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Situation de crise : quand la relation client perd ses repères

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Pour faire face à un événement imprévu, entreprises et collectivités imaginent et affinent des plans d'action. Elles cherchent non seulement à protéger leur réputation et leur crédibilité, mais aussi à apporter les solutions les plus adaptées.

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Pollution environnementale retours produits attitude de défiance vis-à-vis de la morale problèmes informatiques grève sur un site accident d'un dirigeant crash aérien... Les motifs de crise affectant les entreprises les associations ou les collectivités sont non seulement nombreux mais aussi parfois imprévisibles. Pour autant la plupart de ces organisations risquent bien souvent de se trouver confrontées au jugement de l'opinion et mieux vaut alors anticiper certains scénarios - les plus envisageables en fonction d'un écosystème donné - plutôt que de devoir improviser. Stéphane Billiet président de Hill & Knowlton Paris va jusqu'à comparer l'exercice de gestion de crise au parcours d'obstacles qu'un cheval doit affronter : «Lorsque l'obstacle est bien abordé, que le nombre de foulées est le bon, que le cavalier se trouve en équilibre, que l'animal est bien engagé, la barre ce n'est rien, et le duo retombe sur le bon pied !»

@ Illustration: Fotolia - Sanyal

@ Illustration: Fotolia - Sanyal

Pour bien se préparer à l'apparition d'une crise, l'organisation se doit d'identifier les risques et de les regrouper. «Après le Tsunami en 2004, les entreprises ont réalisé à quel point la gestion de crise est un vrai sujet», constate Laurent Duc, directeur commercial de Jet Multimedia France. Dans certaines sociétés plus précautionneuses que d'autres, un risk manager se charge, à plein temps, de réaliser la cartographie des risques et de développer sa connaissance des facteurs pouvant conduire à l'interruption de l'activité. Tous les acteurs mobilisables en temps de crise sont alors invités à «réfléchir sur les différentes typologies de crise pouvant survenir. Et à proposer des solutions plus ou moins sophistiquées pour y répondre», explique Denis Akriche, président d'Armatis. Une fois toutes les possibilités identifiées, des plans de continuité sont élaborés et des dispositifs de gestion de la crise définis. Parfois, détecter des failles, des signaux annonciateurs de difficultés aide à mieux gérer la crise, mais ils peuvent aussi servir à contourner les problèmes avant qu'ils ne surviennent. «Tous les acteurs de l'entreprise doivent rester mobilisés pour identifier les signaux annonciateurs, y compris les signaux faibles. Il s'agit d'anticiper, de détecter l'ensemble des indicateurs», précise Tea de Pesloüan, directeur du département affaires publiques et communication de crise de Burson Marsteller Paris. Du pôle qualité en passant par le service clients, sans oublier les commerciaux, chacun est invité à se montrer vigilant. Ceci demande un effort constant et de plus en plus intense. En effet, les nouvelles technologies rendent les sociétés fortement exposées. Internet devient un moyen de communication mobilisable à tout moment et, surtout, par «le commun des mortels». Les informations transitent parfois sur le Web sans vérification préalable. Les organisations sont donc poussées à se livrer à une nouvelle lecture des risques à la lumière du contexte.

@ Illustration: Fotolia - Sanyal

Denis Akriche (Armatis) :

«Les solutions sont plus ou moins «luxueuses» en fonction de l'entreprise, de sa volonté de se couvrir et de disposer d'un effectif à la pointe.»

Prendre ses responsabilités

De plus en plus de groupes possèdent la maîtrise des risques industriels. En revanche, ils ont davantage de mal à encadrer les facteurs externes. Et notamment le regard de la société. «Aujourd'hui, on juge beaucoup moins les entreprises sur leur production que sur leur comportement. Si certaines choses sont acceptables à un moment donné, elles ne le sont pas forcément à un autre. Le lieu et le contexte ont aussi un rôle à jouer», souligne Stéphane Billiet. Les sociétés vivent dans un écosystème à un instant donné. Les sujets polémiques sont en lien avec cette notion de contexte. L'environnement, le stress au travail, le harcèlement, le pouvoir d'achat... sont des exemples de points sur lesquels l'opinion pourrait se mobiliser si une crise se déclarait dans les mois à venir. En ce sens, travailler sur l'éthique, la responsabilité sociale ou encore la gouvernance aidera les entreprises à s'éviter des troubles inutiles.

Le respect des dispositions légales ne suffit pas toujours. La morale a parfois plus de poids, dans la mesure où la société est souvent en avance sur la loi. De plus, les convictions ont évolué. «On attend beaucoup de l'entreprise comme acteur quasi politique parce que le poids de l'économie est tel qu'il a un effet sur la vie de la société.

Plus qu'avant où elle ne se trouvait que dans le champ économique et social, aujourd'hui, elle intervient beaucoup plus dans le champ politique», ajoute Stéphane Billiet. En conséquence, l'opinion fait figure d'enjeu de valeur et doit relever du comité exécutif ou du président.

Et puis, la pertinence de la réaction de l'organisme dépend de son vécu. Ses expériences passées ont pu lui révéler la conduite à adopter. Sinon, les simulations s'avèrent également un exercice préparatoire riche en enseignements. Non seulement elles favorisent l'apprentissage des nouveaux collaborateurs, mais elles contribuent aussi à mettre en situation les équipes et à bien former les experts.

Malgré les efforts déployés pour pointer les situations pouvant dégénérer en crise, toutes ne sont pas évitables. Et, lorsque le processus est enclenché, la seule démarche payante consiste à prendre ses responsabilités. Dans un premier temps, l'organisation se charge d'apprécier la situation. Ensuite, elle n'a pas d'autre choix que de réagir et de communiquer. Les non-dits et la prise de distance sont plutôt mal perçus par l'opinion.

Pour être irréprochable, l'humilité, la transparence et l'empathie sont des attitudes à adopter. «Chaque entreprise réfléchit à la meilleure organisation pour atteindre ses objectifs. Mais les délais sont courts et il convient de réagir rapidement», avance Samuel Slimani, directeur du site parisien d'Acticall. L'analyse du contexte est souvent réalisée par une cellule de crise. Cette dernière peut comprendre des informaticiens, des commerciaux, le directeur financier, des juristes, etc. Leur coordination et la définition des tâches assignées à chacun sont un gage de réussite de l'opération.

@ Illustration: Fotolia - Sanyal

@ Illustration: Fotolia - Sanyal Marc Bernard

Quant aux messages, il existe différentes manières de les faire passer. Un communiqué adressé aux médias, une intervention télévisée, un encart dans la presse, l'envoi de SMS, de messages vocaux, la mise à disposition d'un numéro d'appel... «Les moyens d'alerte ont sensiblement évolué. Depuis 2006, on prévient massivement par SMS. La diffusion de messages a une grande efficacité», intervient Laurent Duc. Le canal dépend aussi fortement de la population visée.

Des téléconseillers formés en amont

Souvent, le service clients, qu'il soit en interne ou outsourcé, est mobilisé et joue un rôle dans le dispositif de crise. «Notre mission consiste à diffuser un message d'information, de compassion, à orienter ou encore à canaliser les demandes. Les renseignements que nous sommes chargés de communiquer sont définis et notre intervention encadrée. La responsabilité est lourde dans la mesure où l'on communique auprès d'une cible définie dans un contexte pas toujours favorable et même quelquefois anxiogène», explique Samuel Slimani. Des propos complétés par Denis Akriche : «Les solutions choisies en amont sont plus ou moins «luxueuses» en fonction de l'entreprise, de sa volonté de se couvrir et de disposer d'un effectif à la pointe. Souvent, ces éléments figurent dans le cahier des charges des appels d'offres.»

Malgré le contexte difficile, bien souvent les téléconseillers sont formés en amont à ce type d'événement. «Les modules de gestion des appels difficiles préparent les équipes. On apprend aux agents à identifier les mécanismes déclencheurs de stress, à gérer les émotions et à apporter des solutions concrètes. Plus que jamais en situation de crise, ils doivent avoir une écoute attentive et active», estime Philippe Riveron, président de Learning CRM.

En outre, pour avertir une population identifiée, la précision des bases de données compte beaucoup. Au final, tenir les clients, les adhérents... au fait des évolutions d'un événement donné permet de déterminer leurs attentes et d'y apporter une réponse. La crédibilité de l'organisation est en jeu. «Une crise peut potentiellement devenir destructrice de valeur. En effet, elle peut porter atteinte au fonctionnement et à la réputation d'une société», précise Stéphane Billiet. Et, pour lui, il apparaît clairement que «les entreprises qui sont «branchées» avec leur environnement s'en sortent mieux». Une fois le fond et la forme des informations déterminés, l'organisation choisit la meilleure personne pour les délivrer. En France, cette tâche revient souvent à des opérationnels.

Au final, les entreprises dont le comportement en temps de crise a été jugé exemplaire en sortent grandies. On les crédite d'une bonne capacité à gérer les événements, à être à la hauteur des attentes. L'événement contribue à resserrer les liens entre la marque et ses clients et à renforcer le contrat de confiance qui les unit. En outre, pour certaines organisations, la crise pousse à la conduite du changement. «Pour celles qui tardent à se réformer, à entendre ce que la société, les consommateurs, les parties prenantes lui adressent comme message, la présence de contre-pouvoirs les oblige à évoluer», précise Stéphane Billiet.

Savoir se remettre en question

Une fois la période difficile passée, les débriefs permettent de tirer des enseignements à la fois sur le contexte ayant conduit à cet épisode et aussi sur les process n'ayant pas fonctionné correctement durant la crise. Cette remise en question assure d'améliorer le dispositif de gestion de crise et de l'enrichir de l'expérience. «On est amené à faire le bilan, pour ajuster le tir, on est dans une logique d'amélioration continue», prévient Samuel Slimani.

En parallèle, les organisations doivent tenter d'évaluer les effets de la perturbation. Ces derniers sont susceptibles de fragiliser la réputation de l'entreprise, de nuire à son chiffre d'affaires, de mettre en péril son fonctionnement interne. De plus, l'impact n'est pas toujours immédiat et ses répercussions peuvent intervenir à retardement. Et, lorsque l'entreprise a le sentiment d'avoir déçu, elle a tout intérêt à se mobiliser pour reconquérir l'opinion.

 
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Géraldine CAILLET-BERNARD

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