[Tribune] La considération client : la grande oubliée des services de support ?
Il ne devrait plus être nécessaire de le rappeler mais pourtant : un client insatisfait fait plus de bruit qu'un client satisfait. Quand sa problématique a été résolue, il devient rapidement un client satisfait et fidèle !
Je m'abonneCette maxime marketing, appliquée dans les centres de relation client depuis la nuit des temps, s'applique aussi au sein de l'entreprise, dans la relation aux services supports. Aujourd'hui, les entreprises proposent à leurs collaborateurs des centres de support ayant pour but de résoudre leurs demandes dans le cadre de l'exercice de leurs missions. Dans cette tribune, Antoine Perdreau revient sur la déshumanisation de ces centres de support, où le digital a fini par remplacer l'humain.
Comment percevez-vous la gestion des demandes de support au sein des entreprises ?
En tant qu'expert dans le domaine de l'ITSM et donc de la gestion des demandes au sein des entreprises, j'ai constaté l'évolution du paysage.
Avant l'avènement des échanges digitaux, le téléphone a toujours été le canal de communication majoritaire. Dans les entreprises mais aussi dans la vie des particuliers. Aujourd'hui, la tendance a complètement changé.
Depuis, le mail puis le portail utilisateur sont devenus les nouveaux canaux pour transmettre les demandes. Cela peut passer par des logiciels de ticketing (envoi automatique de demandes au service support), par une boîte mail attitrée ou encore des chatbots.
Le canal téléphonique qui était utilisé pour 90 % des demandes est passé à 10 %, si ce n'est pas 0.
En quoi la suppression du canal téléphonique est un problème ?
En soi, proposer plusieurs canaux d'accès pour traiter une demande n'est pas un problème, c'est même un avantage. En proposant une FAQ pour répondre aux problématiques régulières ou des tickets pour catégoriser et optimiser la gestion de la demande, on simplifie l'exercice, on optimise la rapidité de traitement et on améliore la satisfaction du demandeur.
Lire aussi : eDreams ODIGEO place la barre haute en matière de service client dans le voyage en ligne
Cependant, dans le cas d'une demande complexe, les utilisateurs se retrouvent facilement démunis. Difficultés à qualifier la demande, de compréhension de la problématique, etc. Chacun l'a expérimenté et éprouvé le besoin de pouvoir parler à quelqu'un de compétent qui pourra comprendre et nous aider à résoudre notre problème.
À défaut de ce contact, s'installe un sentiment de frustration, une perte de confiance dans l'outil utilisé, voire dans son entreprise.
Pourquoi les entreprises ont-elles décidé de diminuer, voire supprimer le canal téléphonique ?
Il existe une réelle volonté de gagner en productivité en automatisant les processus de ticketing et en diminuant la masse salariale. Gérer un call-center et des employés attitrés et disponibles est évidemment beaucoup plus coûteux que l'installation d'outils digitaux. La raison principale est donc budgétaire !
Cependant, en remplaçant totalement les humains par des softwares et des IA, la qualité du service client se dégrade petit à petit. On en arrive à déshumaniser la relation client.
Depuis une dizaine d'années, les chatbots - outils de chats souvent animés par une intelligence artificielle capable de guider les utilisateurs dans leur demande - essaient de venir renverser le processus. Ces outils génèrent souvent du "small talk" (réparties pré programmées) qui ont pour but de simuler un peu d'humain, décrocher un sourire et apporter une expérience positive.
Aujourd'hui, bénéficier d'un support client accessible par téléphone est devenu un service premium. Voir un élément différenciant en termes de satisfaction client ! Alors que c'était un service de base il y a encore peu de temps ! Et qui répondait surtout à une vraie demande des utilisateurs.
Pour combler ce manque, il existe plusieurs solutions. Réintégrer le canal téléphonique en l'associant aux outils en place. Mettre en place en complément des leviers purement digitaux et automatisés des outils de visio, de chat, faire intervenir des conseillers sur les réseaux sociaux, etc. C'est une question d'équilibre à trouver, qui est propre à chaque entreprise et à chaque activité. En réhumanisant la relation et en travaillant sur la complémentarité des canaux, l'entreprise redonne de la légitimité au service client. Elle replace la considération client au coeur de la stratégie et se donne ainsi toutes les chances de nourrir durablement la satisfaction de ses clients, qu'ils soient internes ou externes.
Lire aussi :
[Tribune] La cohérence de l'expérience collaborateur et de l'expérience client : un must !
Vous nous parlez de considération client : ce concept est-il applicable en entreprise ?
Dans le BtoC, les entreprises commencent à s'adapter à la demande des consommateurs. Si 65 % des Français trouvaient que la considération était correcte en 2016, ils n'étaient plus que 60 % en 2019 et les chiffres continuent de dégringoler*. La force de la considération des clients doit également être prise en compte dans le BtoB, notamment via les services ITSM proposés. D'autant plus qu'il s'agit de demandes permettant à chaque employé de travailler correctement !
Le client (ou collaborateur) doit pouvoir faire preuve d'expériences positives qui lui donneront l'occasion de forger son opinion sur la qualité de service offerte. Cette considération, finalement, est une attente plus que légitime du client. Et c'est à nous, entreprises, de s'accorder pour tenir cette promesse tout en conservant la capacité de production et de rentabilité.
*Baromètre de la Symétrie des attentions, l'Académie du service
À propos d'Antoine Perdreau :
Fort de 15 ans dans l'expérience logicielle, Antoine Perdreau est ingénieur avant-ventes sur les sujets ITSM / ESM du groupe ISILOG et responsable de partenariats technologiques. Certifié ITIL v3 et ITIL 4, il conseille au quotidien les entreprises et collectivités sur leur processus d'entreprise.