« Blanche Porte entame une révolution vertueuse »
Proposer aux clientes de vivre une nouvelle aventure, donner un avenir à une entreprise âgée de 210 ans... Frank Duriez, président de Blanche Porte, explique la transformation de l'entreprise autour des valeurs de bienveillance, d'audace, et d'accessibilité à tous.
Je m'abonneVous présidez Blanche Porte depuis 2016. Quel est votre parcours aux côtés de cet acteur historique de la distribution ?
J'ai fait la plus grande partie de ma carrière dans le groupe 3 Suisses International en France, en Espagne et en Chine. Puis, le groupe m'a confié la direction générale de Blanche Porte et l'actionnaire a vendu différentes filiales en France. Ensuite, avec le comité de direction de l'époque, nous avons mené un projet de reprise de la marque. Après le marketing et la relation client, mon expérience professionnelle s'est donc orientée vers l'e-commerce et la vente à distance.
Pourquoi avoir repris, entouré du comité de direction, cette vieille maison ?
Je connaissais bien Blanche Porte de l'intérieur et, en 2016, nous avions déjà commencé à actionner quelques leviers de croissance. On sentait, avec mes associés, que cette entreprise avait la capacité de se relever, même si elle était déficitaire depuis dix ans. Par ailleurs, des équipes étaient engagées avec 185 salariés et 300 emplois induits en logistique et relation client que nous voulions conserver. Enfin, j'avais envie de me lancer dans une aventure entrepreneuriale. Les points faibles de la marque portaient sur l'e-commerce, la relation client et les collections... Nous avions envie de proposer un projet qui fasse sens pour toutes les équipes.
Quelle place occupe Blanche Porte dans l'univers de la VPC ? Quelle est son identité de marque ?
Nous sommes à un carrefour entre plusieurs acteurs du commerce textile comme Kiabi, C&A, Damart, La Redoute... Blanche Porte est classée dans le Top 10 des e-commerçants français dans le secteur de la mode. La marque, qui fabrique du prêt-à-porter et du linge de maison, s'adresse aux quinquas, coeur de cible, même si nos clientes sont âgées de 35 à 65 ans. Créée en 1806, elle était aux origines une filature, puis elle est devenue un VPCiste et bénéficie d'une belle notoriété. Sans points de vente physiques, Blanche Porte est distribuée via internet et les catalogues. La marque est un créateur de collections avec un bureau de style à Tourcoing et, contrairement à nos concurrents, nous ne sommes pas une place de marché. Ces dernières années, nos efforts ont porté sur le rajeunissement des collections, la stratégie marketing et les canaux de distribution.
Avec plus de 200 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'entreprise est performante. Quelles ont été les principales étapes de son redressement économique ?
Dans un premier temps, nous avons revu l'organisation de l'entreprise en capitalisant sur le corps business, les créations, la data, le digital...) et nous avons externalisé les fonctions supports (logistique, relation client, etc.). Puis, nous avons ouvert le chantier de la transformation digitale sans abandonner notre savoir-faire print, générateur de trafic sur le site. Ensuite, nous avons élargi notre offre avec de nouvelles gammes de produits.
Et, très important, dès le début, nous avons intégré les salariés dans la définition d'une nouvelle vision de l'entreprise.
Partager les valeurs pour mieux embarquer les équipes, telle était notre priorité. Nous avons pris l'engagement que la rentabilité de l'entreprise profite à tous.
L'e-commerce est stratégique dans votre plan de relance. Pas moins de 65 % des ventes sont réalisées en ligne. Comment expliquez-vous ce succès auprès de votre cible ?
Le premier site web a vu le jour en 2005, mais l'accélération a eu lieu sur les dernières années. Le panier moyen est de 80 euros. L'activité se ventile sur d'autres canaux de vente, le téléphone pour 10 % et le courrier pour 25 %. Nous avons une petite équipe "d'enchanteurs clients" en interne et d'autres prestataires externalisés. Notre site est responsive depuis 2016 et nous avons construit une stratégie mobile first. Plus de 65 % des consultations se font sur mobile parmi les 2 à 3 millions de visiteurs uniques par mois. Grâce au passage sur la plateforme Salesforce, nous avons facilité l'usage du site.
Quelle est votre stratégie de marketing relationnel ?
Cette culture de la data fait partie de l'ADN de l'entreprise. Blanche Porte pratique beaucoup la personnalisation sur le digital avec l'envoi d'e-mails très ciblés mais aussi sur le print avec la création de catalogues personnalisés. Cette expérience a été menée en 2020 avec pas moins de 50 000 catalogues tous différents et cela a généré des résultats intéressants, soit le doublement du taux de mémorisation et 35 % de chiffre d'affaires additionnel. En complément, la nouvelle plateforme permet de fabriquer des pages d'accueil centrées sur les attentes des clientes. En France, Blanche Porte réunit 2 millions de clientes, soit 85 % de l'activité, mais aussi 10 % en Belgique puis à l'export en Espagne et au Portugal. Nos produits plaisent beaucoup en Europe du sud.
Blanche Porte est une marque ancienne, mais moderne. Quel est le rôle de la 3D dans la fabrication ?
Nous utilisons les nouvelles technologies pour créer nos collections avec un système d'avatar (et non plus sur mannequin sur la base de patrons et d'échantillons) sur lequel on pose l'article pour visualiser le produit en mouvement, mais aussi la densité du tissu et ajuster la création en temps réel. La technologie 3D nous permet d'aller plus vite et d'avancer au plus juste sur différents gabarits en s'adaptant aux diverses morphologies.
Faites-vous participer vos clientes aux collections ?
Concernant la cocréation, Blanche Porte fait venir des clientes dans l'entreprise plusieurs fois par an pour recueillir leurs attentes. Proche de nos clientes, nous fêtons cette année le dixième anniversaire de notre "Grand Casting". Durant une journée, une poignée de clientes réalisent leur book avec photographes, coiffeurs, maquilleurs... C'est un rendez-vous important de la communauté Blanche Porte, le moment phare de notre marketing relationnel. L'idée est de faire parler ces femmes de nos produits dans des conditions privilégiées. Plus de 15 000 candidates postulent tous les ans.
Quelle est votre implication dans le tissu local ? Le "Made in France" est-il un argument marketing ?
Oui, c'est un des éléments de notre stratégie plus globale de RSE dont la première brique est de préserver les emplois (600 au total) et même de recruter. Sur le volet environnemental, nous avons trois axes : la certification de nos produits, le zéro plastique en 2025 et la réduction de notre empreinte carbone. Mais l'entreprise mène aussi des expérimentations avec d'autres partenaires, comme "'atelier agile", qui a pour vocation de faire de la production à la demande en local. Nous testons aussi l'upcycling puisque nous ne jetons aucun produit, donc les invendus sont confiés à des créateurs qui transforment les collections dont la fabrication est assurée par des couturières à Roubaix.
Réfléchissez-vous à une offre de seconde main ?
C'est à l'étude, mais nous devons trouver le modèle économique satisfaisant. Notre première étape est de proposer à nos clientes de renvoyer des produits non utilisés en échange de bons d'achat.
Quelle est la mission de votre Fondation ?
En 2021, nous avons lancé La Fondation Blanche Porte (dotée d'un budget de 500 000 euros sur 5 ans) qui reflète notre mission : « Permettre aux femmes de se sentir belles et bien pour qu'elles aient l'audace de changer le monde ».
Ainsi, nous soutenons des projets portés exclusivement par des femmes autour de l'éducation, l'emploi, l'environnement. Cette fondation est gérée par les salariés de l'entreprise, ce qui participe à l'engagement des équipes.
De nouveaux actionnaires sont entrés au capital cet été à hauteur de 20 % (Turenne Groupe et Nord Capital Investissement). Quelles sont vos ambitions pour le groupe à moyen terme ?
L'objectif est de passer à la deuxième étape de notre développement. Après une période de retournement de l'entreprise vers la croissance, nous entamons une phase de développement avec de nouveaux relais de croissance en interne à l'international et avec des partenariats stratégiques. Nous enregistrons 25 % de croissance depuis 2016. L'année 2023 ne va pas être simple pour les entreprises et, d'autre part, le marché du textile est en décroissance depuis plusieurs années déjà, donc nos ambitions restent raisonnables avec des chiffres comparables à 2022. Notre sujet est bien sûr économique, mais c'est aussi l'aventure d'une révolution vertueuse de Blanche Porte poussée par les équipes.
Chiffres clés :
- 204 millions d'euros de CA HT en 2022.
- 4 millions de commandes traitées par an.
- 2 millions de visiteurs uniques par mois.
- 65 % des connexions au site depuis un appareil mobile.
- 70 millions de catalogues adressés par an.
Dates clés :
- 1806 : Dans le Nord, à Tourcoing, Alexis Dassonville installe une petite filature de coton. Les métiers à tisser sortent les premières étoffes qui sont vendues sur la Grand-Place de la commune.
- 1920 : 30 ans après avoir été rachetée par la famille Legrand, la filature prend le nom d'"Usine de la Blanche Porte" en écho aux draps blancs étendus aux portes de la ville pour y sécher. La marque "La Blanche Porte" est créée.
- 1934 : Le premier catalogue papier, entièrement dessiné, est imprimé. Les vêtements font leur apparition dans les collections.
- 1964 : Fin de l'activité industrielle, La Blanche Porte se consacre à la vente par correspondance mode et maison.
- 1983 : La Blanche Porte entre dans le giron du groupe 3 Suisses International.
- 1986 : Création de Colombine®, la marque de linge de maison.
- 2005 : Lancement du site web, La Blanche Porte est le n°3 français de la vente à distance.
- 2016 : Blanche Porte est rachetée par son comité de direction.
- 2020 : Blanche Porte expérimente un catalogue intelligent propulsé par l'IA. et invite la 3D dans son processus.