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Les marques sont-elles au bord de la crise?

Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Les marques sont-elles au bord de la crise?

À l'ère des médias sociaux, les crises sont plus nombreuses et contagieuses que jamais. Pour les marques, obsédées par l'extinction des incendies naissants, les campagnes d'appels proactifs et les scénarios prêts à l'emploi apparaissent comme un moyen de garder la main.

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La catastrophe ne connaît pas la crise. En 2017, 102 crises de réputation éclatent(1). Cette année, au mois de novembre, nous aurions déjà atteint 70?crises à chaud, selon le cabinet Heiderich, spécialisé dans la communication de crise. Une tendance amplifiée par les réseaux sociaux: "Il y a dix ans, les crises éclataient moins fréquemment, moins fortement", se souvient David Sagakian, directeur des opérations de Diabolocom. L'emballement lié aux médias sociaux fait peser une pression très forte sur les entreprises. "Les?marques ont d'abord subi ces éléments, continue David Sagakian. Maintenant, elles s'organisent et traitent ces plateformes comme un véritable canal de communication d'urgence avec leurs clients."

La typologie des crises que les marques connaissent et qui nous frappent en tant que consommateurs est toujours peu ou prou la même: des crises produit liées à un article défectueux ou dangereux, des crises agroalimentaires ou des crises de réputation, par exemple quand un P-dg prononce des paroles sexistes. Ainsi, le premier scandale agroalimentaire à avoir fait la une des médias provient d'une huile de colza frelatée, laquelle entraîne, en 1981, 1000 morts et 25000 malades en Espagne(2). Un scandale sanitaire qui aura des répercutions au plus haut niveau de l'État espagnol. Et depuis trente ans, les scandales se multiplient.

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Si l'agroalimentaire ne concerne que 4% du total des crises en 2017(1), le secteur des loisirs obtient la palme, avec 15% des 102 événements enregistrés la même année. "Il y a vingt ans, les annonceurs pouvaient produire de la 'publicité bonheur' et faire en sorte qu'une marque en sorte grandie, affirme Didier Heiderich, président de ­l'Observatoire International des Crises (OIC), fondateur et Dg du cabinet Heiderich. La notion de marque disparaît aujourd'hui derrière la demande d'une plus grande proximité." Une proximité qui passe par une relation de plus en plus individualisée et proactive avec les victimes réelles ou potentielles.


Quid de la communication proactive?

En matière de gestion de crise, la tendance est, en effet, à l'anticipation. Concernant les appels sortants, les marques cherchent à stopper les débuts d'incendie. Sur ce point, plusieurs visions existent. David Sagakian (Diabolocom) prône la préparation de scénarios de crise sur les canaux vocaux, lesquels s'activent via le numéro de contact classique ou un numéro d'urgence mis à disposition des clients pour l'occasion. De même, Diabolocom propose aux marques un outil destiné à identifier un consommateur qui a tenté de les joindre plusieurs fois et organise des campagnes d'appels sortants afin de répondre à leurs questions et d'éviter l'extension de la crise. "Les marques cherchent à éteindre les incendies naissants, car, dans certains scénarios, chaque minute compte", commente le directeur des opérations de Diabolocom. Six crises sur dix sont d'ailleurs dues à un problème de communication(1).

Pour y parvenir, il importe de pouvoir traiter de très gros volumes de contacts entrants, sous peine que les clients ne réitèrent leurs tentatives d'appel et ne fassent monter artificiellement la charge du service de réponse mis en place. "Le délai de réponse est un cas classique de théorie des files", explique David Sagakian: lorsque des ralentissements surviennent, l'embouteillage se crée. La gestion du flux passe par trois étapes: un étage d'aiguillage (pour qualifier le contact entrant), une étape de priorisation (pour les clients VIP, par exemple), puis un étage de distribution (quel agent mettre au contact de quel distributeur). En cas de crise, les règles de routage et de priorisation doivent pouvoir être modifiées immédiatement. "Nous construisons des scénarios de routage, des messages d'accueil, des pools de compétences parmi les agents qui vont traiter les demandes, puis nous simulons des cas", résume David Sagakian. Les agents ont accès à des argumentaires au sein desquels des informations personnalisées en lien avec le client sont intégrées.

À l'inverse, pour Didier Heiderich, l'erreur la plus fréquente est de se précipiter et d'industrialiser le processus. "Il faut faire attention à respecter l'ensemble des temporalités liées à la crise et ne pas céder à la pression actuelle incitant à aller très vite, estime l'expert. Il convient, par ailleurs, de miser sur le mode relationnel habituel, on ne se réinvente pas en situation de crise."

Transparence et empathie ou légitimité et dignité?

Une fois la temporalité du plan d'action décidée, les opinions divergent également sur les valeurs à mettre en oeuvre dans le discours. Aux impératifs de transparence et d'empathie, qui sont régulièrement évoqués par les experts en gestion de crise, Didier Heiderich oppose un pragmatisme certain. "La question principale concerne le risque: si le consommateur est en danger, c'est lui qu'il faut protéger. Dans le cas contraire, il n'y a pas de nécessité de ­transparence absolue, afin de ne pas mettre son industrie en danger." Pour que légitimité rime avec action, tout se joue dans le dialogue: il importe que la marque, via son équipe de conseillers dédiés, puisse transformer la parole en action, dans le respect de son histoire et des événements récents. Préciser les démarches à accomplir pour modifier la réservation d'un billet d'avion, relayer un geste commercial, expliquer les dangers et les actions médicales à entreprendre en cas de suspicion de crise agroalimentaire: l'appel doit apporter un progrès au client, ponctue David Sagakian (Diabolocom).

Et après? La gestion de la crise fait partie intégrante de la crise elle-même et ne lui est pas extérieure. "Alors que toutes les entreprises parlent de résilience à l'issue de la crise, je préfère parler de transilience, conclut Didier Heiderich, de ­l'Observatoire International des Crises. Une fois la catastrophe gérée, l'urgence consiste à traiter, en interne, les collaborateurs affectés par une gestion difficile et, parfois, par un sentiment de culpabilité."

(1) Étude Visibrain, "Bad buzz 2017: rétrospective et enseignements", publiée en 2018.

(2) Source Le Monde : "Le scandale alimentaire, scénario à répétition du secteur agroalimentaire et de la grande distribution", 2017.

 
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