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Comment ériger l'expérience client en véritable culture d'entreprise

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Comment ériger l'expérience client en véritable culture d'entreprise

L'excellence de l'expérience vécue par leurs clients est pour certaines entreprises une véritable culture. Si cette stratégie exigeante se travaille sur la longueur, elle est aussi un puissant vecteur de fidélisation des clients et d'amélioration de la performance de l'entreprise.

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L'histoire était suffisamment étonnante pour être relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias. Inscrite assez loin sur la liste d'attente d'un vol Delta Airlines pour Atlanta, un jour de juin 2013, Jessie Franck était sur le point de voir partir le dernier vol de la journée lorsqu'un homme a proposé de lui céder son siège, a pris son bagage et l'a menée jusqu'à l'appareil. L'inconnu n'était autre que Richard Anderson, patron de la compagnie aérienne, qui a, pour sa part, voyagé sur un strapontin. Dans une lettre ouverte publiée sur sa page Facebook, la passagère a remercié ce patron " dévoué et inspirant " ainsi que l'ensemble des employés de la compagnie qui l'avaient aidée à rentrer chez elle et à retrouver sa fille diabétique. Cette attention d'un jour avait fait d'elle une cliente " fidèle à vie ".

Malgré son caractère exceptionnel, l'épisode illustre les bienfaits que peuvent retirer les groupes qui ont fait de la relation client une véritable culture d'entreprise. Il est aussi symbolique de celui qui doit incarner cette stratégie. " Le premier directeur de la relation client doit être le p-dg, le créateur d'entreprise ou ses actionnaires. À la base de tout, il y a d'abord une conviction et des valeurs qu'il faut faire partager à l'ensemble de l'entreprise pour qu'elles restent vivantes ", observe Thierry Spencer, directeur associé de l'Académie du Service.

Un vecteur de performance

Les entreprises américaines se distinguent particulièrement par la place qu'elles accordent au client. Zappos a construit son activité de vente en ligne de chaussures autour du service. Amazon a fixé de nouveaux standards, qui s'imposent désormais à la plupart des secteurs. American Express s'est engagé en 2008 dans une stratégie de Relationship Care... Partout dans le monde, des groupes prennent davantage en compte l'expérience et la satisfaction client : Emirates, Nespresso, mais aussi la Maif, Darty, Decathlon, Vente-privee, BlaBlaCar...

Pas seulement par philanthropie, mais bien par souci d'efficacité. Pour ces entreprises, la relation client n'est pas un coût, mais un investissement ! C'est aussi un élément de préférence dans des univers où l'offre est surabondante et le choix entre les enseignes pléthorique. " Dans le commerce, les entreprises performantes sont d'abord performantes par la relation client, souligne Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Les gens n'acceptent plus qu'on leur parle mal ou qu'on ne leur réponde pas. Avec Internet et les réseaux sociaux, ils ont bien compris le moyen de pression qui est aujourd'hui à leur disposition. Les réponses des marques et des enseignes doivent donc être plus précises et plus réactives. " Selon lui, la culture client évolue encore trop lentement dans le commerce. Dans beaucoup de magasins, on ne sait toujours pas à qui s'adresser quand on a une question à poser ou un produit à ramener...

Faire davantage confiance au client

Face à ces clients très exigeants, le zéro défaut reste difficile à atteindre. " On peut en revanche reconnaître que l'amélioration de la relation client est une quête et, à ce titre, viser 100 % de clients satisfaits, assure Thierry Spencer. Un client mécontent qui prend le temps de raconter ce qui s'est passé, que l'on écoute et que l'on accepte d'indemniser peut devenir le meilleur ambassadeur de votre marque. Les entreprises sont trop souvent incapables de s'excuser... " Elles peuvent aussi progresser dans leur manière de dédommager les clients lésés.

Selon Frank Rosenthal, le personnel doit avoir une latitude pour réparer des erreurs, surtout dans la distribution alimentaire où les montants en jeu sont souvent minimes : " Les enseignes gagneraient à faire davantage confiance au client, par exemple quand une promotion n'est pas passée en caisse, qu'elle est difficile à vérifier en rayon dans des délais raisonnables et que le client vient de refaire la queue... Les réponses apportées à ces points de détail sont loin d'être neutres, elles laissent une trace dans la mémoire du client. "

Du client ambassadeur au client cocréateur

Les entreprises qui ont acquis une véritable culture client accordent une importance toute particulière à la voix du client. Les avis publiés sur des portails (Citroën Adisor, L'Esprit Services d'Engie...) servent à améliorer les performances de la relation client. Ils participent aussi à la réputation de la marque et de la marque employeur. Certains vont jusqu'à associer leurs clients à la coproduction de biens et services, ou l'amélioration des produits. Les produits Decathlon qui n'obtiennent pas la note de 3 sur 5 dans les avis clients sont ni plus ni moins retirés de la vente dans un délai d'un mois. Ils ne sont remis en vente qu'après avoir été améliorés. Une manière d'impliquer les clients dans la culture de l'entreprise...




Répondre à l'exigence de fluidité

À l'heure du multicanal, les marques devraient répondre au client sur le support qu'il a choisi pour entrer en contact avec elles. Dans les faits, c'est loin d'être aussi clair... Les progrès sont plus probants sur la fluidité entre les circuits de vente, qui est devenue une exigence absolue. " Depuis longtemps, le client va au-delà du click and collect. Cela implique d'équiper les vendeurs en tablettes pour renseigner le client, d'installer des bornes pour diagnostiquer les pannes, de proposer des files virtuelles, des rendez-vous en magasin que l'on peut fixer sur le site... Le déploiement de ces solutions sur l'ensemble du réseau permettra une expérience le plus unifiée possible d'un magasin à l'autre ", détaille Vincent Gufflet, directeur des services de Darty.

Miser sur la technologie n'empêche pas de conserver une large part à l'humain. Avec son offre de libre-service en boutique, Nespresso a créé deux expériences différentes sans diminuer le nombre de ses experts café. " L'humain référent crée la confiance et la fidélisation. Nos experts sont là pour aiguiller le client, transmettre de l'information ou régler ce qui pourrait être un problème. C'est aussi essentiel dans le SAV. Quand un technicien intervient à domicile et laisse une machine de prêt, c'est une attention de relation essentielle ", note Nathalie Gonzalez, directrice marketing et communication chez Nespresso. Deux ans après son lancement, le bouton Darty étonne notamment par le mix entre l'humain et la technologie. " La simplification a été fondamentale pour le client. Quand le conseiller rappelle et prend la main à distance grâce à la visiophonie, il peut voir plus rapidement ce dont il s'agit et résoudre vraiment le problème. Le traitement automatisé à la chaîne peut séduire mais, au final, cela coûte souvent moins cher de passer un peu plus de temps avec le client ", estime Vincent Gufflet.

Miser sur la symétrie des attentions

La prise de conscience des enjeux de la relation client sur la performance de l'entreprise passe d'abord par l'interne. Selon le concept développé et breveté par l'Académie du Service sous le terme de "symétrie des attentions", le management doit prendre soin de ses propres collaborateurs pour que ceux-ci prennent ensuite soin des clients. Des collaborateurs fiers de leur travail sont plus enthousiastes, gagnent en inventivité. Les entreprises qui écoutent leurs collaborateurs évitent nombre d'incompréhensions et peuvent mettre en place des process plus efficaces. Les challenges internes contribuent à l'émulation et à la cohésion des équipes...

Des progrès peuvent encore être réalisés, notamment pour sensibiliser l'ensemble des effectifs à la culture client. " Certaines entreprises ne forment que les collaborateurs en contact direct avec les clients. Or, la relation client est une somme de détails parfois très minimes, qui se détectent par une vigilance à tous les niveaux de l'entreprise. C'est cette somme de détails bien exécutée qui fait une relation client agréable et fluide, et qui devient un vecteur majeur de fidélisation, bien plus puissant qu'un programme de fidélité ", affirme Nathalie Gonzalez.

Si la relation client s'inscrit dans un cadre propre à chaque entreprise, elle doit aussi laisser une part de liberté aux collaborateurs. Dans les centres d'appels, beaucoup de marques ont abandonné les scripts préétablis et laissent leurs conseillers répondre de manière plus personnelle. American Express demande à ses conseillers de "lâcher la souris" dès les premières minutes de la conversation pour mieux s'intéresser à la situation rencontrée. " Quand le client raccroche, il doit être satisfait d'avoir eu en ligne quelqu'un qui connaît bien le produit, qui a bien répondu à sa question et qui lui a fait découvrir des bénéfices de la carte qu'il ne connaissait pas. Nous profitons toujours de ces contacts directs pour créer des surprises et des émotions positives ", explique Nicolas Juttant, Head of Global Service France.

Zappos veut faire le bonheur de ses clients et de ses salariés

Zappos s'est lancée dans la vente de chaussures en ligne en 1999. Et, dès ses débuts, la qualité de sa relation client a contribué à son succès (en 10 ans, son chiffre d'affaires est passé de 1,6 M$ à 1 Md$). Pour rassurer ses clients, la jeune société propose une période de 365 jours pour retourner le produit, quelle que soit la raison. Dans les faits, peu de gens utilisent ce droit mais Zappos a ainsi acquis un véritable capital confiance. La marque se veut aussi totalement disponible. Son call center, situé dans son siège de Las Vegas, est joignable sept jours sur sept et 24 heures sur 24, sans aucune durée maximale aux appels. Le collaborateur a toute liberté pour mener la conversation et indemniser le client en cas de problème. Un "Culture Book" réunit chaque année les expériences de relation client les plus intéressantes. La culture client laisse ainsi une trace dans l'entreprise.

Chez Zappos, l'investissement dans la relation humaine ne se limite pas aux clients. Le fonctionnement interne de l'entreprise est un autre point fort et se résume en une devise : "Des salariés heureux font des clients satisfaits." En 2014, le groupe a adopté une nouvelle organisation - l'holacratie - fonctionnant sur des "cercles" autonomes, qui se composent et se recomposent selon les activités. Zappos y a perdu bon nombre de ses managers mais prouve que, même depuis son rachat par Amazon en 2009, l'entreprise entend continuer à cultiver sa différence !





Aller au-delà du programme de fidélité

Les programmes de fidélité restent souvent la porte d'entrée d'une stratégie plus large de relation client. Pour Sarah Colichet, consultante sur des solutions CRM et marketing chez Comarch, cela ne suffit plus : " Au-delà des transactions, il faut pouvoir intégrer les émotions, la gamification et les réseaux sociaux, qui sont un vivier d'information et de communication avec le client final... Les meilleures solutions sont flexibles, embarquent l'ensemble des équipes et s'interfacent facilement avec l'environnement technique de l'entreprise. " Ces programmes nouvelle génération mesurent, selon les besoins, l'impact des actions de relation client sur les ventes, la fréquence d'achat, les interactions des clients avec la marque, le taux d'ouverture des campagnes ou la satisfaction dans les centres d'appel. L'acquisition de la culture client étant décidément une stratégie en mouvement constant, beaucoup de demandes évoluent entre l'appel d'offres et la mise en place de la solution.

Comme pour tout investissement, l'impact de la relation client doit se mesurer à court terme et dans la durée. Au-delà des grands indicateurs comme le Net Promoter Score (NPS), beaucoup d'entreprises mettent en place leurs propres KPI. Nespresso combine un indice global avec des scores de satisfaction à plus court terme sur une boutique, un type d'expérience, un moment particulier pour le client ou le réseau de vente...

American Express a créé son propre indice : Recommend to a Friend (RTF). Calculé à partir de l'enquête mail qui suit chaque interaction avec le client et présenté tous les trois mois à New York, il permet de suivre la qualité de la relation client et entre d'ailleurs dans la rémunération variable des chargés de clientèle. Le groupe s'en sert aussi pour se comparer aux offres concurrentes. " La carte American Express est souvent une deuxième carte bancaire. Si l'expérience que nous proposons n'est pas à la hauteur des attentes, les clients ne resteront pas. L'utilisation des bénéfices de la carte fait aussi l'objet d'un monitoring mensuel. Certains nouveaux services ont d'ailleurs été suggérés par les retours directs des clients ", note Jérôme Gueydan, directeur marketing produit, engagement et loyalty.

Une exemplarité qui s'étend à l'ensemble de l'entreprise

Faire de la relation client une culture d'entreprise implique d'être le plus exemplaire possible dans toutes ses dimensions : commerciale, sociale, environnementale... Pourtant, peu d'entreprises parviennent à être totalement exemplaires. Amazon s'est fait épingler pour les conditions de travail dans ses entrepôts et sur ses pratiques d'optimisation fiscale. " Dans le commerce, certains métiers sont difficiles et il faut toujours voir ce qui relève du métier ou de l'entreprise ", tempère Thierry Spencer. On voit pourtant émerger une nouvelle génération de consommateurs qui sont hypersensibles à de nouveaux éléments, notamment sur ces questions d'optimisation fiscale. " Ils n'attendent pas seulement que la marque soit exemplaire, mais que l'entreprise tout entière le soit. Je veux bien parier que cette prise de conscience aura des conséquences sur la transparence des entreprises ", pronostique-t-il. Pour ceux qui n'y prendraient pas garde, à quand les Customer Leaks ?

Amazon ou l'obsession du service client

Jeff Bezos a créé Amazon en 1994 autour de quatre grandes valeurs : l'obsession du client, l'innovation au service du client, des réflexions qui privilégient le long terme et la réinvention permanente. On ne compte plus les propositions qui sont devenues des standards de l'e-commerce : la possibilité de déposer un avis (depuis 1995), la validation de panier en un clic (depuis 1999), le click and collect (à partir de 2001)... Les services ne cessent de s'étoffer : une application mobile Prime Now pour les produits du quotidien ou encore le bouton Amazon Dash dédié aux achats récurrents, pour ne parler que des dernières d'entre elles.

Chez Amazon, la notion de choix est poussée à l'extrême. La technologie aide les clients à évoluer dans l'offre avec les avis, lus par plus de deux tiers des acheteurs, et les suggestions d'achats issues de la navigation et de la composition du panier. La distribution est un autre point fort, avec des livraisons en 24 heures pour ses abonnés Premium (tout client qui n'a pas reçu sa commande est immédiatement remboursé). L'écoute client a toujours été un moyen d'éliminer les insatisfactions, de se concentrer sur les interactions à valeur ajoutée et même d'enchanter la relation. Bien que la plateforme ne communique pas forcément sur le sujet, ses abonnés Premium disposent par exemple d'une période d'essai. Si le client n'a fait que très peu de commandes, l'abonnement au service peut lui être remboursé.


 
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