Recherche
Magazine Relation Client
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

[Tribune] Les 4 principaux motifs d'échec des projets en mode design thinking

Publié par le - mis à jour à
[Tribune] Les 4 principaux motifs d'échec des projets en mode design thinking
© Matthieu Louis

Christophe Cotin Valois, expert de l'UX, explique pourquoi les projets en mode design thinking échouent aujourd'hui. Quatre raisons sont avancées.

Je m'abonne
  • Imprimer

Dès les années 80, de nouvelles méthodes de travail ont initié un mouvement dans la manière dont les organisations adressent l'innovation pour aboutir à de nouveaux paradigmes, le design thinking. Depuis 30 ans, l'esprit design et ses outils sont censés révolutionner les processus et révéler le potentiel créatif des collaborateurs. Et depuis les années 2010, la culture design (et son esprit probablement) se répand en France, tout comme l'agilité. En définitive, les pratiques évoluent, les organisations s'ouvrent à l'expérimentation, tentent des formats start-up et autres hackathons. Toutefois, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous et ne permettent alors pas de franchir la marche du product management centré client. S'installe alors une lassitude des "ateliers post-it", des brainstormings interminables, des design sprints improductifs...

Méthodologies du design thinking

Le design thinking (et la culture design en général) est centré sur l'humain et s'appuie sur 3 piliers: la faisabilité opérationnelle, la viabilité business, et l'attractivité pour les humains. Le point de départ est l'humain puis, s'en suivent des phases successives d'itérations s'appuyant sur le prototypage rapide et les tests. La différence avec le marketing est de ne pas considérer l'humain comme un consommateur à convaincre, mais comme un utilisateur d'un service qu'il faut satisfaire.

Ces méthodes demandent un certain état d'esprit et se basent sur les facteurs clés de succès suivants:

- Chercher une meilleure solution pour l'utilisateur

- Chercher à créer rapidement un produit minimum viable (MVP) à faible coût et faible risque, tout en créant de la valeur (recherche de ROI)

- Arriver à impliquer les équipes métiers pour une mise en place opérationnelle rapide même imparfaite (les améliorations suivront)

Les 4 principales raisons d'échec des méthodes de design thinking

1.Croire en un process qu'il suffit de suivre plus qu'en la diffusion d'un état d'esprit

Nombre d'organisations résument l'UX et le design thinking à un process. Or, le processus d'exploration et de génération d'idées n'est pas figé. Il dépend du contexte, demande d'avancer à tâtons, de faire confiance à l'intuition, d'accepter le chaos pour y trouver des révélations, d'accepter de faire évoluer un concept ou un prototype suite à des tests et parfois de l'abandonner.

2.Croire que pratiquer le Design Thinking nous transformera en designers.

Trop souvent, les méthodologies de design sont initiées par des consultants et comportent peu de designers. L'expérience par la pratique du design thinking transforme l'être et son système de pensée. Petit à petit, ses adeptes deviennent plus positifs, plus ouverts, leur état d'esprit s'affine. Mais cela n'en fait pas des designers pour autant, on parlera davantage de facilitateurs qui sauront orchestrer les idées. Le designer, lui, raisonne à trois dimensions: l'utilité, la viabilité du concept, et enfin sa faisabilité. Il est dans l'action, il sait prototyper, tester et discuter avec les métiers impliqués en plaçant le bénéfice utilisateur au coeur des enjeux.

Pour qu'un atelier soit productif, il faut qu'il soit composé d'un groupe pluridisciplinaire afin d'élargir le champ de l'analyse, d'ouvrir de nouvelles perspectives de par le cumul et le mélange des modes de pensée liés aux différentes formations et pratiques métiers. Entreprendre une démarche de design sans designer ni facilitateur, même avec toute la bonne volonté du monde, sera moins fructueux à moins d'avoir la fibre d'un designer depuis tout petit. Et, dans ce cas (rare), ce ne sera que par la pratique intensive et à répétition que l'on deviendra designer; il faudra plus qu'un projet et 3 ateliers pour y parvenir.

3.Un manque de latitude et de réactivité pour l'expérimentation.

Souvent, le principal problème des organisations est que, dès le début d'un projet, celui-ci est déjà quasiment entièrement cadré en termes de gestion de projet: il y a un brief précis, un budget et un planning. Mais est-il vraiment cohérent de définir un brief et un budget pour un projet dont on ne connaît pas les (bonnes) solutions ? On ne sait pas ce que l'on doit faire et pourtant, on sait déjà combien de temps cela prend et combien ça coûte ! Sans oublier que lorsque le projet est live, il devient impératif de disposer de latitude pour le faire évoluer. Trop souvent les plannings et le budget prédéfinis sont trop rigides et s'avèrent incompatibles avec les besoins de l'esprit design. Ce dernier consiste à écrire le brief avec les designers, après une première phase de recherche, pour définir le "design challenge" et donner une direction au projet, non pas ses solutions.

4.Rechercher de résultats immédiats sans indicateurs stratégiques.

La culture des KPI business réduit la pertinence de projets à une rentabilité à court terme, or il est acquis que la maturité d'une innovation, sa diffusion et son adoption sont difficilement prédictibles, ou en tout cas cela prend un temps certain, avec des itérations. On court après des résultats rapidement visibles, on va donc vite à la production pour pouvoir, in fine, mesurer la performance. Trop souvent, cette démarche fait l'impasse sur des indicateurs stratégiques qui permettent de s'assurer que l'on avance dans le bon sens, que l'on crée réellement de la valeur.

Par exemple, les budgets annuels se répartissent habituellement sur un calendrier prédéfini - "il nous faut une première version avant XXX." Alors que, par expérience, ces plannings ne sont jamais tenus et laissent rarement du temps pour intégrer les utilisateurs, ni itérer avant le lancement. La subtilité du marché actuel consiste à faire du design centré utilisateur, sans les utilisateurs, du design thinking sans avoir le temps de penser...

Ces enjeux sont ceux que nous avons rencontrés fréquemment et englobent nombre de sujets plus granulaires. Que l'on soit adepte de la méthodologie ou non, les organisations doivent embrasser un changement de posture pour faire face à la transformation et à l'innovation centrée client. A la question "est-ce que le design thinking marche ou pas?", je répondrai tout d'abord que la méthodologie implique un certain nombre d'échecs. Il importe de se questionner de la manière suivante: "qu'est-ce qu'un éche ? À quel moment de la méthodologie s'arrête-t-on et pourquoi?"

L'auteur

Christophe Cotin Valois est actuellement CEO et co-fondateur de Welcome Max, agence de conseil en design d'expérience utilisateur.

Après des débuts chez IBM E-Business Services où il travaille notamment sur les premiers portails français, Christophe devient, dans les années 2000, consultant indépendant et s'implique dans plusieurs start-up, grands groupes et cabinets de conseils. Il intervient alors également dans les grandes écoles françaises pour promouvoir le design d'expérience et sa vision de la digitalisation des marques (Gobelins, Universités Paris XIII, Sciences-Po Paris...).

En 2005, il crée le département UX de Digitas LBI et met en place la méthodologie de l'agence qui le nomme par la suite directeur de création spécialisé sur des projets de plateforme. Depuis 2011, Christophe est à la tête de l'agence Welcome Max, un nouveau concept d'agence conseil dédiée au design d'expérience.


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

La rédaction vous recommande

Retour haut de page