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[En pratique] Réussir l'intégration de conseillers handicapés en 6 étapes

Publié par Christelle Magaud le - mis à jour à
[En pratique] Réussir l'intégration de conseillers handicapés en 6 étapes

Même si l'embauche de personnes handicapées est une obligation légale, certaines sociétés le vivent comme un vrai projet d'entreprise. C'est le cas dans certains centres de contacts qui entreprennent une démarche d'intégration et de sensibilisation impliquant tous les collaborateurs.

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Au regard de la loi, les sociétés doivent embaucher des personnes en situation de handicap à hauteur de 6%, sous peine de contribution financière Agefiph. Une consigne qui n'est pas si facile à appliquer. Pour autant, une fois franchis les écueils liés au recrutement, à la formation et à l'intégration en interne, les résultats sont au rendez-vous.

1- Recruter selon les compétences

Malgré la mobilisation des entreprises et de l'État, le taux d'emploi direct des personnes handicapées, de 3,1% dans le secteur privé, demeure faible par rapport aux 6% prévus par la loi. En cause, le manque de formation et de diplômes des personnes en situation de handicap. D'où le recours à un recrutement spécifique.

Axelle Duhamel (Armatis-lc)

"Nous pratiquons un recrutement de test: nous mettons nos candidats en situation professionnelle et nous les évaluons. À la suite de ce premier entretien, nous les orientons sur les postes leur correspondant le mieux", explique Virginie Falguière, DRH d'Handicall, dont 80% de l'effectif est constitué de travailleurs handicapés. Même approche chez Armatis-lc, comme le décrit Axelle Duhamel, directrice communication. "Nous étudions les compétences. Dans ce but, nous avons développé une méthode par simulation avec Pôle Emploi. Elle permet de recruter davantage par rapport aux aptitudes qu'au diplôme".

Ces démarches sont recommandées, car il est reconnu aujourd'hui que les personnes handicapées disposent de qualités qui peuvent pallier certaines de leurs difficultés. "Prenons par exemple le syndrome d'Asperger, indique Chanael Lenoir, coordinatrice d'Ethik Management (département conseil, accompagnement et formation du groupe Ethik). Un autiste a du mal à communiquer. En revanche, il possède une extraordinaire faculté à se concentrer sur une seule activité. Cela lui permet d'obtenir un taux d'erreur proche de zéro dans les tâches répétitives par exemple. Dans certains pays comme la Belgique, les États-Unis ou le Canada, les autistes sont d'ailleurs chassés par des recruteurs spécialisés!"

2- Proposer une formation adaptée

Chanael Lenoir (Ethik Management)

80% des personnes handicapées ont un niveau inférieur au bac, selon les chiffres de l'Insee. Il est donc impératif d'ouvrir les formations les plus reconnues dans les secteurs porteurs de recrutement. Typiquement, celles dédiées aux métiers dispensés dans les centres de relation client. C'est de cette idée qu'est née Ethik Management. "Nous développons des filières, en alternance et en partenariat avec des écoles renommées. Par exemple, le programme de Management général (master 1) avec Kedge Business School, le BTS assurance avec l'ESA..., détaille Chanael Lenoir (Ethik Management). En 2013, avec Ethik Management, une vingtaine de personnes, toutes typologies de handicap confondues ont obtenu leur diplôme. "Nous nous fixons pour objectif de doubler ce nombre d'ici à 2016", affirme-t-elle.

Deafi, pour sa part, s'est concentrée sur un seul handicap: la surdité. Dès 2010, ce spécialiste de la relation client a donc formé des personnes sourdes ou malentendantes au métier de conseiller client. Dans la foulée, il a obtenu la validation du titre d'État de Conseiller en Relation Client à Distance en Langue des signes Française. Un diplôme plébiscité par ses clients. Citons l'exemple de GDF Suez Dolce Vita, qui emploie, depuis août 2013, trois vidéo-conseillers qui communiquent avec le client en langue des signes. Mais également celui, plus récent d'Allianz, qui présente la même configuration et celui à venir, depuis janvier 2015, de Showroomprivé.

Là aussi, les process de recrutement doivent être revus pour s'adapter aux personnes en situation de handicap.

3- Sensibiliser en interne

Bluelink parraine l'équipe de France de rugby fauteuil.

L'intégration des nouveaux collaborateurs handicapés est l'un des prérequis à la réussite du projet. Reste qu'en France, les préjugés ont la vie dure. D'où l'importance de sensibiliser les équipes. "J'ai acheté un module d'e-learning dédié au sujet pour le diffuser en interne. Il a pour vocation de dédramatiser le handicap. C'est essentiel pour faire évoluer les mentalités. Ensuite, j'essaie de faire passer des messages, notamment via le sport. Nous sponsorisons, par exemple, l'équipe nationale de rugby fauteuil. Les salariés suivent de près ses résultats et au final, oublient le handicap pour ne parler que de compétition et de performance", raconte Fadila Mirghani, chargée de mission handicap pour Bluelink.

Autre technique: celle qui consiste à inverser les rôles. Autrement dit, plonger des valides en situation de handicap, comme chez Allianz par exemple. "Le déclic, c'est l'expérience", soutient Chanael Lenoir.

Quelles que soient les méthodes de sensibilisation utilisées, un accompagnement spécifique doit aussi être apporté, afin de fournir des repères aux salariés amenés à côtoyer des travailleurs handicapés. "À cet effet, nous dispensons des formations aux collaborateurs valides: comment se comporter, comment éviter de se retrouver en situation de maternage, comment fixer des objectifs différents...", reprend Fadila Mirghani de Bluelink. Des formations qui constituent un passage obligé selon Axelle Duhamel d'Armatis. "19 de nos collaborateurs au centre de contacts d'Ivry-sur-Seine ont reçu une formation pour devenir tuteurs référents de travailleurs en situation de handicap", témoigne-t-elle.

Une méthode qui réussit à l'entreprise, toujours plus proactive sur le sujet: le taux de collaborateurs handicapés dans le centre est en effet passé de 0,4% en 2007 à 7,3% en 2014.

4- Faire évoluer les salariés dans l'entreprise

Au-delà de l'intégration, l'évolution des collaborateurs constitue un enjeu important. "Certains de nos téléconseillers handicapés sont aujourd'hui responsables de plateaux", se félicite Virginie Falguière, DRH d'Handicall. Il est vrai que le personnel est jeune, avec une moyenne d'âge entre 35 et 45 ans, et donc propice à la mobilité. Les structures d'Handicall, qui compte quatre sites de production en France, leur permettent facilement d'évoluer.

Qui dit promotion dit aussi satisfaction du salarié concerné qui préfère ainsi rester dans l'entreprise. Ce que confirme Handicall, affichant un turnover inférieur à 4%. "Dans notre centre d'Ivry, reprend Axelle Duhamel (Armatis), un conseiller clientèle qui avait une maladie invalidante est devenu expert métier. Un superviseur de plateaux doté d'un problème moteur a obtenu une promotion pour passer au service qualité..."

Les centres de contacts essaient ainsi de mettre en place les conditions optimales pour permettre au travailleur handicapé d'évoluer professionnellement.

5- Adapter les conditions de travail

Une pérennité dans l'entreprise passe aussi par des conditions de travail adaptées. "Il faut prendre en compte l'accessibilité sur le lieu de travail et l'adaptation du poste", informe Fadila Mirghani (Bluelink). Chez Armatis, où certaines fonctions sont occupées par des salariés au handicap lourd, on s'attarde beaucoup sur l'agencement des postes: rehaussement des jambes, souris, clavier et écran adaptés à la position assise basse, siège ergonomique avec repose-bras réglables, etc.

Tous ces aménagements, de la formation en passant par les process de recrutement ou encore les adaptations de postes constituent des investissements conséquents pour l'entreprise. Mais sur le moyen terme, elle s'y retrouve. Par exemple, sur l'aspect innovation. "La mise en place d'outils de tchat spécifiques et accessibles pour nos conseillers sourds a séduit des clients entendants, affirme Jean-Charles Correa, fondateur de Deafi. 30% d'entre eux utilisent désormais le tchat pour échanger avec nos conseillers sourds parce qu'ils jugent l'outil plus efficace!"

Zoom - Une formation relation client accessible à tous les travailleurs handicapés

La filière métier compte aujourd'hui 300 000 personnes. Si on applique le taux légal d'embauches de travailleurs handicapés, soit 6 %, cela signifie qu'il y a un potentiel de 18000 personnes à former. Un chiffre qui justifie à lui seul la création d'Inser-C, filière de formation à la relation client accessible à tous les travailleurs handicapés. "Nous souhaitons rendre accessibles les formations aux métiers de conseiller clients à toutes les personnes handicapées, explique Jean-Charles Correa, dg de Deafi et fondateur d'Inser-C. Le diplôme obtenu sera du niveau Bac pro et permettra d'enchaîner sur un BTS".

Trois options possibles :

- une formation initiale de quatre mois,

- une formation en alternance

- le recours au GEIQ (Groupement d'employeurs pour l'Insertion et la Qualification).

Cette dernière formule propose une alternance mutualisée au sein d'un groupement d'employeurs. " Les premières promotions d'une quinzaine d'étudiants devraient démarrer à la rentrée 2016 ".

Zoom - Mediapost, entreprise handi-accueillante

"Nous avons signé l'accord handicap en 2008, relate Valérie Burban, responsable RH de Mediapost. Ainsi, le salarié handicapé est accompagné tout au long de son parcours. Lui sont proposés: un entretien spécifique pour identifier ses besoins en formation, le recours à un réseau de coordinateurs "travailleurs handicapés" un siège au CHSCT... Le salarié se voit également octroyer des demi-journées supplémentaires pour effectuer certaines démarches (administratives, notamment) liées à son handicap".

Aussi, le bilan social de Mediapost montre son investissement, qui compte aujourd'hui 724 travailleurs handicapés. "Nous constatons un turnover deux fois moindre". Également, travailler au contact de personnes handicapées renforce les liens dans l'entreprise. Les collaborateurs font plus attention les uns aux autres. Enfin, les équipes sont proactives pour améliorer le quotidien des travailleurs handicapés.

Avant, chez Mediapost, c'est la médecine du travail qui proposait un aménagement des postes spécifiques. Aujourd'hui, ce sont les salariés eux-mêmes qui suggèrent des solutions.

 
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