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Rachel Picard et Roger Barbary, Gares & Connexions : "La gare doit devenir un lieu de vie et de plaisir"

Publié par Claire Morel le | Mis à jour le
Rachel Picard et Roger Barbary, Gares & Connexions : 'La gare doit devenir un lieu de vie et de plaisir'

Depuis 2009, Gares & Connexions entretient et assure la vie quotidienne des gares. Tout l'enjeu aujourd'hui, pour Rachel Picard, directrice générale, et Roger Barbary, directeur marketing et commercial, est de faire de la gare un lieu de destination et non plus seulement de passage.

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Quelle est la mission de Gares & Connexions au sein du groupe SNCF ?

Rachel Picard, directrice générale de Gares & Connexions : Créée en 2009, la branche Gares & Connexions regroupe l'ensemble des 3 000 gares voyageurs du réseau ferroviaire français. Nous assurons leur gestion quotidienne et leur valorisation : entretien, maintenance et développement du patrimoine. Nous nous chargeons des contrats de location avec les opérateurs commerciaux dans ces lieux : 2 millions d'espaces d'accueil et de vente, commerces, bureaux... Enfin, nous encadrons la vie dans la gare : chauffage, éclairage, sécurité, propreté, accueil, consignes... Les flux représentent plus de deux milliards de voyageurs par an. Celle qui accueille le plus de voyageurs, soit 650 000 chaque jour, est la gare du Nord. Au total, ce sont près de 14 000 collaborateurs de la SNCF qui travaillent au contact des voyageurs. Nous avons d'ailleurs créé l'Institut Gares pour les former à l'accueil, aux différents comportements à adopter face au public.

À quels grands enjeux Gares & Connexions est-elle confrontée ?

Rachel Picard : À long terme, l'enjeu principal consiste à financer les futurs investissements en gare. Ces derniers sont liés à l'accroissement des flux et au développement des transports collectifs et des modes doux [modes non motorisés et non polluants]. Nous devons aussi maintenir et renouveler le patrimoine, qui comporte notamment plus de 100 bâtiments inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Enfin, nous devons anticiper le trafic et gérer au mieux les flux. À court et moyen terme, notre mission est de développer le service à destination des voyageurs et de faire en sorte que la gare passe d'un endroit de stress et d'inconfort à un lieu de vie et de plaisir. Nous créons du service et améliorons l'expérience en gare avec des partenaires qui permettent de financer les développements futurs. Tout euro gagné y est réinvesti.

Roger Barbary, directeur marketing et commercial de Gares & Connexions : Notre objectif de fond est de faire en sorte que la gare, qui est un lieu dont la nature est très utilitaire, devienne un lieu de vie qui soit une véritable destination choisie. Cela passe à la fois par le design de l'espace, mais aussi par des services et une offre commerciale qui répondent aux besoins pratiques et aux attentes de plaisir des voyageurs. Une fois qu'ils savent à quelle heure ils partent et sur quel quai se rendre pour prendre leur train, ils souhaitent pouvoir facilement acheter leur journal, leur sandwich, un cadeau éventuel, etc.

Travaillez-vous justement sur le développement de commerces et de services en particulier ?

Roger Barbary : Les boutiques sont un véritable service pour les voyageurs. Au coeur du parcours client, nous faisons aussi évoluer les autres prestations plus classiques, comme les toilettes, les consignes, le portage de bagages, les objets trouvés, l'accueil... En outre, si nous travaillons à l'amélioration de ces services, nous nous appliquons à en créer de nouveaux. Cela comprend aujourd'hui le wi-fi gratuit et illimité, que nous déployons actuellement, ou encore le retrait de colis "click and collect", qu'il soit spécifique ou non à une enseigne. Par exemple, nous mettons en place un nouveau concept de toilettes, en partenariat avec la société 2theloo, à Paris-Gare de Lyon. Le concept va au-delà de la simple fonction du lieu : il propose un design original et différent ainsi qu'une boutique intégrée.

Rachel Picard : Depuis juillet 2013, 74 nouveaux services physiques ou digitaux, de tous ordres, ont été testés : les pianos en gare, le point Kiala (pour le retrait de colis), le We-Bike (des vélos qui permettent aussi de recharger des appareils mobiles), les nouveaux commerces, l'application en ligne "Garantie des gares". Pour savoir si ces services sont bien accueillis, nous avons installé neuf bornes dans cinq gares de France : Paris-Lyon, Paris-Montparnasse, Paris-Saint-Lazare, Avignon-TGV et Lyon-Saint-Exupéry. Plus de 100 000 likes et 6 000 commentaires ont été comptabilisés. En 2014, nous allons déployer plus de 650 bornes, 1 600 affiches, 21 000 stickers et 1 700 000 cartes postales tout au long du parcours client.

Pour faire évoluer ces services, consultez-vous les voyageurs ?

Roger Barbary : Nous les faisons de plus en plus participer à l'élaboration de leur gare. À la gare de l'Est, par exemple, nous avons constitué un panel de clients (sur la base du recrutement et du volontariat) avec OpinionWay. Sur plusieurs mois, ils ont assisté à des réunions d'élaboration. Nous analysons les insatisfactions afin que les clients puissent se projeter dans leur gare de demain. Nous leur proposons aussi de prendre part à des projets de nouvelles installations. Dernier exemple en date : les internautes ont été consultés sur la couleur des nouveaux distributeurs Selecta. Demain, nous pouvons imaginer de donner aux clients l'opportunité de choisir la couleur des sièges, la décoration des murs ou encore l'ambiance. Nous les interrogeons fréquemment sur leur satisfaction, mais nous les invitons aussi à nous signaler un service défectueux ou un dysfonctionnement.

Rachel Picard : C'est le cas pour les escalators de la gare Montparnasse. Les clients peuvent flasher un QR code situé sur l'escalator. En quelques minutes, les équipes interviennent. Si le voyageur a laissé ses coordonnées, nous lui envoyons un message pour le remercier et le prévenir que la réparation a eu lieu. Nous essayons de rendre les voyageurs acteurs d'un problème qui peut rapidement être réglé. Cela change totalement le processus et la relation, sachant que le sentiment d'appartenance à une gare peut être fort, et l'exigence d'autant plus importante par rapport au service public.

Comment abordez-vous le rôle de la gare en tant qu'espace commercial ?

Roger Barbary : Hormis les six grandes gares parisiennes, qui représentent 50 % du chiffre d'affaires, les autres comptent seulement quelques points de vente, parfois un seul. Nous avons la volonté d'offrir un véritable service, car nous avons observé que l'enrichissement de l'offre commerciale accroît considérablement la satisfaction. Pour preuve, depuis la transformation de la gare Saint-Lazare, le taux de satisfaction a augmenté de deux points. Saint-Lazare a cette particularité d'accueillir 85 % de personnes actives, qui passent chaque jour pour leur trajet domicile-travail. Nous observons que les voyageurs sont enclins à prendre leur temps le soir, quitte à prendre le train plus tard. Ils gagnent finalement du temps, car les courses de commodité doivent être faites quoi qu'il arrive. Quant au dispositif "click and collect", mis en place en partenariat avec GeoPost, il est représentatif de notre capacité à rendre le commerce accessible dans des gares où le potentiel commercial est moins important. C'est un service avec une véritable valeur ajoutée car, sur son parcours, le voyageur n'a plus à se rendre en point de vente ou au guichet de La Poste pour récupérer son colis : il le prend directement dans un lieu où il passe quotidiennement. Cela exige d'inventer de nouveaux formats qui n'existent pas aujourd'hui, car le client en gare n'est pas le même que celui du centre-ville ou du centre commercial.

Rachel Picard : Ce système, qui est très bien accueilli par les voyageurs, nous permet aussi d'entrevoir d'autres projets, tels que l'ouverture d'un pressing, l'installation d'un stand par le boulanger de quartier... L'objectif est de réinventer la gare comme un lieu de vie pratique de fin de journée.

La gare Saint-Lazare a été récemment rénovée et enrichie d'une offre de commerces. Quelles ont été les grandes lignes directrices du projet ?

Rachel Picard : Nous avons ouvert une zone pour relier le métro directement aux quais. Pour habiller ce nouvel espace, tout en s'assurant de conserver l'âme du bâtiment, nous avons déployé des commerces sur trois étages. La gare accueille près de 80 boutiques sur 10 000 m2. Depuis, nous avons observé une augmentation de la satisfaction clientèle, qui a gagné deux points. Nous avons travaillé sur le parcours avec une signalétique simple et claire. Nous avons également accueilli le chef trois étoiles du Bristol, Éric Fréchon, qui y a installé une brasserie avec des prix accessibles. Pour répondre à toutes les demandes, un Burger King a aussi été implanté. C'est aujourd'hui le deuxième restaurant le plus rentable au m2 dans le monde. Notre mission est de proposer tous types d'enseignes pour répondre à l'ensemble des besoins.

Comment évaluez-vous la satisfaction des voyageurs ?

Roger Barbary : Nous organisons une enquête sur le terrain deux fois par an dans les grandes gares, et une fois dans les plus petites. Les résultats donnent lieu à un baromètre dont les indicateurs concernent tous les salariés. Ce baromètre couvre l'ensemble des sujets relatifs au parcours voyageur : le questionnaire, de dix minutes environ, est soumis en face à face. En moyenne, nous consultons près d'un millier de personnes : tout dépend de la taille de la gare. Actuellement, le baromètre nous indique un taux de satisfaction de 7,4 sur 10. Nous considérons que la satisfaction démarre à partir de 7. C'est un chiffre qui a progressé depuis la mise en place de ce baromètre, il y a quelques années.

Rachel Picard : Nous avons également mis en place des petites mesures, plus ponctuelles, à travers les bornes "Happy or Not". Ce système propose trois boutons - vert, orange et rouge - permettant d'évaluer, à n'importe quel moment, la satisfaction des voyageurs. Cet outil nous permet de détecter immédiatement un problème. Si c'est le cas, nous procédons à un recueil de verbatims. C'est arrivé à Tours, pour un problème signalé dans la salle d'attente. Nous avons fait remplacer les sièges, mais cela n'a rien changé. Nous avons donc sondé le public et nous avons découvert qu'il y faisait trop froid. A contrario, nous avons observé des pics de satisfaction dès lors que nous installions un piano dans une gare. Enfin, ces bornes nous permettent de mettre en place des actions rapidement.

Actuellement, proposez-vous un système de recueil de la satisfaction voyageurs qui soit plus réactif ?

Roger Barbary : Nous élaborons actuellement un baromètre, en temps réel, sur le même principe que le système de notation dans le monde de l'hôtellerie. Le questionnaire, soumis en ligne, comprendra quelques questions assez simples pour établir une notation de façon à prendre la température, au fur et à mesure. Ce sera d'autant plus intéressant que nous pourrons aussi recueillir des verbatims qui justifieront la note. Ces questionnaires seront accessibles en ligne, à partir du mois de juin, d'abord sur Gares-en-mouvement.com/fr et sur ­Gares-connexions.com, puis via des affiches en gare avec un QR code afin d'inviter les voyageurs à s'exprimer sur les plateformes dédiées.

Les réseaux sociaux permettent-ils au public de s'exprimer davantage et de faire part de mauvaises expériences en particulier ?

Rachel Picard : Les voyageurs ne s'expriment pas vraiment davantage. La gare étant un lieu public, ils ont toujours eu l'habitude de donner leur avis. Nous n'avons pas observé de grands changements. À la rigueur, c'est plus facile pour nous d'entamer un dialogue, car les avis sont exprimés plus facilement. D'ailleurs, la SNCF a cette particularité notable : son image et celle du service qu'elle propose sont nettement meilleures du point de vue de la clientèle que de l'opinion publique.

 
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