchantement du client.
Comment les collaborateurs se sont-ils emparés de ce nouveau dispositif ?
Ce n'est pas un nouveau métier. Les fondamentaux restent les mêmes : l'empathie, l'écoute active. Le fait de leur proposer un nouveau canal de conversation avec les clients leur offre une nouvelle respiration. Certains testent et ne sont pas à l'aise, et c'est parfaitement acceptable. Il n'y a aucune obligation. La majorité est toutefois très enthousiaste : cela leur change du quotidien et les rassure de voir leur métier évoluer.
Vous les accompagnez dans cette mutation...
Chez Decathlon, nous proposons plus de 370 métiers. Le recrutement commence toujours par un tronc commun : l'envie, le sens du service, la passion du client. C'est fondamental. Mais dans les recrutements, on va aussi vérifier que ces attitudes sont bien incarnées. Par la suite, nous restons à l'écoute des appétences des uns et des autres pour favoriser les mobilités internes. Nous fidélisons nos collaborateurs par la formation mais aussi la responsabilité qui leur est accordée très tôt, cela crée de l'engagement. Nous avons un esprit sportif, à l'image de notre marque, nous favorisons le goût de la performance, du challenge. Mais cela ne va pas sans le droit à l'erreur. C'est un aspect très important de notre management.
Quelles sont les attentes clients aujourd'hui ?
C'est paradoxal. Les clients veulent de la rapidité, moins de charge mentale, des parcours simples, fluides, sans couture. Ils aiment pouvoir faire en digital ce qu'ils feraient en magasin. Mais paradoxalement, il y a aussi un besoin fort de contact humain. C'est là que c'est intéressant : tout ce qui n'a pas de valeur ajoutée sera automatisé, mais tout ce qui relève de l'émotion, de l'humour, de la créativité... là, l'humain reprend toute sa place.
Decathlon est reconnue comme l'une des trois marques préférées des Français. Quels sont vos principaux défis pour demain ?
Il n'y a pas besoin de tout réinventer, mais simplement de revenir à des fondamentaux. Nos conseillers sont avant tout des personnes passionnées de sport, mais surtout animées par la relation humaine. En magasin ou en visio, c'est une histoire de passionnés. Quand deux passionnés échangent, cela peut durer des heures, et c'est toujours un bon moment. C'est ça, l'ADN de Decathlon. Certaines marques envoient des paillettes, mais sans l'once d'une âme. Le client est toujours un peu déçu. Ce qui fait la différence chez nous, c'est l'âme de Decathlon, portée par chaque collaborateur.
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