Design service, la culture de l'itération
Le design service prend le relais du design thinking, fondé avant tout sur la conception. Cette nouvelle méthode permet de tester des prototypes sur le terrain et facilite leur adoption par les entreprises.
Je m'abonneLe design thinking cultive l'art du paradoxe: alors qu'il prône l'apprentissage par le "faire", l'expérimentation et le test, il met davantage l'accent sur les phases de conception, -pilotes ou pas- que sur le déploiement des innovations et leur exécution. Qui, en effet, n'a pas vécu le difficile passage de la phase de test à celle de la mise en oeuvre, ce moment crucial ou l'agence quitte la partie en espérant que l'équipe projet prendra le relais et diffusera dans l'organisation? Mais diffusera quoi, au juste? Un état d'esprit? Une culture, celle du test and learn, de la conception centrée sur l'humain? Des pratiques collaboratives? Les expériences co-conçues? Dans le biotope très pragmatique et centré sur le ROI à court terme des industries de service, la pensée design a du mal à passer et l'idée même de payer pour voir finit par atteindre ses limites.
Alors, comment passer efficacement de la preuve à la mise en oeuvre? Comment faire du test and learn, de la culture de l'itération, une nouvelle façon de faire et un état d'esprit partagé par tous?
Le design thinking précède le design de service
Pour être réellement opérationnelle, l'approche design doit permettre le prototypage rapide très en amont et le test auprès des opérationnels qui vont délivrer le service. Qui mieux qu'eux connaît le client et est capable d'évaluer l'impact sur l'usage? En testant les prototypes sur le terrain, les opérationnels vont également designer la partie la plus complexe et la plus intangible d'une expérience: son management et l'organisation, qui permettra sa mise en oeuvre. Et ce faisant, ils vont l'apprivoiser pour finir par l'adopter et s'y... attacher.
C'est le rôle du design de service, qui prend le relais du design thinking. Les traditionnelles résistances au changement qui freinent le déploiement des innovations sont éliminées par l'action. Sans compter que l'on s'approprie bien mieux ce que l'on a contribué à concevoir. Si elle est bien designée et incarnée dans des artefacts de qualité, la stratégie ainsi prototypée permet de concevoir des écosystèmes complexes d'interactions et de services et de challenger efficacement le business model qui va avec.
De nombreuses entreprises ont déjà fait du design de service leur nouveau marketing: Procter, IBM, Whole Foods Market, le Ritz Carlton... se sont emparés avec succès de cette approche pour résoudre des problématiques parfois complexes de servicisation ou de multicanalité. Pour résumer, voici une citation de Tim Brown, extraite de L'Esprit Design: "le design a le pouvoir d'enrichir notre vie en provoquant des émotions à travers l'image, la forme, la texture, la couleur, le son et l'odeur. De par sa nature intrinsèquement centrée sur l'homme, la pensée design ouvre la voie à l'étape suivante; elle nous invite à nous servir de notre empathie et de notre compréhension des autres pour concevoir des expériences créatrices d'implication et de participation actives".
Laurence Body est spécialiste de sciences du consommateur et d'innovation par les approches sensibles. Elle dirige X+M, une agence dont la mission est d'accompagner les entreprises de service dans leur démarche d'innovation par l'expérience client et le design de service. Elle est coauteur de L'Expérience Client, paru chez Eyrolles en 2015. X+M conseille les entreprises sur leur stratégie expérience client, réalise des pilotes, des expérimentations en mode pensée design et des guides méthodologiques pour manager l'expérience client, et intervient sur des projets aussi variés que la cartographie de parcours clients, la conception d'expériences signatures, l'organisation de safari retail et de workshops de design d'expériences mémorables.
Pour aller plus loin: Je perçois donc je suis