[Tribune] Retail: l'innovation commence par la supply chain
Lorsqu'un client clique sur le bouton "Ajouter au panier", le processus d'achat est mis en mouvement et c'est le premier kilomètre qui va faire ou défaire l'expérience client.
Je m'abonneLes retailers sont depuis longtemps sensibles aux enjeux du dernier kilomètre de leur supply chain et il n'est pas surprenant que des "technologies innovantes" comme les flottes de drones d'Alphabet ou les robots de livraison autonomes pour ce dernier kilomètre fassent la Une de la presse. Toutefois, il est important de ne pas oublier que, aussi innovantes que puissent être ces avancées, ces technologies ne remplissent qu'une infime partie du parcours global produit-consommateur. Plutôt que le dernier kilomètre, c'est en fait le premier kilomètre du processus qui garantit le succès de la supply chain et contribue à la satisfaction du client.
Du clic à l'expédition, le premier kilomètre représente le trajet entre le moment où un consommateur passe une commande et le moment où celle-ci est prélevée, emballée et expédiée, comprenant tous les aspects du processus logistique qui rendent cela possible. C'est précisément sur ce premier kilomètre -et non le dernier- que les marques peuvent évoluer pour répondre aux changements de comportement de leurs clients, maximiser l'utilisation des stocks pour augmenter les résultats et (surtout) assurer le bien-être de leurs employés dans le contexte de la pandémie.
Mais cela ne se fait pas en un jour. L'adaptation et l'évolution ont souvent pris des mois, voire des années, aux retailers. Le vieil adage selon lequel "la crise est moteur d'innovation" a certainement été appliqué au cours de la pandémie. Beaucoup de grands groupes ont adopté une mentalité de start-up et sont devenus beaucoup plus agiles dans leurs prises de décision et les déploiements pratiques.
Si les dix derniers mois ont été marqués par des défis inédits pour les retailers -notamment pour ceux qui ont dû opérer une transition rapide du retail omnicanal vers un modèle de pure player-, deux domaines fondamentaux se démarquent et tous deux prennent racine dans le premier kilomètre de la supply chain.
Première étape: l'entrepôt
La compréhension des mouvements des personnes et des produits a toujours été l'indicateur-clé de la performance des entrepôts et de l'efficacité des employés. Mais dans un monde de l'entrepôt où la distanciation sociale s'impose, il faut s'appuyer davantage sur la technologie pour maintenir l'efficacité du processus qui sépare le clic de la livraison.
Qu'il s'agisse de limiter le nombre d'opérateurs dans des zones spécifiques, d'utiliser des touches à effleurement plutôt que des claviers sur écran tactile ou d'augmenter la rotation des équipes pour maintenir l'efficacité et la productivité de la préparation des commandes, la technologie qui permet de gérer un entrepôt pendant le premier kilomètre du trajet d'un produit est critique.
Deuxième étape: la gestion des stocks
Si un article est disponible, il faut pouvoir le vendre, quel que soit l'endroit de la supply chain où il se trouve. Néanmoins, dans la pratique, ce concept simple est complexe à réaliser. L'informatique à architecture ouverte, notamment fondée sur la technologie cloud-native et les microservices, ainsi que les développements en matière d'intelligence artificielle et de machine learning permettent aux retailers d'ingérer davantage de données pour prévoir la demande.
Grâce à cela, les entreprises peuvent être plus efficaces dans l'affectation des stocks et le déploiement de nouveaux modèles de livraison comme le click-and-collect ou le drive, ce qui dispense d'investir davantage dans des déploiements ERP souvent coûteux, longs et rigides.
Le conditionnement des consommateurs à l'e-commerce et la demande constante de services de livraison ont conduit à une croissance des centres de micro-exécution, à une dépendance accrue à l'égard de la précision des stocks et à une volonté de changement plus rapide au niveau du conseil d'administration.
Si l'on espère que la Covid-19 ne sera pas éternellement avec nous, son impact aura certainement un effet significatif -et durable- sur le comportement des consommateurs et sur le premier kilomètre de la supply chain. Les consommateurs étant plus enclins à être indulgents envers les entreprises pendant cette période, le moment est venu de faire preuve d'audace et de mettre en oeuvre de nouvelles approches innovantes et des processus agiles. Dans le futur paysage du retail, ce sont les marques les plus agiles et celles qui s'appuient sur la flexibilité des solutions cloud et d'IA qui seront les mieux armées pour l'après-pandémie.
Il convient toutefois de rappeler que les méthodes de livraison "innovantes" et les technologies en vogue ne peuvent remplacer les bases. Après tout, c'est toujours le premier kilomètre qui fera -ou défera- le succès d'une promesse de marque à ses clients, et non le dernier.
L'auteur
Diplômé de Kedge Business School, Sébastien Lefebure commence sa carrière chez Steria en 2000. Il intègre Manhattan Associates en 2002 en tant que responsable des services et de plusieurs projets en France et au Japon. Sébastien Lefebure y officie ensuite comme chef d'équipe sur le marché de l'order management en Europe en croissance rapide, puis comme chargé des programmes de transformation de moyenne et grande envergure dans le domaine de la supply chain execution (WMS) et de l'omnicanal (OMS) pour des clients de la grande distribution et de l'industrie, et enfin comme chargé du développement commercial au cours des six dernières années. Il a investi ses nouvelles fonctions de directeur général Europe du Sud en décembre 2019.