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[Tribune] Le digital, fossoyeur ou sauveur des programmes de fidélité ?

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[Tribune] Le digital, fossoyeur ou sauveur des programmes de fidélité ?

Plutôt que de banaliser les programmes de fidélisation, autant profiter du digital pour personnaliser la relation avec le client. C'est ce que prône Sabine Maréchal, Head of Strategic Planning chez Cheil France, qui propose plusieurs pistes pour valoriser la fidélisation.

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Les programmes de fidélisation ont dévoyé le sens même du mot fidélité, en particulier sous l'ère digitale. D'abord en se banalisant et en s'alignant tous sur le même modèle transactionnel, les programmes de fidélité ont éloigné le client de ce qu'il était venu chercher : la singularité de traitement dû à son statut de client.

Cette base transactionnelle s'avère souvent mère de toutes les déceptions en matière de " récompenses " ou d'avantages obtenus, mais surtout, la dimension commerciale de ces programmes les a réduits à de simples plans d'activation où le client est conduit à envisager son rapport à la marque ou à l'enseigne sous un angle totalement opportuniste.

Faire pencher le client vers telle ou telle offre promotionnelle n'a jamais été synonyme de fidélité, d'attachement ou de préférence de marque. Au contraire, ce type de programmes de fidélité creuse l'écart entre un client qui redevient un consommateur et une marque qui n'est plus qu'un distributeur de produits ou services.

Le digital a creusé l'écart entre marques et clients

Avec l'arrivée du digital et notamment de l'e-mailing, l'écart s'est encore creusé entre des clients sur-sollicités et des marques " promo intensives ". Alors que ce canal offre des possibilités toujours plus grandes surtout avec le big data, les marques ont accentué leur entreprise de déshumanisation du contact et d'uniformisation des contenus supposés fidélisants avec ceux adressés à tous les prospects.

Il faut inverser la logique d'urgence dans une ère où la préférence de marque est vitale pour les entreprises, fortement mises à mal par un contexte économique et concurrentiel toujours plus âpre. Plutôt que d'utiliser le digital en le dévoyant comme un outil de masse, il faut plutôt en faire l'atout majeur de reconquête de clients blasés qui ne croient plus aux promesses de " privilèges " mais ont pourtant des attentes accrues envers les marques.

  • 51% estiment que les offres ne correspondent pas à leurs attentes*
  • 54% estiment recevoir trop d'offres de l'expéditeur*
  • 41% estiment que les offres se ressemblent les unes des autres*

Règle N°1 : Redéfinir la récompense

Faut-il bannir les programmes fondés sur la récompense, les points ou encore la collecte directe d'euros très en vogue en ce moment ? Non bien sûr. Mais agiter une carotte financière de manière permanente au nez des clients ne les rendra pas plus fidèles à terme.

Par exemple, Nike Mexico lie la récompense aux efforts de ses clients en transformant les kilomètres parcourus avec des équipements Nike+ ou suivis par l'application Running+, en " monnaie " pour acheter des produits Nike aux enchères sur Facebook.

Il faut d'abord assurer aux clients une vraie satisfaction à entrer dans un programme en récompensant fortement leur arrivée (ce qui permettra du coup de les inciter à y entrer). Contrairement aux idées reçues, c'est bien aux premiers moments de la relation que le " retour " doit être le plus fort. Toutes les études le montrent, le taux d'attachement et de recommandation à la marque est le plus fort dans les premières semaines et mois suivants l'achat, il faiblit ensuite à mesure que le temps passe.

C'est la satisfaction d'un client à entrer dans un programme qui doit sceller le sens de ce programme, pour avoir une chance d'assurer sa réussite.

Règle n°2 : Développer la dimension relationnelle d'un programme de fidélité

Le relationnel est un pilier essentiel d'un programme de fidélité qui doit être basé sur un (des) émetteur(s) et un client récepteur, le plus loin possible des e-mails standardisés qui encombrent nos boîtes mails. Cela suppose une vraie réflexion sur les porteurs de message dans l'entreprise en fonction des sujets, de leur incarnation (nom, signature, photo, contact, etc.) dans les messages, de leur capacité à répondre (quoi de plus insensé quand on y pense que le fameux " do not reply " des e-mails sensés travailler la relation ?), et bien sur la data : du simple trigger marketing (souhaiter l'anniversaire de son client, etc.) jusqu'aux messages personnalisés en fonction de ses comportements.

Certaines marques commencent à le comprendre. On voit ainsi fleurir des initiatives louables comme des e-mails qui interrogent les clients absents du site ou du point de vente depuis trop longtemps sous l'angle de la remise en cause : " qu'avons-nous fait pour ne plus vous plaire ? ". On voit ici l'inversion de logique face à toutes les entreprises qui s'empressent d'augmenter la pression d'envois dès que vous ouvrez moins les messages précédents.

Autre exemple : EAT24 aux États-Unis qui, contrant le fameux " do not reply ", s'adresse à ses clients avec humour et spontanéité, et leur ouvre la possibilité de répondre aux e-mails afin de créer un dialogue très personnalisé. La charte d'engagement est " 24/7 Live chat support, no robots, promise ". En conséquence, il y a 1,75 fois plus d'installation de l'application et un taux d'ouverture de mails doublés (de 20 à 40%).

Redonner du sens au mot " exclusif " ou " privilégié " passe d'abord par la capacité à personnaliser les émetteurs et les messages, ce que le digital permet très facilement.

Règle N°3 : Le contenu est clé

Pour prétendre développer la préférence de marque, encore faut-il délivrer des raisons de le faire, or combien de marques communiquent sur leur histoire, leur savoir-faire, leurs valeurs auprès de leurs clients ? Peu et très rarement... C'est pourtant en cela que le contenu peut aider les marques à construire leur différence et devenir plus forte face aux concurrents, MDD ou autres discounters.

Le contenu de marque permet de tisser un lien fort avec son client, quand il est ainsi adressé (en one-to-one). Ensuite, parce qu'il s'appuie sur la sphère affective : plongée dans le passé, réassurance sur l'innovation, sur la durabilité, sur les spécificités (organoleptiques, technologiques...).

Aujourd'hui, le numérique offre une large palette de possibilités pour valoriser ce contenu, notamment à travers la vidéo, chapitrée, interactive, tactile (sur écrans), etc.

Règle N°4 : Money can't buy, la nouvelle règle

Pour répondre complètement aux attentes de clients déçus et devenus encore plus exigeants face aux marques, ces dernières ne peuvent plus se contenter de récompenses communes. Elles doivent déployer une gamme de propositions " money can't buy ", en fonction de la segmentation de leur base. C'est pour ça qu'un client entre dans un programme : c'est la croyance sous-jacente de toute fidélité donnée à une marque. L'accès à des choses que les autres n'ont pas, l'accès à des choses que personne ne peut s'offrir en temps normal.

On parle ici d'évènements, de places réservées, de personal shopper, de coaching, de backstage, etc. 47% des Français souhaitent être récompensés par des invitations à des évènements exclusifs et 46% par des preuves d'attention à des dates qui comptent pour eux (Generix groupe 2015). Et pourquoi pas payantes ? Ou en tout cas, en co-financement, comme les invitations à des dégustations de l'enseigne Nicolas au sein de lieux prestigieux.

Pour aller plus loin et montrer à ses clients que la marque comprend son époque, elle peut aller vers d'autres types de propositions : pourquoi pas du crowdfunding autour de projets de marques ? Du développement de services ou de plateformes CtoC autour de la marque (réseau de prêt, de revente, d'entraide, de conseils, etc.) comme le nouveau service de prêt d'outils de Franprix ? Toutes ces initiatives montrent que la fidélité s'acquiert aujourd'hui complètement différemment d'hier et que le digital, bien utilisé, peut en être la pierre angulaire, en permettant à la fois l'accès, le management et la diffusion de ces contenus.

Règle N° 5 : Be serviciel or not be

Le rôle de la marque fidélisante n'est plus seulement de faire découvrir son patrimoine, sa vision et ses produits mais bien d'offrir des services à ses clients. Cette nouvelle vision du rôle et du contenu d'un programme de fidélisation centrée autour de la distinction du client par le service, et non par l'offre, remet en cause les modèles existants et marque le passage d'une économie de la fidélisation fondée sur la récompense à une économie de l'expérience fondée sur la différenciation concurrentielle et la trace laissée, d'abord émotionnelle, chez le client.

Dans ce cadre, le digital aussi est clé. D'abord dans sa dimension cross-canal pour permettre à un client d'être reconnu comme tel à chaque étape de son parcours : le succès du click and collect en est une autre démonstration éclatante. Darty l'a bien compris en incarnant son sens du service dans son fameux " bouton " rouge, qui s'avère d'ailleurs payant. Demain, l'enseigne sera-t-elle d'abord celle de l'accompagnement dans le secteur des biens électroniques plutôt que d'abord le distributeur de ces mêmes biens ? Pourrait-on voir des click and collect Amazon chez Darty comme il y en a aujourd'hui chez le concurrent anglais de la Fnac, partant du principe que l'on vient dans une enseigne physique (et surtout que l'on y revient) pour d'autres raisons que le produit ?

Sans aller jusqu'aux évolutions de business model, la fidélisation client doit aujourd'hui être refondée sur un modèle serviciel pour prétendre obtenir des résultats. Aussi, l'après-vente, les formations à l'usage ou encore la maintenance sont autant de services qui doivent être développés prioritairement en ligne, mais pas seulement si possible. Ils doivent faire partie intégrante des contenus d'un programme de fidélisation et être valorisés dès l'amont de la communication.

*UDA/etude SNCD-octobre 2015

L'auteur :

Diplômée en Lettres Modernes et Communication, Sabine Maréchal travaille depuis 20 ans sur les stratégies d'image et d'engagement des marques en BtoC et BtoB. Directrice du planning stratégique chez Cheil France depuis 2014, elle travaille plus particulièrement sur l'innovation stratégique au service de la communication.

 
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