L'automatisation en quête de reconnaissance
Tiraillées entre la satisfaction de leurs clients et la limitation des coûts opérationnels, les entreprises recourent de plus en plus à l'automatisation. Une tendance qui ne fait pas l'unanimité auprès des consommateurs, malgré de réelles avancées technologiques.
Je m'abonneA 81%, les consommateurs ont le sentiment que les entreprises les poussent à utiliser des systèmes en self-service, plutôt que d'avoir affaire à un téléconseiller. C'est du moins ce que révèle une enquête menée en 2007 par Genesys auprès de 221 Français. Force est alors de constater que l'effort d'automatisation de la relation client généré par les sociétés n'est pas sans effet sur les sondés. D'ailleurs, la même étude souligne qu'ils sont 92% à réagir négativement lorsqu'ils sont contraints de «dialoguer» avec une machine. Lors de la dernière décennie, la réduction des coûts opérationnels s'est traduite par la délocalisation de certaines missions dédiées au service clients, surtout dans les pays du Maghreb. Aujourd'hui, ce modèle semble avoir trouvé ses limites, laissant la place à une autre stratégie. Désormais, les entreprises sont à l'affût de technologies en mesure d'améliorer (ou en tout cas de préserver), à la fois la qualité du contact avec le consommateur mais aussi la productivité.
L'accueil est bien un point que l'utilisation de procédés automatiques a perfectionné. Auparavant, rien n'indiquait que le service clients n'était pas joignable. Et en dehors des heures d'ouverture, aucune information de quelque ordre que ce soit ne pouvait être consultée. «Les serveurs vocaux ont le mérite de proposer quelque chose, de déclencher des scripts», explique Christian Rebiffé, responsable avant-ventes Europe du Sud pour Aspect Software.
Les premiers pas de l'automatisation se sont matérialisés par le déploiement d'ACD (Automatic Call Distribution) et par leur pénétration dans bon nombre de centres d'appels. En effet, ce mode de distribution a contribué à générer des procédures de routage. «Il a permis de mettre en place une organisation productive et industrielle pour répondre aux clients», souligne Laurent Deslandres, président et fondateur de Nexstage. «Grâce à l'ACD, des éléments simples comme l'indication d'un temps d'attente ou d'une position dans la file sont susceptibles d 'être communiqués. Ces informations ont de l'importance pour le consommateur, dont le temps est devenu précieux», précise Christian Rebiffé.
Christian Rebiffé (Aspect Software):
«La technologie cache parfois la difficulté à mettre en place un système de qualité.»
Mieux qualifier et mieux router pour plus de qualité
Ainsi, l'évolution des outils a-t-elle favorisé un traitement optimisé des appels et un routage vers la compétence la plus appropriée en termes de langue, de pays ou région de provenance de l'appel, de niveau de client, de suivi de dossier... En outre, les files d'attente sont mieux gérées. Et tout ceci de manière transparente pour l'utilisateur. De fait, la question de la pertinence de leur utilisation ne se pose pas. Il en va de même pour le CTI (Couplage Téléphonie Informatique). En effet, la remontée de fiches participe au traitement efficace des appels. Le conseiller peut consulter l'historique de la relation. Il dispose alors d'une meilleure connaissance de ses interlocuteurs et de leurs motivations.
En appels sortants, le prédictif a joué un rôle dans la vague d'automatisation. Grâce à lui, le conseiller n'a plus besoin de numéroter. En effet, la machine le fait pour lui. Là encore, la personne au bout du fil ne se trouve pas impactée par l'automatisation.
Par la suite, les machines se sont substituées à certaines interventions humaines basiques pour la communication d'informations. Les serveurs vocaux en DTMF sont alors apparus. Les renseignements basiques, la qualification des appels ou plus simplement l'accueil ont vu leur gestion confiée à des automates. «Les SVI ont favorisé la consultation d'informations supplémentaires et amélioré l'amplitude horaire d'accessibilité à certains services», atteste Gil Monin, sales director chez Vocalcom. Certains consommateurs ont saisi la praticité de ces systèmes et la rapidité avec laquelle il devient possible de trouver des éléments. La frustration de l'appelant liée à la découverte d'un message divulguant uniquement des horaires d'ouverture s'est réduite. Pourtant, une frange de la population s'est insurgée contre ces pratiques et ne supporte pas vraiment l'idée de communiquer avec une machine.
Pour les spécialistes du service clients, l'automatisation est une aubaine. Elle contribue à réduire le nombre de tâches sans valeur ajoutée confiées aux agents. Ces derniers sont désormais invités à prendre plus de responsabilités, à gérer des problématiques complexes et à monter en compétences. «Certes, l'automatisation s'inscrit dans une démarche de réduction des coûts. Mais il faut l'utiliser essentiellement sur les axes de gestion sans valeur ajoutée pour le client», estime François-Xavier Leroux, manager de l'activité communication, média et technologie chez Ineum Consulting. Au final, il s'agit de mieux répartir les coûts et de concentrer les efforts et les ressources sur les interventions apportant une valeur. «Aujourd'hui, on cherche la performance sur deux niveaux: la productivité et la satisfaction. Il faut trouver le bon équilibre entre ces paramètres, indique Anne Lacouberie, responsable marketing et offres de la division contact client de Prosodie. On peut désormais avoir un beau service clients avec une productivité riche, lisser les pics en proposant de rappeler les clients et aller à l'essentiel en qualifiant les appels.»
La plus ou moins grande importance des appels n'est pas le seul déterminant de l'automatisation. En effet, la segmentation s'effectue parfois en fonction des motifs. «Four les informations objectives et binaires, l'automatisation se justifie parfaitement», commente Claudine Cherfan, Country Manager chez Genesys France. Il est aussi possible de consacrer l'automatisation à certaines catégories de clients jugées «peu rentables». Elle devient alors un moyen de différenciation. Ce cas précis implique une bonne segmentation de la base de données.
Et, lorsque l'automatisation vise essentiellement l'acheminement des flux vers l'agent le plus compétent disponible, sa demande devient plus aisée à satisfaire. «Grâce à une meilleure qualification des appels, les conseillers s'avèrent beaucoup plus efficaces une fois en ligne», intervient Anne Lacouberie. Dans l'identification des possibilités d'automatisation, les banques ont été pionnières. La plupart des secteurs, y compris le secteur public, leur ont emboîté le pas. «Les acteurs ont dans un premier temps automatisé la partie métier et se sont ensuite focalisés sur l'applicatif», précise Gil Monin. Ils ont alors tenté de déterminer les services à apporter avant, pendant et après l'acte d'achat.
Les gains liés à l'automatisation ne sont pas négligeables, surtout dans un monde toujours plus concurrentiel. Il est communément admis que le CTI permet de gagner entre 10 et 20 secondes sur un appel. «En ce qui concerne le serveur vocal interactif, il s'avère dix fois moins onéreux que la communication avec un opérateur», poursuit Claudine Cherfan. Et les logiciels de traitement des e-mails assurent de gagner au moins 20% en productivité. Autant dire que toutes les technologies dévolues à une meilleure automatisation disposent de retours sur investissement très positifs. Malgré les convictions des éditeurs de solutions, «les projets d'automatisation permettent rarement une diminution automatique du nombre d'équivalent temps plein (ETP)», déplore Laurent Deslandres. Au final, les ressources humaines sont affectées à de nouvelles missions et assurent souvent aux services clients de gagner en qualité. Les avantages associés à l'automatisation ne concernent pas uniquement les professionnels de la relation client. En effet, le self-service trouve progressivement ses adeptes. Les consommateurs apprécient de gérer leurs interactions, de prendre la main.
François-Xavier Leroux (Ineum Consulting):
«Certes, l'automatisation s'inscrit dans une démarche de réduction des coûts. Mais il faut l'utiliser essentiellement sur les axes de gestion sans valeur ajoutée pour le client.»
Nouveaux enjeux pour l'automatisation
Si, depuis longtemps, le routage est de mise, le petit monde de l'automatisation a connu des évolutions récentes. La principale concerne les serveurs vocaux. Ces derniers se sont transformés sous l'effet de l'arrivée sur le marché de la reconnaissance vocale et de la synthèse de la parole. «Aujourd'hui, quatre clients sur cinq évoquent la possibilité de recourir à de la reconnaissance vocale dans leur cahier des charges, contre un sur cinq il y a quatre ans», indique Anne Lacouberie. L'évolution des technologies vocales simplifie l'utilisation des serveurs pour les consommateurs. En effet, ceux-ci peuvent s'exprimer librement, construire des phrases. En somme, communiquer avec une machine comme ils le feraient avec un conseiller. La démarche est alors beaucoup plus intuitive. En outre, la suppression des organisations en silos fermés a permis d'aller dans le même sens et de simplifier l'expérience du consommateur. «Les portails vocaux [de nouvelle génération, NDLR] assurent de disposer d'un point d'entrée unique sur l'ensemble des applicatifs self-service. Il existe alors une porosité entre l'automatisation et l'intervention humaine laissant la possibilité de passer de l'une à l'autre forme d'interaction», explicite Claudine Cherfan.
Autre tendance: la connexion des technologies. Le prédictif peut se coupler à un serveur vocal pour relayer des informations. Les outils de reconnaissance vocale et le CRM peuvent communiquer pour donner plus de pertinence au portail proposé.
De plus, l'automatisation a évolué parallèlement aux transformations de la relation client et surtout au caractère multicanal des stratégies d'entreprise. L'avènement d'Internet a largement plaidé en faveur d'une plus importante automatisation. Les sites ont généré une série de questions et le centre de contacts a joué un rôle de support dans le but de fluidifier le parcours de l'internaute. Puis, progressivement, dans une nouvelle logique de traitement, le mail est devenu un outil de relation entre le client et les enseignes. Si ces dernières apprécient de pouvoir gérer des contacts en asynchrone, elles n'ont pas toujours mesuré la difficulté de traiter des demandes par écrit. Des outils dédiés ont vu le jour pour faciliter la tâche des conseillers et leur permettre de répondre efficacement et rapidement. Ils se sont focalisés sur l'acheminement avant de s'intéresser au contenu. Il est possible de traiter sept e-mails par heure avec Outlook, contre 25 avec un outil comme Eptica. «Les solutions de gestion des courriers entrants offrent la possibilité de lancer automatiquement des modèles de réponses prédéfinies. Elles permettent de trouver dans la base de connaissances les éléments pertinents», explique Olivier Njamfa, président et CEO d'Eptica. Enfin, le Web assure au consommateur de trouver en self-service sur l'interface les mêmes renseignements qu'au téléphone. Pour le client, le gain de temps s'avère évident. Et il apprécie de gagner en autonomie.
Un accueil plus personnalisé
2008 devrait marquer un tournant dans l'utilisation des outils d'automatisation. Ces derniers vont vraisemblablement servir à rendre l'accueil et la communication avec les clients plus personnalisés. «L'automatisation contribue à favoriser l'adoption d'un marketing one-toone», explique Anne Lacouberie.
Toujours dans l'optique de mieux servir le client, l'automatisation encourage la mise en place d'enquêtes de satisfaction. Non seulement l'appelant apprécie cette démarche - 70% des consommateurs donnent un feedback lorsqu'ils le peuvent via des enquêtes de suivi d'appels (Aspect Index Europe 2008) - mais les entreprises également, puisqu'elle ne mobilise pas de ressources et assure de connaître le point de vue, les attentes et regrets des clients.
Le champ de l'automatisation grandit progressivement, mais change de nature. Il devient fortement lié au contact humain. Dans le même temps, on constate que la machine gère des problématiques toujours plus complexes: prise de commande, support produit... Et surtout prend en charge certaines questions qui ne se posaient pas auparavant.
Malgré tout, les entreprises doivent rester vigilantes et contrôler parfaitement les avancées de l'automatisation. «La technologie cache parfois la difficulté à mettre en place un système de qualité», intervient Christian Rebiffé. Et s'il existe une contrainte au déploiement d'automates, c'est bien le fait que ces derniers sont en mesure de fournir un service de qualité aux appelants. Pour ce faire, il est nécessaire de développer une réflexion approfondie.
Ensuite, toujours dans l'optique d'offrir le meilleur service aux clients, les entreprises se doivent de mener un suivi des interactions automatiques, et donc des process. «Il faut faire vivre le système automatique et le garder sous surveillance», insiste Christian Rebiffé. Et de préciser: «Un serveur vocal doit être dynamique. Il s'avère essentiel, par exemple, de regarder les chemins sur lesquels il y a le plus d'abandons.» Le but étant d'effectuer des correctifs et de faciliter le cheminement de l'utilisateur. La définition des scénarios d'appels constitue une étape-clé pour le fonctionnement des systèmes automatisés. Ensuite, les centres de relation client s attachent à mesurer les succès et à revoir les scripts les moins à propos. Dans tous les cas, l'ergonomie doit se conformer aux attentes de l'appelant.
En outre, pour que l'expérience soit positive, il faut laisser au client le choix entre l'automate et l'humain. «L'automatisation est bienvenue si elle ne présente pas un caractère obligatoire et que le client peut aller vers un système assisté», précise Claudine Cherfan.
Des limites subsistent
L'automatisation reste donc avant tout un élément de la stratégie d'entreprise. A ce titre, elle doit correspondre à l'image que cette dernière entend véhiculer. C'est pourquoi la volonté d'offrir un service haut de gamme apparaît comme contradictoire à la mise en place d'automates. De plus, bien souvent, le grand public assimile absence d'intervention humaine et destruction d'emplois. Cet aspect n'est pas négligeable, surtout lorsque l'entreprise a à coeur de témoigner son engagement en faveur de valeurs sociales. Et puis, malgré la visible évolution des mentalités, y compris dans les pays latins, des difficultés et un manque de volonté d'appropriation subsistent. Ce ne sont pas les seuls points négatifs. «L'automatisation à outrance demande une réflexion souvent trop importante en amont», atteste Gil Monin. Le réglage des technologies implique, pour ne pas trop solliciter ni ennuyer les consommateurs, un effort important. Pour le prédictif par exemple, il peut être réglé «trop agressif à cause de problèmes algorithmiques. En France, aucune législation n'encadre ce réglage comme dans les pays anglo-saxons où le taux d'abandon ne doit pas dépasser les 3% et où, à partir du décroché, un maximum de 2 secondes est toléré pour passer un agent. Au final, même si aucune loi ne fixe les limites de l'automatisation, ce sont les entreprises qui se doivent de surveiller et d'adapter leurs outils à leur public.
Il apparaît également que certaines demandes des clients sont antinomiques avec la mise en place d'un automate. D'abord parce que l'humain sait modifier son comportement, s'adapter à une situation, rebondir sur un propos, réfléchir... et, pour l'instant, la machine ne parvient pas encore à l'égaler sur ces points. «Le conseil et la réassurance [ou encore le besoin de réponse s'appliquant à des cas particuliers, NDLR] font partie des éléments ne pouvant être traités que par des agents. Il faut savoir mettre des limites à l'automatisation, trouver un équilibre en fonction de la valeur de la demande et du client», conclut François-Xavier Leroux.
Les objectifs de l'automatisation
- Assurer l'accueil des clients.
- Router efficacement vers la bonne compétence de l'appelant.
- Améliorer la qualification.
- Réaliser des gains opérationnels sur des tâches à faible valeur ajoutée.
- Consulter rapidement des informations.
Automatisation encadrée pour Fnac éveil et jeux
expérience Le sujet de l'automatisation intéresse fortement Fnac éveil et jeux. Même si les projets restent spécifiques, l'enseigne de jouets se tient au courant des possibilités.
Depuis 2005, Fnac éveil et jeux utilise Eptica e-mail management pour router les e-mails du service réclamation. Grâce à l'outil, un meilleur suivi des courriers électroniques a pu être observé et la solution facilite la consultation d'un historique. Par ailleurs, elle permet au conseiller en charge du dossier de récupérer les demandes successives d'un même client. «Grâce à Eptica, les consommateurs sont dirigés vers le bon interlocuteur en termes de compétence», explique Didier Guérin, responsable du service clients de Fnac éveil et jeux. De plus, chaque fois qu'un client rédige un courrier électronique, son compte personnel est créé. Et, dans la mesure du possible, il aura systématiquement le même interlocuteur. Ce système assure de gagner en pertinence dans le traitement des dossiers. Pour Fnac éveil et jeux, l'outil d'Eptica présente plusieurs avantages. En premier lieu, il assure une conservation des messages, et donc l'analyse des problématiques client. Il fournit aussi des statistiques utiles à l'amélioration des processus.
«Néanmoins, nous ne souhaitons pas fournir des réponses automatiques», souligne Didier Guérin. Et de compléter: «Nous restons convaincus de la place centrale de l humain dans la relation client. Ceci constitue avant tout un choix d'entreprise et une volonté de fournir de la qualité. Nous doutons qu'un logiciel puisse être capable de traiter des courriers en prenant en compte toute la subtilité de la langue française.» Seul le routage se trouve intégralement réalisé sans intervention des agents. Néanmoins, ces derniers conservent la possibilité d'accéder à des réponses types grâce à une recherche par sujets.
D'autres problématiques
Côté web self-service, la solution d'Eptica intéresse également Fnac éveil et jeux. Toutefois, un déploiement ne pouvait être envisagé en 2007. En effet, commencer une mise en oeuvre près des fêtes de Noël, période vitale pour l'enseigne, paraissait risqué.
L'automatisation ne constitue pas une fin pour Fnac éveil et jeux. «Les serveurs vocaux, par exemple, n 'ont pas le pouvoir d'une communication avec une personne Certes, ils peuvent être avantageux sur le plan financier pour traiter les volumes Mais ils ne correspondent pas à l'image du service clients que Fnac éveil et jeux veut relayer», assure Didier Guérin. L'automatisation ne vaut pour l'entreprise que lorsqu'elle assure l'amélioration des processus en totale transparence pour le client.
Sur le Web, lisez aussi:
- Technologie vocale: la reconnaissance (Centres d'Appels n° 66, janvier 2007)
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