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DossierLe service client, coût à réduire ou relais de croissance des telcos?

Publié par Stéphanie Marius le

1 - Télécommunications: automatisation, offshoring et conception de nouveaux modèles GRC

Le tarif du forfait mobile chute, la guerre tarifaire fait rage: les acteurs des télécommunications doivent trouver l'équilibre subtil entre fidélisation et montée du selfcare.

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Le forfait mobile a perdu 45% de sa valeur entre 2009 et 2019 en France, selon l'Observatoire du marché français des télécoms, publié par l'Arcep. Une chute des tarifs sans équivalent dans le monde. Sur le marché ultra-concurrentiel des opérateurs de télécommunications, si les investissements en matière d'équipement explosent (les telcos dépensent 9,8 milliards d'euros sur leurs réseaux en 2018, soit 200 millions de plus qu'en 2017), les résultats pâtissent de la guerre des prix.

Ainsi, les revenus des opérateurs baissent de 1%, à 35,6 milliards d'euros, pour des forfaits fixes (box) tarifés en moyenne 33,30 euros, contre 14,40 euros pour le mobile(1). "Le marché est extrêmement bataillé et regardé au-delà de la profession et de la zone Europe, assure Benoît de Saint-Aubin, directeur clients chez Orange. Aujourd'hui, il faut travailler sur l'ensemble des fronts." À tel point que le serpent de mer d'un retour à trois opérateurs pour redonner de la valeur à chacun ressurgit régulièrement. "La guerre tarifaire de l'année 2018 entre les opérateurs télécoms est sans doute liée à des anticipations de consolidation qui n'a pas eue lieu, voire à des pertes de clients pour certains opérateurs, qui ont été contraints de pratiquer des promotions importantes", juge François Richard, directeur de la stratégie de Coriolis Telecom.

Réduire les coûts de la relation client?

C'est dans ce contexte de course à la croissance, interrompue en 2012 avec l'arrivée de Free (propriété d'Iliad), que les acteurs ont réévalué la place de la relation client, au centre des programmes de fidélisation et de réduction des coûts. Faire moins cher, avec moins de contacts, offrir plus d'autonomie au client: "Sur le mobile, 70% des actes sont effectués en self care", indique Alain Angerame, directeur de l'expérience client et collaborateur de Bouygues Telecom. Des contacts à faible valeur ajoutée, notamment pour changer de moyen de paiement. Au sein de Bouygues Telecom, le nombre de contacts n'a toutefois pas chuté de manière significative: "Avec le développement de la fibre, les clients d'un forfait ADSL peuvent changer de technologie et installent de nouveaux équipements. Nous assistons donc à l'arrivée de nouveaux cas de contacts et l'ensemble demeure assez stable", insiste Alain Angerame.

"Sur mobile, 70% des actes sont effectués en self care", Alain Angerame (Bouygues Telecom)

Le discours diffère au sein d'Orange. L'opérateur note une baisse du nombre de contacts à distance, qu'il attribue à la fiabilisation de ses produits et à l'amélioration du parcours client. "Nous satisfaisons la demande d'efficacité/moindre effort de nos clients, explique Benoît de Saint-Aubin. Nous focalisons notre action sur les parcours les plus compliqués afin de les simplifier." Pour les demandes simples, les consommateurs ont massivement recours à un bot ou à la communauté de clients. En cause également, l'arrivée des forfaits Red by SFR, ou Sosh (Orange), dont la GRC est entièrement automatisée ou confiée à des communautés de clients. Les typologies de contacts évoluent, en raison du récent positionnement d'Orange en tant qu'opérateur multiservice du digital (lancement de la banque mobile Orange en 2017, puis de la télésurveillance en avril 2019).

Automatisation et offshoring en hausse

En réponse à la baisse des interactions, la rationalisation des coûts liés aux appels entrants s'accompagne d'un travail de fond avec les acteurs de l'outsourcing. "Les télécoms étaient historiquement le premier donneur d'ordres du secteur mais, talonnés par le high-tech et le retail, ils sont en train de se faire dépasser", indique Alexandre Fretti, directeur général de Webhelp, lequel compte parmi ses clients tous les opérateurs. Les opérateurs de télécommunications représentaient 35% de l'activité des outsourceurs en 2018 (soit 23000 emplois(2), 30% au sein de Webhelp).

Une analyse partagée par Hakia Zarouri, directrice de compte de Majorel: l'outsourceur s'est ainsi diversifié dans l'e-commerce, les Gafa et la bancassurance. "Nous sommes moins dépendants à un seul secteur, ce qui est plus sain", conclut-elle. Même tableau au sein de Comdata, lequel compte parmi ses clients quasiment tous les acteurs de la téléphonie en France et en Europe. L'activité telcos n'est plus majoritaire dans son chiffre d'affaires. "Pour l'un de nos clients, 30% des prises de rendez-vous pour la visite d'un technicien sont effectuées par un bot", fait valoir Frédéric Donati, directeur général de Comdata France.

Concernant la gestion des coûts, "le rapport de coût entre un centre de contacts interne et externe est de l'ordre d'un à trois", confie Alexandre Fretti (Webhelp). Ainsi, si le taux d'outsourcing au début des années 2000 s'élevait à 10 à 15%, il atteint aujourd'hui 60%(2).

Une course aux économies qui, pourtant, ne s'accompagne pas d'une ruée vers les destinations les moins chères. "La plupart des acteurs s'installe peu à Madagascar et en Afrique subsaharienne", affirme Alexandre Fretti. En cause, la complexité de l'offre box et mobile et la difficulté de trouver des conseillers compétents pour des produits parfois inexistants sur place (Madagascar n'est pas équipée de box Internet). "Les acteurs sont déjà fortement installés au Maroc, notamment, et l'économie vers l'Océan indien et l'Afrique subsaharienne est à relativiser dans ce contexte", indique le dirigeant.

Des relations repensées avec les outsourceurs

Pour améliorer l'efficacité de la collaboration avec les opérateurs de télécommunications, de nouveaux systèmes sont progressivement mis en place. Ainsi, si les acteurs de l'outsourcing s'accordent sur la maturité du secteur pour toutes les activités de front-office (réponse en temps réel aux clients finaux) les telcos auraient des difficultés à gérer le volet back-office (règlement des problèmes après le contact avec le client). "Il y a un écart important entre la qualité demandée en front-office et celle délivrée en back-office, ce qui génère de l'insatisfaction et du réappel", souligne Frédéric Donati (Comdata). Ainsi, depuis un an, l'outsourceur est parvenu à convaincre plusieurs opérateurs d'intégrer leurs activités de back-office aux processus qu'il gère.

Webhelp va plus loin et parvient à convaincre un donneur d'ordre français de changer son modèle de facturation, afin de passer d'une rémunération à l'appel traité à une facturation au client géré. La méthode aligne les intérêts des deux acteurs car l'outsourceur a alors tout intérêt à diminuer le nombre de contacts. "Nous sommes parvenus à diviser par trois le taux de contacts en investissant dans des labs et des solutions de fluidification, se réjouit Alexandre Fretti. Cependant, ce modèle est souvent perçu comme plus opaque par les directions financières car moins simple à piloter."

En parallèle, les équipes de Webhelp ont emmené la direction générale de plusieurs opérateurs de télécommunications en Angleterre, afin de leur montrer le changement de paradigme opéré par les acteurs locaux. En effet, depuis une dizaine d'années, les telcos britanniques choisissent entre un et trois outsourceurs, avec qui ils travaillent de manière approfondie. à la différence des Français, lesquels nouent des partenariats avec jusqu'à dix outsourceurs et répartissent les flux en fonction de la performance opérationelle. Webhelp a ainsi noué un partenariat visant à travailler de manière privilégiée avec un opérateur il y a deux ans.

Dernière étape de cette tendance au rapprochement entre les opérateurs et les acteurs de l'outsourcing, la filialisation. Ainsi, le groupe Coriolis, propriétaire de l'opérateur Coriolis Telecom et pionnier dans ce domaine, fête les 20 ans de Coriolis Service, dédié à l'outsourcing, en 2019. Une stratégie gagnante: Coriolis Service enregistre une croissance de 12% en 2018, ouvre un nouveau site à Angers, possède neuf sites de production en France et en Tunisie et compte 2000 collaborateurs.

À l'inverse, Comdata acquiert en décembre 2019 CATsa, le service client de Telefonica. "Nous pouvons désormais effectuer l'installation chez les clients et la maintenance du matériel, explique Frédéric Donati. Ce type de services devrait prendre de l'ampleur dans les années à venir. Ces acteurs sont en demande de services packagés." Les opérateurs se focalisent en effet sur la gestion de leurs offres et délèguent de plus en plus les activités à réaliser chez le client.

Personnaliser et valoriser la relation

"La grande volatilité des clients entraîne de forts enjeux de fidélisation", Alexandre Fretti (Webhelp)

En parallèle des plans de rationalisation des coûts, les opérateurs de télécommunications se centrent sur la fidélisation et le cross selling. En dépit des vagues d'offshoring, ils tentent de remettre la satisfaction client au coeur des dispositifs. "Du point de vue du consommateur, le secteur des télécoms ressemble à celui de l'énergie: un forfait, une relation dans la durée et un produit vu comme une commodité, réagit Alexandre Fretti. La grande volatilité des clients entraîne de forts enjeux de fidélisation."

Ainsi, Bouygues Telecom fait entrer les clients au sein de ses centres internes via une série de journées portes ouvertes en juin 2019. Plusieurs dizaines de personnes sont invitées à découvrir l'activité des conseillers de clientèle. De même, l'opérateur vient de renouveler les membres de son comité clients, interrogé à chaque lancement d'offre et invité à visiter le siège du groupe. En interne, Bouygues Telecom se réorganise afin d'amplifier sa stratégie d'expérience client.

Alain Angerame, auparavant directeur de la relation client, élargit son périmètre d'action à l'expérience client et collaborateur, tandis qu'une directrice commerciale clients est nommée afin de gérer l'ensemble des 10000 collaborateurs en lien avec les clients, en boutique ou centre de contacts. "Les idées d'aujourd'hui sont les mêmes que celles d'il y a cinq ans, affirme Alain Angerame. Le défi permanent est de les mettre réellement en oeuvre au quotidien." Parmi les KPI retenus pour mener à bien cette mission, sont cités pêle-mêle par les opérateurs et leurs outsourceurs: la diminution du taux d'effort pour les clients et les collaborateurs, le NPS, la satisfaction et la "très satisfaction client", la qualité de service fournie (désormais mesurée de façon hebdomadaire) et, fait nouveau, la qualité perçue ainsi que le taux de cross selling.

La valorisation des interactions client passe, enfin, par l'innovation technologique. Ainsi, alors que Bouygues Telecom propose désormais un service de web callback immédiat en boutique sur le mobile du client, Orange innove avec une aide photographique à l'installation. Pour un problème de raccordement, le conseiller se connecte au smartphone du client, lequel prend des photos du système. Le conseiller renvoie les photos en indiquant visuellement quels câbles connecter. "Ce type d'outils permet de prendre en compte la complexité perçue par le client, afin de s'adapter à sa maîtrise technologique", explique Benoît de Saint-Aubin.

De même, en cas de changement de moyen de paiement, Comdata propose aux clients de prendre en photo son RIB via un lien SMS, et ce dernier est automatiquement intégré dans le CRM.

Mais la plus grande innovation pourrait venir du client: "Alors que la baisse du flux téléphonique est limitée à 2%, et après la "génération chat", nous voyons arriver une génération née avec Alexa, habituée à communiquer oralement avec les services", prévient Alexandre Fretti (Webhelp). Et si la prochaine révolution de la GRC chez les telcos était vocale?

(1) Source: Arcep, 2019

(2) Source: étude sectorielle SP2C et EY, 2018


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Stéphanie Marius

Chef de rubrique

Ancien professeur de lettres modernes, secrétaire de rédaction durant quatre ans et aujourd’hui chef de rubrique pour les sites [...]...

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