[#VISION 2021] Daniel Ray, Directeur de l'Institut du Capital Client, Grenoble Ecole de Management
Chaque lundi, Relation Client Magazine donne la parole à des experts inspirants pour qu'ils exposent leur vision du rebond en 2021. Cette semaine rendez-vous pris avec Daniel Ray, Directeur de l'Institut du Capital Client, Grenoble Ecole de Management.
Je m'abonne" C'est l'heure de mettre fin au customer washing "
Quel bilan tirez-vous de cette année 2020 en termes d'expérience client ?
Si l'on considère, comme Aristote, que " l'Homme est un animal social ", on peut dire que le contexte se prête peu à une vie sociale et donc à une relation client très riche. Tout l'écosystème est en mode dégradé, clients comme fournisseurs. En effet, si, comme je le pense, une expérience client se définit à travers tout ce qu'un client fait, ressent, pense et raconte à travers ses interactions directes et indirectes avec une marque, alors, à l'évidence, cette année, tous les paramètres ont mécaniquement changé. Quelle année particulière ! Cette crise a impacté fortement l'équilibre émotionnel dans l'expérience du consommateur jusqu'à créer des situations paradoxales. En effet, la satisfaction client se mesure en fonction du niveau de performance perçu par rapport aux attentes initiales. Or, au début du confinement, les attentes ont diminué car on s'attendait à des catastrophes, notamment auprès de certains fournisseurs (et en particulier le secteur des télécoms), et donc la satisfaction a augmenté car le service a été finalement rendu, même en mode dégradé. Les entreprises ont tenu et finalement, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les résultats NPS ont été bien meilleurs et la satisfaction a augmenté. C'est mécanique.
Quels sont les enseignements à tirer pour les entreprises du secteur de la relation client ?
Les profils d'acteurs qui tirent leur épingle du jeu ne sont pas ceux dont les process sont les plus aboutis mais plutôt les " bons bricoleurs " qui font preuve d'agilité. Qui sont-ils ? Ce sont les entreprises dont les croyances et les valeurs sont orientées client plutôt que performance. Cette crise révèle la réalité de l'identité des entreprises et c'est un accélérateur de phénomènes sous-tendus. D'un côté, la Maif reverse des cotisations à ses sociétaires et de l'autre, les assureurs augmentent leurs prix ou encore les grandes banques françaises refusent de ne pas verser de dividendes en 2020. Dans le contexte que l'on vit, les consommateurs reçoivent ces informations avec une émotion très forte. Les contrastes sont saisissants. Autre enseignement, les consommateurs ont été contraints de changer leurs habitudes de consommation et donc tous les programmes de fidélité basés sur la rétention et l'inertie sont obsolètes. Ils ont fréquenté d'autres enseignes et la question est de savoir s'ils vont revenir sur les seuls critères de préférence de marque. La fidélité sincère est la seule rentable.
Quelles sont, selon vous, les conditions du rebond en 2021 pour les entreprises ?
La crise a accéléré la nécessité impérieuse de s'orienter client. C'est le moment de s'occuper des consommateurs, qui se font plus rares. De cette posture dépend la rentabilité de demain. Le contexte démontre que les entreprises ayant une culture client forte inscrite dans leur ADN ont un avantage concurrentiel. L'obsession client constitue un matelas en cas de problème. La crise de 2008 l'a démontré. Selon l'American Customer Satisfaction Index, lors de la reprise de l'activité économique en 2009, les entreprises satisfaisant mieux leurs clients (portfolio spécifique) ont affiché des résultats deux fois supérieurs en bourse. La notion de confiance est importante. Les gagnants seront ceux qui auront su rebondir avec agilité et avec sincérité au service de leurs clients. Le facteur clé de succès est la culture client, mais l'heure de vérité a sonné. Il est temps de mettre fin au " customer washing " pour les entreprises et avancer des preuves d'engagement sincère au service du client.