La boîte à outils du Management transversal
Chapitre II : Choisir sa stratégie d'action
Fiche 05 : La cartographie des acteurs
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- Publié le 1 déc. 2017
La boîte à outils du Management transversal
8 chapitres / 58 fichesDiagnostiquer le positionnement des acteurs dans la mission transversale et choisir une stratégie adaptée
En résumé
La cartographie des acteurs permet au manager transversal de repérer et de prévoir les réactions, jeux et postures des acteurs impliqués dans sa mission transversale en fonction de leurs enjeux et de leur pouvoir :
- les engagés : pouvoir important/gains pour la mission ;
- les coopératifs : pouvoir faible/gains ;
- les opposants : pouvoir fort/pertes pour la mission ;
- les divergents : pouvoir faible/pertes.
Fort de ce diagnostic, le manager transversal peut choisir une stratégie relationnelle adaptée à chacune des catégories d'acteurs pour les impliquer dans la mission transversale.
Pourquoi l'utiliser ?
Objectif
Anticiper le comportement des acteurs investis dans la mission transversale.
Contexte
Le manager transversal met en place des changements qui impactent les acteurs dans leur quotidien.
Comment l'utiliser ?
Étapes
- Repérer le degré de coopération probable des acteurs de la mission transversale en fonction de leurs enjeux et de leur pouvoir.
- Choisir une stratégie adaptée à chaque groupe identifié.
Méthodologie et conseils
- Choisir un objectif précis dans la mission transversale.
- Répertorier l'ensemble des acteurs de la mission.
On distingue trois types d'acteurs dans une mission transversale :
- les acteurs contributeurs qui alimentent le processus transversal ;
- les acteurs impactés pour lesquels les méthodes et des outils produits par la mission transversale auront des conséquences sur leur activité ;
- les acteurs concernés ne sont pas directement impactés par la mise en oeuvre concrète. Ce sont, par exemple, les responsables hiérarchiques des différentes unités qui sont concernés par le fait que le manager transversal sollicite leurs collaborateurs.
- Identifier les enjeux des différents acteurs.
Les enjeux des acteurs représentent ce qu'ils imaginent de gagner ou de perdre dans le cadre de la mission transversale. Cette perception peut être justifiée par les faits ou pas.
- Identifier les pouvoirs des différents acteurs.
Il s'agit de la capacité du manager transversal et des acteurs à accélérer ou freiner l'atteinte des objectifs de la mission transversale.
- Classer les acteurs en fonction de leurs enjeux et de leurs ressources
En fonction de leurs enjeux et de l'importance de leurs pouvoirs pour bloquer ou faire avancer la mission, les acteurs seront classés en 4 catégories :
- les engagés : ils disposent d'un pouvoir fort et sont moteurs dans la mission transversale.
- les coopératifs : ils ont peu d'impact sur la réussite de la mission transversale mais sont porteurs.
- les opposants : ils se positionnent en tant que freins et disposent des pouvoirs qui peuvent entraver ou bloquer la mission transversale.
- les divergents : ils disposent de peu de pouvoir et sont peu favorables à la mission transversale.
- Définir une stratégie d'intervention pour chaque type d'acteur.
Cette catégorisation permet de déterminer la conduite à tenir avec les différents acteurs :
- avec les engagés : consacrer son énergie à partager ses idées avec ces acteurs.
- avec les coopératifs : les faire épauler par les engagés.
- avec les opposants : ne pas se risquer dans cette zone sans être épaulé par un allié puissant.
- avec les divergents : maintenir la relation dans la perspective de nouveaux changements.
- Cet outil permet au manager transversal d'adapter sa stratégie dans la relation avec chaque interlocuteur.
- Évaluer le positionnement des interlocuteurs en fonction de chaque objectif.
Comment être plus efficace ?
L'outil cartographie des acteurs s'appuie sur les concepts de l'analyse stratégique développés par le sociologue français Michel Crozier, en particulier dans l'ouvrage L'Acteur et le système qu'il a co-écrit avec le sociologue Erhard Friedberg.
Le concept d'acteur : " il y a de la liberté partout "
Quels que soient les efforts que fait une organisation pour déterminer le comportement des membres (personnes ou groupes) qui la constituent, ils conservent toujours des marges de manoeuvre aussi minimes soient-elles. C'est pour cela que Michel Crozier parle " d'acteur ". Il ajoute que l'acteur interprète en permanence la règle sinon l'organisation ne pourrait pas fonctionner comme en atteste l'exemple de la grève du zèle.
L'acteur peut être individuel ou collectif : lorsqu'un groupe adopte un comportement homogène dans une situation donnée, on parle aussi d'acteur.
Par ailleurs, Michel Crozier parle de " logique de l'acteur " ou de " comportements stratégiques de l'acteur " pour signifier que celui-ci adopte des comportements logiques parce qu'ils lui permettent de préserver ses enjeux professionnels et/ou personnels. Les enjeux représentent ce que l'acteur cherche à gagner ou évite de perdre.
Le concept de pouvoir
La métaphore du train dans le désert d'Erhard Friedberg illustre le concept de pouvoir : six personnes, qui ne se connaissent pas, sont dans un même compartiment : l'une d'entre elles a un chalumeau mais ne sait pas s'en servir, une autre sait l'utiliser, une troisième a une boussole, une autre a douze litres d'eau minérale et les deux dernières n'ont rien, mais sont deux sportifs de haut niveau. Le train déraille et le wagon se renverse, il faut percer. Qui a du pouvoir ? La personne qui a le chalumeau et celle qui sait l'utiliser. Les six personnes sortent du wagon et décident de marcher dans le désert pour atteindre un lieu protégé. Qui a du pouvoir dans cette nouvelle situation ? La personne qui a une boussole, celle qui a douze litres d'eau minérale et les deux sportifs de haut niveau.
A a du pouvoir sur B s'il contrôle une zone d'incertitude de B qui l'affecte directement dans l'atteinte de ses objectifs.
Une zone d'incertitude est constituée d'éléments que l'acteur ne maîtrise pas.
Plus la zone d'incertitude est cruciale, plus l'acteur a du pouvoir.
Tout changement modifie le système de pouvoirs : certains acteurs vont percevoir une perte, d'autres percevront un gain.
Le pouvoir des acteurs dans la mission transversale est lié :
- aux informations qu'ils détiennent ou qu'ils traitent ;
- à leur réseau relationnel ;
- à leurs compétences et expertise ;
- aux règles et aux normes dont ils sont détenteurs ;
- aux prérogatives et privilèges liés à leur statut ;
- aux moyens matériels (temps, hommes, budget) dont ils disposent.
La méthodologie proposée permet d'analyser rapidement les causes d'un dysfonctionnement et d'envisager les actions de régulation.
CAS : Jacques, adjoint du DRH, est chargé de faire vivre un système d'évaluation
Jacques est l'adjoint du DRH d'un groupe du secteur pharmaceutique. Il a mené à bien le projet de mise en place d'un système d'évaluation pour les cadres, les techniciens et les agents de maîtrise des 70 établissements. Il s'agit maintenant de faire vivre le système : réalisation des entretiens, qualité des informations transmises, maillage avec la politique de formation et de mobilité interne.
Jacques réalise la cartographie des acteurs et constate que :
- le directeur des affaires sociales, le DRH et le DSI sont engagés. Le directeur financier et le directeur d'exploitation se positionnement en opposants ;
- les responsables des services du siège se positionnent en coopératifs ;
- les directeurs commercial et marketing sont divergents.
Il identifie que les trois responsables régions du Nord, de Rhône-Alpes et de la région parisienne se positionnent en tant qu'engagés pendant que les deux de l'Est et de l'Ouest sont opposants.
Jacques décide de solliciter davantage le directeur des affaires sociales pour obtenir son soutien, de proposer aux patrons des trois régions favorables d'intervenir lors du prochain séminaire groupe pour présenter les résultats concrets obtenus.