"Un nouveau lien se crée avec les marques de luxe", Catherine Clément et Pierre Gomy
Quel est l'impact du Covid-19 sur l'industrie du luxe dans le monde et en France? L'analyse de Catherine Clément, directrice du pôle ECX et Pierre Gomy, managing director solutions innovantes chez Kantar.
Je m'abonneQuel est l'impact du Covid-19 sur l'industrie du luxe dans le monde et en France?
Quelles leçons les marques doivent-elles tirer de la crise en Chine?
Comment analysez-vous, de manière globale, les réactions des marques de luxe durant cette crise?
PG: Deux grandes marques se sont distinguées sur les réseaux sociaux durant cette crise : Décathlon et LVMH. Elles ont su démontrer leur utilité.
Pourquoi doivent-elles continuer à communiquer et quels types de communication émergent?
CC: Durant cette période de confinement, plus de 68% de clients souhaitent que les marques gardent un contact direct avec eux soit par mail, soit par sms. Les marques de luxe prennent part à l'effort de guerre en prenant soin de l'économie, de leurs communautés, de leurs collaborateurs et de leurs clients. Elles activent des stratégies de communication corporate, très engageantes et pas du tout commerciales. Des marques comme Balmain et Gucci font même appel à la mobilisation de leur communauté pour agir et contribuer à l'effort collectif.
PG: Comme il y a une forte inquiétude de la part des consommateurs, les marques doivent faire la preuve de leur utilité dans la vie quotidienne pour les aider à affronter cette situation.
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Vous parlez de l'utilité des marques en période de crise. N'est-ce pas " incompatible " avec la part de rêve et d'inaccessibilité des marques de luxe ? Est-ce que cela ne peut pas nuire à leur relation client / image de marque?
PG: A partir du moment où les actions et les prises de paroles sont sincères, authentiques et en accord avec la raison d'être de l'entreprise, c'est l'occasion de se mettre en valeur. Les marques sont des communautés de valeurs partagées et c'est l'occasion de voir concrètement comment celles-ci guident les actions de l'entreprise. C'est un moment de vérité.
CC: Dans ce contexte économique difficile, les marques de luxe pourraient être perçues comme futiles ou superflues par les consommateurs. Or, elles sont en train de démontrer leur rôle dans la dimension économique, dans la production locale, dans le soutien d'un pays...ce sont des valeurs qui raisonnent très fortement aujourd'hui. Cela crée un sentiment de fierté de la part des consommateurs. En achetant du luxe, le consommateur valide cette contribution à la société. Un nouveau lien de proximité se noue entre les clients et les marques de luxe qui repose sur l'émotion.
Quel est le profil des marques qui vont rebondir plus facilement?
Est-ce qu'il y aura un avant et un après en termes de consommation du luxe?
PG: Oui, clairement. Les industries du luxe devront répondre à une tendance forte révélée par la crise d'un besoin de collectif et de solidarité. Alors que ce secteur était une affirmation de l'individualité et de la réussite, même si c'est un peu réducteur. En termes de communication, les marques ont une occasion inédite de faire valoir leurs valeurs de durabilité (second hands) et d'employabilité (artisanat local).
CC: L'achat de produits de luxe va prendre un nouveau sens dans une dimension beaucoup plus valorisante et plus attractive. Cette consommation, déculpabilisée, va permettre de participer dans une économie circulaire. C'est un bon levier de communication et une belle occasion de storytelling.