La fin du harcèlement téléphonique est-elle imminente ?
Le démarchage téléphonique, véritable fléau pour de nombreux consommateurs, pourrait bientôt connaître un tournant. Une nouvelle loi impose désormais l'obtention d'un consentement explicite avant tout appel commercial. Cette mesure, qui s'inscrit dans un contexte de protection accrue de la vie privée, marque une étape importante dans la lutte contre les sollicitations abusives. Mais suffira-t-elle à mettre fin à ce phénomène ?
Qui n'a jamais été sollicité au téléphone pour savoir s'il est concerné par les aides de l'État sur les dispositifs énergétiques et / ou autres questions sur le CPF (Compte Personnel Formation) ? Vrais appels ou pire frauduleux, ce démarchage téléphonique a le don d'exaspérer, pour ne pas dire plus, surtout si les appels sont répétés plusieurs fois par semaine. « Des appels qui touchent tout le monde et dont on a l'impression qu'ils ne diminuent pas », constate Julien Rio, Vice-Président Associé de RingCentral. Pourtant, les pouvoirs publics se penchent, à intervalles réguliers, sur la question... pour des résultats non concluants à ce jour.
La loi, avant l'arrivée de la nouvelle... loi
Même si elles sont complexes, des règles existent pour contrer le démarchage téléphonique. Sur le plan des horaires d'une part. Les entreprises ont le droit d'appeler les consommateurs, du lundi au vendredi entre 10 et 13 heures, puis de 14 à 20 heures, week-ends et les jours fériés exclus, à l'exception des personnes qui ont explicitement accepté, lors de la souscription à un service, de recevoir certains appels.
Des interdictions sur l'amplitude d'autre part. Un professionnel ne peut pas contacter une personne plus de quatre fois, dans un délai de 30 jours calendaire. « Dans le même sens, il est exclu de rappeler une personne déjà contactée et qui a exprimé un refus pendant une période de 60 jours », rajoute Julien Rio.
En outre, des interdictions "technologiques" viennent se rajouter au dispositif. Ainsi, l'utilisation des 06 et des 07 sont interdits... même si dans les faits, l'usage de ces numéros est beaucoup trop fréquent.
Plus complexe, la régulation puisque les entreprises doivent en effet vérifier que l'appelant n'est pas référencé sur le fichier du gouvernement (le FMI) synonyme de "liste rouge" apparue il y a 30 ans et remise à jour plus ou moins régulièrement. Enfin, des pénalités (sous forme d'amendes) sont censées s'appliquer si les règles ont été bafouées.
Les décrets de mars et novembre 2024
Les pouvoirs publics ont souhaité renforcer la protection des consommateurs au 1er mars 2023, en encadrant la fréquence, les jours et les horaires du démarchage légal par les entreprises et leurs centres de contacts. L'objectif ? Renforcer la protection de la vie privée tout en limitant les abus de ce dispositif.
Une étape supplémentaire a été atteinte le 14 novembre 2024, avec une proposition de loi (à l'initiative du Pierre-Jean Verzelen, sénateur de l'Aisne) votée pour interdire le démarchage téléphonique si le consommateur n'a pas donné son consentement au préalable. « En fait, on passe d'un mode "opt-out" à un mode "opt-in". Dans le premier cas, on part du principe que si les gens ne se sont pas désinscrits, c'est qu'ils acceptent d'être contactés. Pour le mode opt-in, si la personne n'a pas dit explicitement qu'elle souhaitait être contactée, elle n'est pas censée être appelée », constate Julien Rio. Peu ou prou ce qui s'est passé avec l'emailing dans le cadre plus global de la RGPD, avec toute la complexité que cela induit.
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D'autres mesures restrictives ont également été adoptées, comme la réduction de la fréquence et des horaires d'appels autorisés pour le démarchage (du lundi au vendredi de 8h00 à 13h00, hors week-end, hors jour férié), ou encore le renforcement des sanctions pour des faits d'abus de faiblesse commis dans le cadre de cette pratique.
Une nouvelle loi pour plus d'efficacité ?
Des mesures sont donc prises pour endiguer les abus et les fraudes liés au démarchage téléphonique. Des mesures qui risquent d'être perçues comme des rustines face à l'ampleur du phénomène. « Quand bien même ces nouvelles règles vont dans le bon sens, elles ne règlent pas le fond du problème : elles ne sont pas simples ni suffisamment transparentes. Mais le hic, c'est qu'il y a très peu d'accompagnement, très peu de pédagogie à la fois, auprès des professionnels mais également des consommateurs », constate Julien Rio.
Par ailleurs, le service "Bloctel" représente à ce jour le seul moyen dont disposent les consommateurs pour limiter / filtrer le démarchage téléphonique. Peu connu et assez complexe à utiliser, ce service mis en place par l'État est loin d'avoir fait ses preuves.
La nouvelle loi sur le démarchage téléphonique représente un progrès significatif dans la protection des consommateurs. Cependant, pour être réellement efficace, elle nécessite un accompagnement renforcé : simplification des procédures, sensibilisation du public et surtout, une application rigoureuse des sanctions. Il reste à voir si cette législation parviendra à offrir aux consommateurs la tranquillité attendue ou si les appels intrusifs, non sollicités, voire frauduleux, sont encore promis à un bel avenir.
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