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L'OUTSOURCING NE CONNAIT PAS LA CRISE

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Malgré une fin d'année 2008 morose, les outsourceurs gardent le sourire. Le contexte économique mondial et national n'a manifestement pas trop marqué leur activité et la crise s'annonce finalement plus comme un moteur que comme un frein à l'externalisation.

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Au cours de l'année 2008, la crise n'a pas eu d'emprise sur l'activité des outsourceurs. Au regard des chiffres du baromètre annuel des outsourceurs réalisé par BearingPoint et le SP2C, la croissance ne semble pas s'altérer, bien au contraire. En 2008, elle s'élevait à 15%, contre 13% en 2007. Cette tendance se vérifie auprès de nombreux prestataires. Satisfaits de leurs résultats, ils ne craignent pas la conjoncture. «Nous avons été élevés à la dure. Notre secteur est déjà habitué à des conditions difficiles avec des contraintes assez fortes», explique Laurent Uberti. Le président du groupe Acticall et du SP2C prévoit encore une croissance à deux chiffres pour 2009.

Externaliser pour réduire les coûts

Structurellement, l'externalisation tend à croître. Les centres externalisés ne représentent pour l'instant que 25% du marché de la relation client. Il reste donc de nombreuses possibilités du côté des annonceurs qui traitent encore la majeure partie de leur service clients en interne. Désormais, quand il s'agit de repenser leur stratégie, ils se posent souvent la question de conserver seulement une partie de leurs activités, car d'un point de vue financier, externaliser revient à réduire considérablement les coûts opérationnels et managériaux. «Dans les grands groupes, avec une politique RH sophistiquée, les salaires sont de 60 à 70% plus élevés que chez les outsourceurs», indique David Targy, directeur d'études chez Precepta La situation est d'autant plus propice à l'externalisation que les prestataires offrent dorénavant une expertise qui était encore faible il y a une dizaine d'années. Par ailleurs, l'ensemble des prestataires prévoient une hausse de la reprise de centres internes et de la gestion de parcs d'abonnés (buy-out). En marge de ces facteurs stratégiques, la démographie devrait avoir une incidence sur la diminution des effectifs en interne. Avec le départ à la retraite de la génération des baby- boomers, des postes créés en externe se substitueraient aux postes vacants dans les centres internalisés. D'un point de vue conjoncturel, faire appel à un prestataire se révèle être la solution la plus efficace pour réduire les coûts à court terme. «Les dormeurs d'ordres font face à un problème. Auparavant, on leur demandait de faire 5% d'économie. Aujourd'hui, ils doivent en réaliser 30% directement», constate Fabrice Marque, partner management consulting chez Accenture. En outre, certains annonceurs n'ayant jamais fait appel à l'externalisation s'engagent directement en off-shore pour une meilleure efficacité. «Par besoin d'économie immédiate, certaines entreprises ne passent plus parla case France», ajoute Fabrice Marque. Mais, pour Laurent Uberti, c'est une erreur de penser qu'en un coup de baguette magique, les entreprises observeront un résultat immédiat: «Externaliser représente un coût au départ. Le modèle devient réellement vertueux au bout de deux ans. C'est quand même un métier de longue haleine

Des secteurs à fort potentiel

Le marché se retrouve donc face à un fort potentiel de développement, notamment grâce aux derniers secteurs qui se sont lancés dans l'externalisation. A l'ouverture du marché de l'énergie en juillet 2007, des opportunités se sont présentées. Des petits nouveaux, comme Direct Energie et Poweo, ont fait, dès le départ, majoritairement le choix de l'externe. Le service clients de GDF, de son côté, s'est trouvé confronté à une hausse des appels. Les consommateurs étaient en demande d'informations sur les conséquences de l'ouverture. En parallèle, l'entreprise devait former l'ensemble de ses conseillers. Pour pallier ce manque d'accessibilité, GDF a fait appel à un prestataire. Pour autant, l'outsourcing ne s'est pas présenté comme un simple renforcement ponctuel des ressources. La plupart des donneurs d'ordres investissent pour une raison spécifique et poursuivent l'externalisation dans une relation à long terme. Ils élargissent d'ailleurs très souvent leur offre de services chez leurs prestataires. Autre prescripteur depuis quelques années, l'Etat externalise de plus en plus ses services d'informations citoyennes. En 2006, déjà, le gouvernement avait délégué le numéro spécial sur la grippe aviaire. Aujourd'hui, c'est au tour du service d'information sur la grippe A d'être externalise, sans compter d'autres numéros permanents comme le 3939 (Allô Service Public), le 3 211 (Services à la personne), Tabac Info Service, Aide Handicap Ecole, etc.

L'attraction de la province

L'enquête BearingPoint/SP2C révèle également que la croissance du chiffre d'affaires en France, autour de 18%, est désormais deux fois plus forte que celle en off-shore (9%). Les activités françaises en 2008 représentent 80% du chiffre d'affaires du secteur. L'offshore arriverait donc à un seuil et l'activité en France poursuivrait son développement, au profit d'ailleurs de la province. En 2007, comme le note Patrice Bégoc, senior manager de BearingPoint, «la décroissance de l'Ile-de-France se faisait plutôt au bénéfice de l'offshore. Alors qu'en 2008, elle se fait davantage au bénéfice de la province.» Pour la première fois en 2008, les effectifs en Ile-de-France ont baissé et 75% des nouveaux emplois ont été créés en province. Pour Eric Dadian, président d'Intra Call Center et de l'AFRC, «Paris n'a jamais eu une très bonne cote. Les loyers sont très élevés et le turnover y est important (30%). A l'inverse, en province, la proximité est un atout, les normes de qualité sont exemplaires et les conditions de travail sont meilleures et ce, grâce aux collectivités locales.» D'ailleurs, de nombreux centres se sont récemment implantés hors de l'Ile-de-France. En début d'année, Acticall a choisi Saint- Etienne et Toul, Phone Marketing s'est installé à Dreux, Help Line à Angers. En juin dernier, Teleperformance a également fait le choix de la province en réduisant ses effectifs dans la région parisienne au profit d'Orléans et de Villeneuve d'Ascq, ville du Nord dans laquelle Data Base Factory a également implanté un de ses centres à la même période.

Jean Régnier (Comearth)

La relation client performante se nourrit de proximité sociétale, sociale et culturelle.

L'off-shore encore controversé

Malgré l'attractivité de ses coûts, la pratique de l'offshore, bien installée dans le paysage aujourd'hui, est arrivée à maturité. Mais les outsourceurs émettent encore des avis divergents. Jean Régnier, p-dg de Comearth, a fait le choix de ne pas externaliser à l'étranger. Il juge «malsain» de détruire des emplois en France au profit de l'off-shore, tout en bénéficiant de subventions françaises. Outre la question d'une certaine éthique, il ajoute que «la relation client performante se nourrit de proximité sociétale, sociale et culturelle».

De son côté,Tanguy de Laubier, président de BlueLink, insiste sur le besoin de proposer de la qualité et de conserver des marges correctes. «Il n'est pas question d'envoyer tout notre business en off-shore car, à ce moment-là, c'est la mort d'une profession et ce n'est pas du tout notre credo. On peut s'appuyer sur l'offshore, mais on se doit de se battre pour la qualité», prévient-il. Chez Webhelp, dont la pratique de l'off-shore représente 75% des activités, «cette stratégie permet d'obtenir des taux horaires 50% inférieurs à ceux pratiqués en France tout en salariant des profils, et de bénéficier d'un meilleur niveau de prestations qu'en France, avec des salariés bac + 4», justifie Frédéric Jousset, coprésident de Webhelp. Hormis l'inévitable attractivité des prix, certains prestataires insistent sur une meilleure considération du métier par les populations étrangères. Perçu comme un travail précaire et intermédiaire dans l'Hexagone, le métier de téléconseiller est considéré à l'étranger, selon Marc Labarre, directeur général de Data Base Factory «comme un métier high-tech, d'avenir et de progression sociale». Cette vision permettrait, entre autres, d'obtenir de la part de ces salariés, beaucoup plus d'investissement et de motivation qu'en France. Chez Teleperformance, il n'y a pas lieu de se défendre sur la pratique de l'off-shore qui représente un complément de l'activité globale plus qu'une substitution aux créations de positions en France. «Lorsque nous avons lancé l'offshore, il y neuf ans, nous avons connu une forte croissance, mais cela ne nous a pas empêché de doubler nos effectifs en France», souligne Jean-François Guillot, président de Teleperformance France. La plupart des prestataires procèdent à un mix entre la France et l'off-shore pour les activités d'une partie de leurs clients. D'ailleurs, pour eux, il paraît inconcevable de ne pas être présents à l'off-shore alors que leurs clients y sont déjà. En réponse à ceux qui remettent en cause la qualité du travail, Jean-François Guillot précise que ce mode de fonctionnement permet d'offrir aux consommateurs une meilleure flexibilité et un niveau de service supérieur à ceux offerts France. De son côté, Oliver Carrot, directeur général adjoint de Teleperformance France, va plus loin en s'interrogeant sur les motivations du client final qui décrie très souvent l'off-shore: «Le consommateur est-il prêt à payer son abonnement internet 25% plus cher pour conserver son service clients en métropole?»

MICHEL GUIDO, directeur de la Mission nationale de la relation client

MICHEL GUIDO, directeur de la Mission nationale de la relation client

3 questions à MICHEL GUIDO

Vous venez de signer, avec l'Etat, un accord-cadre pour la promotion de l'emploi dans le secteur de la relation client. Quels sont les objectifs de cette initiative?
Nous souffrons d'une pénurie de main-d'oeuvre et de compétences. Mais notre secteur est beaucoup plus souple que d'autres. Notre objectif est de structurer le marché pour répondre au besoin des entreprises: mieux recruter lors d'une implantation ou d'un développement. Nous souhaitons également avoir une approche métier pour favoriser le développement des compétences, mais aussi initier un nouveau dialogue social, car les syndicats sont organisés par branche et non pas par activité. J'espère que nous pourrons rattraper l'Allemagne et les pays anglo-saxons, en passant de 250000 à 400 000 emplois. C'est un vrai chantier.


Quelles sont les grandes lignes de ce projet sur trois ans?
Au niveau national, nous prévoyons de renforcer l'observatoire avec un référencement des 3 500 entreprises identifiées pour avoir une visibilité du marché et obtenir une photographie des pratiques RH. En parallèle, un outil de veille permettra de connaître les besoins des entreprises et les tendances du marché, pour ainsi agir et anticiper en réel. L'objectif, à terme, consiste à proposer aux entreprises un guichet unique en région où tout sera pris en charge, pour faciliter le recrutement. Dans les régions, nous prévoyons le développement de la formation professionnelle pour qu'elle débouche sur un emploi avec de vraies compétences. Téléconseiller est un métier à part entière et la formation professionnelle permettra de lui donner une reconnaissance. Nous prévoyons de financer près de 5 300 formations pour un budget de 9 millions d'euros. Les entreprises qui le souhaitent en bénéficieront si elles décident de jouer le jeu, évidemment. Ces formations donneront des perspectives aux salariés et créeront un vrai parcours professionnel pour obtenir, à terme, un turnover maîtrisé.


L'accord-cadre prévoit également de réunir l'ensemble des acteurs de la profession...
L'autre étape importante de notre projet est l'instauration des Assises de la relation client. Elles seront lancées d'ici le premier trimestre 2010. Seront réunis, le temps d'une journée, donneurs d'ordres, prestataires et syndicats en présence du ministre de l'Economie. Nous souhaiterions que les directions générales et les services achats y assistent également, pas seulement les directeurs de la relation client. L'un des objectifs est d'aborder certains sujets sur lesquels tout le monde n'était pas d'accord lors de la signature de l'accord-cadre, tels que les enchères inversées qu'il est inadmissible de pratiquer, car elles agissent sur les salaires. Il y a une attente de résultats et, si nous devons passer par des lois, nous irons jusque-là.

ERIC KLIPFEL, directeur général adjoint service clients et fidélisation de Numericable

ERIC KLIPFEL, directeur général adjoint service clients et fidélisation de Numericable

Le témoignage de ERIC KLIPFEL

«Nos dirigeants ont été plutôt précurseurs sur l'off-shore en 2003. Nous avons 600 conseillers extérieurs qui s'appuient sur nos 100 conseillers experts en interne. Notre stratégie d'intégration de nouveaux clients et de fidélisation se fait à l'off-shore. Celle-ci est aujourd'hui assez solide car il y a un savoir-faire et de l'expérience de la part des conseillers. Nous avons toujours préféré travailler sur le long terme avec nos prestataires. Numericable a vécu des hauts et des bas et ces derniers ont d'ailleurs toujours fait preuve d'une très forte fidélité. Nous avons une grande confiance en eux, car leurs présidents s'impliquent et ont envie de jouer ce challenge avec nous. Nous avons la chance de pouvoir compter sur leur écoute, leur expérience, leur savoir-faire. Ils nous donnent des conseils et nous proposent d'évoluer sur les nouvelles technologies, et cela nous permet d'avancer. Leur réactivité est vraiment louable. De toutes façons, un outsourceur qui ne crée pas de valeur n'a pas de valeur. La valeur ajoutée, on la crée ensemble et on la partage ensemble. Nous sommes passés d'une relation de prestataire à partenaire. On gagne ensemble, on perd ensemble. Nous avons d'ailleurs des politiques de rémunération en fonction de la valeur apportée par nos collaborateurs. Nous ne dissocions pas le rendement et la création de valeur. Dans nos échanges avec eux, il y a un prix pour la prestation dite de base, qui varie en fonction du bonus ou du malus déterminés par les indicateurs de qualité. C'est un modèle gagnant-gagnant.»

La guerre des prix

Bien que l'off-shore ait permis de réaliser des économies et de développer la croissance, les prestataires se doivent de proposer des tarifs très bas sur l'activité globale. La conjoncture actuelle met d'autant plus de pression sur les prix, relance les négociations, et ce, sur un marché déjà dense et très concurrentiel. «L'outsourcing est un marché où les prix à la minute comportent trois chiffres après la virgule. Les acteurs ont presque inventé une nouvelle monnaie», sourit Fabrice Marque. L'ensemble des outsourceurs avouent ne pas avoir trop le choix quant à cette subordination face aux annonceurs. Pour la plupart, rien ne les différencie vraiment lors des appels d'offres. «Même si vous avez la réputation d'être le champion du monde en termes de qualité, vous devez de toutes façons vendre au prix du marché. Globalement, vous signez pour le prix et vous fidélisez par la qualité», renchérit Dominique Decaestecker, directeur général des activités de centres de contacts d'Arvato France.

En effet, les entreprises ayant aujourd'hui sensiblement les mêmes locaux, les mêmes outils, les mêmes effectifs et les mêmes offres, il leur est difficile de se démarquer autrement que sur les prix. Ce n'est donc pas la loi du plus fort, mais la loi du moins cher qui prime. «La frontière entre survivre et être en difficulté financière est assez ténue», regrette Marc Labarre. Les donneurs d'ordres maîtrisent les enchères et, pour le moment, ils ne semblent pas prêts à investir plus. Selon Kim Neyret, responsable stratégie & développement des centres de relation clients externes de Canal+, les prix dépendent aussi des résultats qui, jusqu'à présent, ne semblent pas pleinement satisfaisants: «Cette année, nous avons complètement recentré notre stratégie sur la qualité et la lutte contre la redondance des appels. Nous sommes prêts à payer plus cher si la qualité augmente et que le nombre d'appels diminue. Mais, pour l'instant, les objectifs ne sont pas totalement atteints.» En attendant, les outsourceurs doivent s'affronter sur un marché très concurrentiel qui leur laisse peu de liberté. En outre, ils déplorent que plus de la moitié de leurs coûts de production proviennent des salaires. Selon l'étude BearingPoint, la part du coût de personnel dans le chiffre d'affaires représentait 69% en 2008. «Le prix d'une heure de production se vend S à 10% moins cher qu'en 2000, alors que le Smic a augmenté de plus de 35%», illustre Frédéric Jousset. Mais, pour Laurent Uberti, cette pratique a ses limites: «Il y a un vrai danger à ne fonctionner que sur les prix dans un métier de ressources humaines. Dans ce cas, le consommateur final ne s'y retrouve pas et il faut faire attention.»

Très concurrentiel, le marché a subi de nombreuses transformations depuis quelques années. Derniers mouvements en date: l'acquisition d'Intra Call Center par CCA International et le rachat de 45% des parts d'Acticall par la famille Mulliez en juillet dernier. Les leaders se renforcent et certains challengers disparaissent. Les dix premiers représentent désormais 70% du marché.

«Les outsourceurs sont devenus des industriels du service. Les plus grands sont désormais capables de gérer un gros volume mais aussi de délivrer de la qualité et de l'expertise, ce qui n'étaitpas le cas il y a une dizaine d'années», commente Laurent Uberti. Le président du SP2C pressent une concentration plus forte avec l'émergence de cinq gros acteurs, structurant le marché, et la présence en parallèle de spécialistes de plus petite taille. Seuls les outsourceurs les plus puissants et ceux proposant des activités de niche devraient s'en sortir et se démarquer. Pour Marc Labarre, la sécurité de son entreprise (Data Base Factory) repose notamment sur la diversité des activités: «Etant positionnés sur toutes les dimensions de la relation client avec un portefeuille large d'annonceurs, nous avons mené une stratégie permettant de minimiser les impacts et les risques.»

Répartition du chiffre d'affaires par activité

Les centres de contacts doivent faire face à une augmentation du nombre d'appels entrants (77 % du CA en 2008, soit + 5 points par rapport à 2007), plus complexes que les appels sortants. Ces appels sont principalement de types service clients / consommateurs. La proportion d'appels entrants concernant la hot Une technique a plus que doublé par rapport à 2007 (+125%). Les appels sortants sont principalement liés à la vente et à la génération de leads (17 % du CA).

Plus de valeur ajoutée

Pour pouvoir fixer des prix plus raisonnables, Eric Dadian estime qu'il faut «innover sur nos métiers». Encore perçus comme de simples industriels payés au rendement, les outsourceurs se montrent motivés à faire évoluer leurs activités. Un service qualitatif en complément du brief demandé par les clients deviendrait-il un argument de vente pour se démarquer? Actuellement, les prestataires affirment déjà proposer de la valeur ajoutée à leurs clients, sans grand résultat sur les prix. «Aujourd'hui, on demande aux outsourceurs d'être des marketeurs, des gestionnaires de ressources humaines, de penser au développement durable, de faire des investissements technologiques, de développer des plateformes vides, prêtes à être occupées de suite», constate Marc Labarre. Comment faire oublier l'idée qu'ils ne vendent plus une capacité, mais une compétence Tous reconnaissent devoir développer davantage de conseils et d'expertises pour mieux connaître le consommateur et ses attentes. Ils enrichissent déjà leur offre par des prestations sur les systèmes d'informations, des bases de données, des statistiques et du marketing. De nombreux indicateurs ont vu le jour et les outsourceurs réfléchissent quotidiennement en interne aux nouvelles innovations à apporter. Teleperformance a récemment mis au point un outil de mesure automatisé de la satisfaction client pour chaque contact. Il consiste à poser quatre questions au client pour savoir si celui-ci a trouvé les réponses à ses interrogations et si le premier appel a été suffisant. Pour Jean-François Guillot, ce n'est que le début de l'innovation en matière de valeur ajoutée: «Plus le métier s'orientera vers la création de valeur, plus le prix sera élevé et justifié.» En s'investissant dans cette stratégie, les outsourceurs privilégient la qualité. Or, le gage d'un service à forte valeur ajoutée entraîne logiquement la diminution d'appels entrants. Plus les consommateurs sont satisfaits, moins ils seront amenés à joindre le service clients. Pour les prestataires, cela représenterait un manque à gagner, sachant que, pour la plupart, ils sont encore payés au nombre d'appels. Mais les annonceurs ne sont pas dupes de cet enjeu-là. C'est pour cette raison que Canal + s'appuie sur des indicateurs de qualité comme le «once and done» (traitement de la demande dès le premier appel) pour évaluer le travail de ses prestataires. «Si nous leur demandons uniquement des indicateurs de quantité, précise Kim Neyret, ils peuvent traiter les appels sans répondre correctement au client qui va rappeler par la suite. Cela entraînera forcément un plus grand flux d'appels.» Les outsourceurs sont donc amenés à repenser la valeur et la nature de leurs prestations avec leurs clients. Dominique Decaestecker pose la question qui, pour lui, définit l'enjeu du secteur dans les années à venir: «Comment personnaliser une relation client dans un mode de gestion industrielle? Celui qui trouvera le meilleur moyen d'y répondre prendra le pas sur les autres.»

Laurent Uberti estime, pour sa part, que la qualité proposée par les prestataires a considérablement évolué depuis une dizaine d'années. Il considère qu'un conseiller de vente n'exerce plus le même travail en 2009 qu'en 1996. Aujourd'hui, il est plus polyvalent et offre un service plus complet. Formé sur quatre à sept semaines, il doit prétendre à une double compétence: téléconseiller et expert dans le secteur sur lequel il intervient. Malgré tout, le métier souffre encore d'un déficit d'image et de reconnaissance, notamment sur les salaires. L'étude BearingPoint note que le salaire moyen des conseillers de vente est de 1 528 euros bruts en 2008 (+ 5% par rapport à 2007). Pour Eric Dadian «il est scandaleux qu'aujourd'hui les téléconseillers soient rémunérés 1 000 euros nets. Il faut augmenter le montant de l'heure nette. En Grande-Bretagne, les salariés sont payés 1 400 euros nets et parfois, ce n'est pas encore suffisant par rapport à leur expertise. Il faudrait peut-être mettre en place des variations en fonction de la valeur ajoutée apportée au client final.»

Fabrice Marque (Accenture)

Les clients évaluent les outsourceurs encore beaucoup trop sur les moyens et pas sur les résultats et ne laissent aucune part à la créativité et à l'esprit d'initiative.

Un métier de partenariat

Les acteurs de la relation client comptent désormais sur la Mission nationale de la relation client et son interaction avec l'Etat pour mettre en valeur leur métier. A l'initiative de la Mission, Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'Emploi, et les organisations professionnelles du secteur ont signé, en juillet dernier, un accord-cadre pour le développement de l'emploi, de la formation et des compétences des salariés en centres de contacts (lire encadré page 3 0). Pour les outsourceurs, cet accord devrait participer à la revalorisation du métier qui leur fait actuellement défaut. «Avant, notre secteur était perçu comme un secteur de précarité avec des étudiants, de l'intérim, des petits jobs, ce qui n'est plus la réalité», rappelle Laurent Uberti. Selon l'étude BearingPoint, ces préjugés qui collent à la peau des outsourceurs ne se vérifient pas dans les faits. L'enquête souligne que 73% des contrats sont des CDI et que le temps partiel est limité à 10% des effectifs. Concernant le niveau d'études, 59% des collaborateurs possèdent une formation bac + 1 et plus. En outre, cette population a augmenté de 15% entre 2007 et 2008. Pour les acteurs du secteur, l'enjeu réside dans la formation professionnelle et la fidélisation des salariés. Des salariés qui devraient à l'avenir monter en compétences, notamment grâce à l'externalisation de secteurs techniques et spécifiques comme la santé ou la banque et l'assurance.

Malgré des relations de plus en plus durables et solides avec les donneurs d'ordres, les outsourceurs déplorent un manque de confiance de leur part. Fabrice Marque remarque que leurs clients «les évaluent encore beaucoup trop sur les moyens et pas sur les résultats. Ils ne laissent aucune part à la créativité et à l'esprit d'initiative du prestataire.» En règle générale, les donneurs d'ordres expriment leur besoin de maîtriser même si, logiquement, le travail ne leur incombe plus et qu'en externalisant, ils ont d'une certaine façon, fait le choix de déléguer. «Certains directeurs de la relation client vont même jusqu'à passer une semaine sur les sites off-shore pour effectueras entretiens d'embauché des chefs de plateau», indique-t-il. Les prestataires revendiquent une certaine liberté à exercer le travail pour lequel on a fait appel à eux. Ils manifestent même une certaine incompréhension quant à certains briefs très détaillés, jusque dans le discours à la virgule près du téléconseiller. «Vouloir tayloriser et robotiser le métier, et donc le déshumaniser, est source de démotivation pour les équipes et pour le consommateur final. Ce n'est pas un facteur de qualité», signale Frédéric Jousset. Malgré tout, les prestataires intègrent parfaitement l'attitude des donneurs d'ordres et la responsabilité qu'ils leur délèguent. Ils n'oublient pas qu'en tant que vitrine d'une marque, ils représentent l'image de l'entreprise. «Nous avons un métier de B to B avec les donneurs d'ordres, mais surtout de B to C, caria réalité de notre quotidien est d'être en contact avec les consommateurs. Nous sommes une marque blanche. D'ailleurs, nos collaborateurs sont les ambassadeurs de la marque de nos clients où notre nom n'intervient pas», explique Jean-François Guillot.

Concernant leurs relations, les outsourceurs et les annonceurs évoquent le terme de «partenariat» et non de prestation. L'externalisation n'est plus un service complémentaire, mais plutôt le prolongement d'une stratégie en interne. Certains clients considèrent même les outsourceurs comme une source d'émulation. Pour Eric Lestanguet, directeur client de GDF Suez, «nos prestataires nous proposent d'évoluer dans certaines de nos pratiques, et c'est important. Il faut dépasser le contrat et être sur le terrain de l'innovation opérationnelle, mais aussi sociale et managériale.» Les outsourceurs ne sont plus perçus comme de simples exécutants, mais comme des partenaires de choix, capables de délivrer des conseils et une expertise sur la relation client. De là à tout externaliser, les donneurs d'ordres n'y sont pas encore disposés.

 
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CLAIRE MOREL

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