Outsourcing: la croissance du marché français s'accélère
L'édition 2019 du baromètre des impacts économiques, sociaux et territoriaux des centres de contact en France, réalisé par EY pour le SP2C, confirme la vitalité du secteur et le retour de la croissance sur le marché français. Les centres de contact sont aussi les acteurs d'un secteur en mutation.
Je m'abonneLe marché de la relation client externalisée a poursuivi sa croissance en 2018 pour atteindre 2,61 milliards d'euros (+6,3% en un an et sa plus forte hausse depuis 2014), selon l'étude "Centres de contact: en croissance et en mutation", réalisée par EY pour le SP2C(1), dont les résultats ont été rendus publics le 3 juillet. La concentration autour du top 5 des outsourceurs continue de progresser (56,9 % contre 52,2 % en 2017), du fait du rachat de CCA International par Comdata en mars 2018.
Le marché français(2), qui s'inscrivait en léger recul en 2016 (-1,5%) et en 2017 (-1%), repart à la hausse (+2,4%) pour atteindre son plus haut niveau depuis 2015 à 1,828 Md€ sur le périmètre des 9 adhérents du SP2C ayant transmis leurs données. L'hexagone concentre 60,4% du chiffre d'affaires généré, devant l'Afrique du Nord (31,3%). Bien qu'en forte croissance, l'Afrique subsaharienne et l'océan indien ne concentrent que 3,2 % du marché.
L'élargissement des activités en France s'explique par l'augmentation du nombre de clients servis (+6%) mais aussi par une restructuration de l'éventail des donneurs d'ordre. Les acteurs de la téléphonie et des FAI (31,8% de l'activité) continuent de réduire leur recours à l'outsourcing (-3,4 % en 2018), du fait de la maturité de leur transformation digitale, de l'automatisation des processus de gestion et d'un recours plus important aux solutions offshore plus lointaines, explique EY. En 2018, le retail a aussi connu un recul important (-32,6%), compensé par la forte progression du secteur high-tech (+32,4%). Le e-commerce a renforcé son recours à l'externalisation (+161%) et devient le quatrième secteur actif avec 6% de part de marché. En 2018, de plus en plus d'entreprises de taille intermédiaires (ETI) ont fait le choix d'externaliser leur relation client et le nombre de contrats à moins de 1 M€ a progressé de 34%.
L'essor du conseil
Alors que les nouvelles technologies permettent de confier aux robots les questions les plus simples des consommateurs, les téléconseillers deviennent plus à même centres de contact élargissent la palette de l'offre qu'elles proposent aux donneurs d'ordre. En 2018, les activités de diversification représentaient 3,5% du chiffre d'affaires, en hausse de 0,5% en volume et de 8,1% en valeur. La croissance est principalement portée par le conseil (+152%). Les outsourceurs veulent "capitaliser sur leur savoir-faire pour apporter une plus forte valeur ajoutée aux donneurs d'ordre", note l'étude. Ils se positionnent plus que jamais en "intégrateurs de solutions d'expérience client". Les autres diversifications en pointe concernent l'analyse data (+5,2%) et la formation (+3,4%).
Ce changement de posture, qui passe progressivement de la situation de prestataire à celle de partenaire de la gestion de la relation client, amène à renforcer les compétences des téléconseillers. La part des salariés à bac+5 a augmenté de 34 % en 2018. L'essentiel des effectifs restent toutefois recrutés au niveau bac (39,1 %) ou bac+2 (28,7 %). La relation client en centre de contact reste la première expérience professionnelle pour 30% des téléconseillers. Avec 75,3% de contrats en CDI, le secteur reste aussi "un vecteur d'insertion socio-professionnelle".
(1) Les données collectées portent sur l'année 2018. Le périmètre de l'étude concerne le marché français et prend en compte le CA réalisé hors de France pour des clients français.
(2) Recoupe les activités à destination du marché français pouvant être réalisées depuis des sites en France ou à l'étranger.
Patrick Dubreil, président du SP2C : "Le retour de la croissance illustre la recherche d'une montée en gamme de la relation client"
Quelles évolutions vous semblent particulièrement notables dans les résultats de l'étude 2019 ?
Patrick Dubreil: Le retour de la croissance illustre la recherche d'une montée en gamme de la relation client avec des conseillers mieux formés et une revalorisation du made in France. L'arrivée de nouveaux secteurs primo accédants ou de PME qui viennent à la culture de l'externalisation est une nouvelle pour la profession. L'omnicanalité, dont on parle tous, avait du mal à se lire dans les chiffres. C'est toujours un peu le cas mais on voit que le chiffre d'affaires réalisé avec les réseaux sociaux a progressé de près de 200%.
Les décisions de l'Arcep sur l'encadrement des automates d'appels, qui doivent entrer en vigueur le 1er août, ne sont-elles pas de nature à casser la dynamique de croissance en France?
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Patrick Dubreil: Depuis cette décision de l'Arcep, prise en juillet 2018, la profession a essayé de s'organiser. Les premiers tests réalisés sans numéro régionalisé montrent une chute du taux de joignabilité de 30 à 50% selon les campagnes. Cette mesure aurait une conséquence immédiate sur la viabilité des modèles de l'emploi français, alors que 56000 personnes travaillent en France sur les appels sortants en centres internes et externes. Nous avons travaillé sur un système de liste avec des numéros identifiés, respectant les règles du RGPD et de Bloctel pour laisser passer ces flux normés. C'est compliqué à mettre en place... La situation est donc incertaine et très inconfortable. Le SP2C et l'AFRC ont à nouveau saisi l'Arcep et demandé un délai de 12 mois en nous engageant à travailler pour trouver une solution. Nous n'avons pas encore eu de réponse. Le code de bonnes pratiques mis en place par la FFT, le SP2C et l'AFRC montre que nous sommes capables de mettre en place des modèles vertueux.
Quelles avancées attendre des groupes de travail qui se sont tenus à Bercy sous l'égide de la Direction générale des entreprises (DGE), notamment en termes d'attractivité du secteur?
Patrick Dubreil: Les trois groupes de travail ont abouti, le 26 juin, à des recommandations que la DGE va soumettre au ministre de l'Économie et des Finances. On espère que ces recommandations seront suivies d'effets. Nous avons par exemple convaincu nos interlocuteurs que les dérogations au repos dominical, qui relèvent du préfet et peuvent donc aboutir à 95 avis différents, précipitent l'activité à l'international et nuisent à l'emploi en France. Les sujets autour de la fin de contrat ont fait consensus. Nous avons aussi fait valoir que les demandes de RSE des donneurs d'ordre devaient s'accompagner d'un "prix socialement responsable" pour les centres de contact... La DGE et la Médiation des entreprises souhaitent nous amener à un niveau de maturité et à la création d'une filière qui favoriserait la mise en place d'un écosystème et de son développement.