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Le bassin d'emploi au cœur de l'attractivité des régions

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Conscientes de l'enjeu représenté par la relation client, les régions affûtent leurs arguments pour attirer des investisseurs motivés. Parmi leurs atouts, les ressources humaines sont une nouvelle fois incontournables.

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En raison du phénomène conjoint de la décentralisation et du développement progressif des centres d'appels, les régions françaises ont réalisé qu'elles avaient tout intérêt à favoriser l'éclosion de plateaux sur leur territoire. Formidables gisements d'emplois, regroupant des demandeurs et des jeunes à la recherche d'un premier poste, les régions redoublent d'efforts afin d'attirer les acteurs de ce secteur, que ce soit les spécialistes (outsourceurs) ou les entreprises ayant internalisé leur relation client. La concurrence est le plus souvent saine et bien orchestrée entre les régions, même si les différents acteurs économiques ne tarissent pas d'éloges sur les qualités de leur propre territoire, chacun avançant des arguments plus ou moins solides voire crédibles. Mais après tout, cela fait partie des règles du jeu.

Bernard Barsznica (ESDI)

«Avant de s'implanter dans une région, il faut utiliser les outils mis à disposition par les organismes de recrutement et de formation pour analyser le taux de chômage et déterminer les causes de sa création.»

Les critères qui font la différence

Les entreprises désireuses de s'installer dans une région doivent avant tout prendre en compte la formation et le recrutement. Ces deux paramètres sont liés aux différents niveaux requis pour le fonctionnement d'un centre de contacts (téléconseiller, chef d'équipe, superviseur, chef de plateau, etc.). A ce titre, les managers doivent faire appel à des organismes de formation et de recrutement en mesure de leur fournir les forces humaines qu'ils recherchent. «En plus d'être réactifs et bien disposés à comprendre la nature des besoins des métiers de la relation client, ils doivent également être capables d'anticiper leurs besoins. La compétitivité de l'entreprise qui s'installe en dépend», souligne Alain Denis, responsable centre relation client NR Communication, Groupe La Nouvelle République, et président de l'Association tourangelle de la relation client (ATRC). Besoins en ressources humaines, mais aussi en infrastructures immobilières. Il n'est pas rare, en effet, de voir des projets avorter en raison de locaux destinés à recevoir des plateaux téléphoniques qui ne sont pas prêts à la date souhaitée par le donneur d'ordres. De plus, le coût du loyer est une donnée à ne pas négliger puisqu'il s'agit de l'un des critères qui incitent les outsourceurs à sortir d'Ile-de-France. Des villes dites «moyennes», comme Nantes, Orléans ou Reims, proposent des loyers jusqu'à 60% inférieurs à ceux de la capitale, et jusqu'à 40% plus bas que ceux de grandes métropoles, telles que Marseille ou Lyon. Sur le plan financier, les salaires proposés par certaines régions ne sont en rien comparables à ceux de l'Ile-de-France, puisqu'il est plus fréquent de trouver des téléconseillers rémunérés au Smic dans certaines régions. Autre atout: les taux de turnover et d'absentéisme qui sont généralement inférieurs à ceux rencontrés autour de la capitale. Taux qui, selon les acteurs économiques régionaux, varient entre 5 et 10%, contre près de 30% sur Paris. Attachés à leur région et à la qualité de vie, les habitants sont plus enclins à faire des concessions pour garder leur emploi près de leur domicile. Une qualité de vie que les organismes de développement n'hésitent d'ailleurs pas à mettre en avant pour attirer les investisseurs.

Ni trop proche, ni trop loin de Paris

Certes, les régions misent sur un éloignement de Paris... mais jusqu'à un certain point. En effet, cet éloignement de la capitale ne doit pas devenir un handicap. La présence d'une ligne ferroviaire à grande vitesse représente à ce titre un plus appréciable et apprécié par les investisseurs, puisque les grandes décisions sont souvent prises à Paris. Des villes comme Reims, Lille ou Tours ont très bien compris l'avantage d'être à la fois éloignées de la capitale, tout en restant accessibles à moins d'une heure par le TGV. A contrario, certaines régions n'hésitent pas à prendre le contre-pied de cette proximité en affirmant que cela pourrait devenir un handicap, comme le précise, Laurent Lethorey, chargé de mission chez Côtes d'Armor Développement: «Une trop grande proximité de Paris peut avoir des conséquences négatives en créant une forte concurrence sur le marché de l'emploi: celle-ci peut favoriser les recrutements difficiles ainsi que des salaires plus élevés.»

Pour Bernard Barsznica, p-dg d'ESDI, la connaissance du nombre de plateaux existants dans une région est un critère-clé: «Il faut éviter de s'installer dans des territoires où il existe un nombre important de plateaux. Ou, dans ce cas, il faut savoir en tirer profit. Notamment lorsqu'il y a des outsourceurs de grande taille, car il est alors possible de récupérer des téléconseillers désireux de rejoindre des centres de contacts à taille humaine et de bénéficier de leur formation initiale.» Le rôle des élus n'est pas non plus à négliger. Certes, la majorité d'entre eux tiennent un discours très positif; il faut simplement s'assurer que leurs paroles sont suivies d'effet.

Laurent Lethorey (Côtes d'Armor Développement)

Attention à la trop grande proximité de Paris qui peut avoir des conséquences négatives en créant une forte concurrence sur le marché de l'emploi.

Les ressources humaines en première ligne

Question cruciale s'il en est, le bassin d'emploi local doit être examiné avec beaucoup d'attention par les entreprises désireuses de s'installer hors d'Ile-de-France. D'un côté, certaines régions affichent un taux de chômage élevé (ou du moins, supérieur à celui de la moyenne nationale) et en font un argument positif puisque le potentiel humain est bel et bien présent. Certes, mais la population sans emploi est-elle en mesure de rejoindre une filière telle que la relation client? «Derrière un taux de chômage élevé, il peut y avoir un phénomène local de désindustrialisation, entraînant des difficultés de reconversion. La problématique du savoir-faire et du savoir être est bien réelle. Pour y remédier, il convient de l'anticiper; un rôle qui revient aux organismes de formation et de recrutement», remarque Alain Denis. D'un autre côté, les régions dans lesquelles le taux de chômage est faible arguent d'un fonctionnement efficace de leur tissu économique et de leurs méthodes de reconversion. Certes, mais une situation où le bassin d'emploi est considéré comme tendu peut aussi être perçue comme un handicap pour les entreprises ayant besoin de plateaux composés d'une centaine de personnes.

La meilleure réponse se situe entre les deux, comme l'explique Michel Bourdier, directeur de l'agence Angers Loire Développement: «Un bassin d'emploi avec un taux de chômage fort possède une explication: les chômeurs étant pour la plupart issus des métiers de l'industrie traditionnelle, il n'est pas évident de les rediriger sur un secteur tertiaire, tel que celui des téléopérateurs.» Selon lui, dans les faits, pour attirer les entreprises, une région doit afficher un faible taux de chômage, sans être pour autant en situation de plein- emploi. «En outre, une population jeune, avec des étudiants, est un atout non négligeable.» Pour Bernard Barsznica, «il convient de bien utiliser les outils mis à disposition par les organismes de recrutement et de formation afin d'analyser le taux de chômage et déterminer les causes de sa création».

L'atout des transports en commun

La présence d'un ensemble de villes de taille «moyennes» - de 50 000 à 100 000 habitants - au sein d'une région est souvent bien perçue, car elle offre un po tentiel de croissance important. La logistique des transports en commun desservant les centres de contacts constitue aussi un atout majeur qui ne doit pas être négligé par les acteurs économiques locaux. «L'absence de transports peut être perçue comme un frein lors du recrutement du personnel», concède Alain Denis. Certes, l'entreprise peut toujours mettre en place un système de navette, mais le coût à prendre en considération n'est pas anodin, surtout au regard de l'augmentation progressive du prix des carburants depuis plus d'un an.

Enfin, la qualité de vie associée à des régions ne doit pas non plus être négligée. Certaines d'entre elles n'hésitent pas à surfer sur ce critère, notamment dans le Sud de la France (Midi-Pyrénées, Paca, etc.) où le nombre de jours d'ensoleillement peut représenter un atout déterminant aux yeux, non seulement du personnel, mais aussi de l'encadrement.

Ainsi, de nombreux paramètres entrent en jeu lors d'une implantation. Les acteurs économiques régionaux prennent progressivement conscience de l'enjeu que représente le développement de la relation client. Un enjeu d'autant plus fort que la marge de progression de ce secteur est encore importante, tant sur le plan du nombre de positions à pourvoir que, bien sûr, sur la qualité de fonctionnement des plateaux. Mais c'est un autre débat...

Laval crée un plateau prêt, à l'emploi

Il n'est plus rare désormais de rencontrer des bâtiments préparés «en blanc» par les organismes de développement économique afin d'attirer les investisseurs. C'est le cas à Laval avec la création récente d'un plateau de relation client par Laval Développement. Opérationnel depuis juin dernier, ce bâtiment «green field» (autrement dit, on part de rien, on construit tout) porte sur une surface de 1 600 m2 environ, dont près de 1 000 m2 destinés au seul plateau téléphonique. «Le bâtiment est doté d'une capacité de 200 positions environ, avec sept bureaux, deux salles de réunion, des locaux techniques, des espaces destinés aux moments de détente, ainsi que des parkings.», détaille Eric Bourges, chargé de projets pour Laval Développement. Selon ce dernier, le site entièrement équipé et meublé est proposé à des conditions attractives par la collectivité lavalloise. «Il est en outre situé en ZRU, zones de redyna misation urbaine - ce qui implique des exonérations de charges sociales et de taxe professionnelle -, et est bien desservi par les transports en commun lavallois.»

«Nous proposons des offres immobilières adaptées»

Didier Cujives, conseiller régional, président de la Commission Industrie, PME-PMI, Grands Groupes et Services, et président de Midi-Pyrénées Expansion.

Quelle est la mission de Midi-Pyrénées Expansion (MPE) et comment s'articule son offre?

Créé et financé par le conseil régional de Midi-Pyrénées, cet organisme a en charge le développement des entreprises et de l'emploi local au travers de deux missions. Il accompagne l'implantation de nouvelles entreprises tout en améliorant l'offre d'accueil des territoires. Il développe aussi les secteurs d'activité prioritaires de la région et anticipe les mutations économiques. MPE s'adresse aux entreprises et collectivités locales et leur propose différents services tels que la prospection des entreprises susceptibles de s'implanter en Midi-Pyrénées jusqu'à la concrétisation de leur projet, le soutien des réseaux d'entreprises et pôles de compétitivité, ou encore l'animation du réseau de pépinières d'entreprises régionales, etc.

Elu président de MPE en juillet 2007, j'ai souhaité donner plus de cohérence et de lisibilité à notre action par la mise en place de deux pôles au sein de la structure. Un pôle Développement sectoriel et Veille économique, qui a pour mission la structuration des filières régionales et le soutien aux pôles de compétitivité et aux réseaux d'entreprises, et des activités de Veille économique; un pôle Offre territoriale et Implantation qui identifie les entreprises susceptibles de venir s'implanter localement et qualifie l'offre territoriale régionale afin de la mettre en adéquation avec les besoins des entreprises.

Quels sont les atouts de la région pour inciter l'arrivée de centres d'appels?

Avec 165 centres d'appels et 7 100 téléconseillers, nous nous sommes imposés comme une des régions leaders en France pour l'accueil des centres d'appels. Cette attractivité résulte de plusieurs facteurs dont une politique d'accueil favorable, grâce à des offres immobilières adaptées, bénéficiant de loyers attractifs. Plus de 6 000 m2 de plateaux dédiés à cette activité sont disponibles ou en projet. La qualité de vie nous place dans le peloton de tête des régions où l'on vit le mieux en France. Toulouse est, par exemple, la quatrième ville de France et aussi la deuxième ville universitaire (113 200 étudiants). Son agglomération accueille près d'un million d'habitants et constitue un bassin d'emploi majeur. Il existe également un réseau de villes moyennes, dont les bassins de population (de 50 000 à 100 000 habitants) ne sont pas saturés avec un fort potentiel de croissance (Cahors, Albi, Mon- tauban, Tarbes...).

En outre, on peut compter sur une forte mobilisation des acteurs locaux du recrutement. En partenariat avec l'ANPE, la région a ainsi été pilote en France pour l'utilisation de la méthode de recrutement par simulation (MRS) pour les centres d'appels. Enfin, les formations adaptées aux métiers de la relation client représentent un autre atout. L'enseignement supérieur y est adapté - il compte une dizaine de BTS «Négociation et relation client» - et réparti sur tout le territoire. De plus, les formations continues sont spécifiques aux demandeurs d'emploi (en partie financées par la région) ou répondent aux besoins des centres d'appels (gestion du temps, gestion du stress, développement de la polyvalence des équipes...).

Comment jugez-vous le marché de l'emploi de la région?

Les centres d'appels participent au développement équilibré en Midi-Pyrénées car ils créent de l'emploi sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, leurs offres d'emploi ne requièrent pas toutes une qualification préalable. Même si les métiers de la relation client se professionnalisent de plus en plus, les offres disponibles permettent à de jeunes diplômés ou à des personnes en recherche d'emploi de s'insérer dans le monde du travail. Concernant le marché de l'emploi, il est très disparate selon les bassins considérés. Sur les trois principaux bassins d'emploi accueillant les plus gros centres d'appels - l'agglomération toulousaine, Albi-Carmaux et l'agglomération de Tarbes -, on peut parfois noter certaines difficultés de recrutement. En revanche, de nombreuses villes moyennes moins développées dans ce domaine offrent à ce jour des perspectives intéressantes. On peut citer Rodez, Decazeville, Saint-Laurent-de-Neste qui sont fortement positionnées sur l'accueil de centres de contacts, mais aussi les sites d'Auch, Cahors, Castres, Montauban ou Pamiers qui peuvent également recevoir de nouveaux projets.

A quels aspects les décideurs de centres de contacts doivent-ils être attentifs avant de venir s'installer dans une région?

Les bassins d'emploi régionaux doivent être à même de fournir une main-d'oeuvre qualifiée, mais également des offres immobilières adaptées. L'accompagnement des acteurs économiques locaux, au cours de toutes les phases de l'implantation, est aussi crucial. Ainsi, avec nos partenaires départementaux (ou territoriaux), nous mobilisons toutes nos ressources pour la recherche de sites adaptés, l'aide au recrutement, à la formation, la coordination avec les divers acteurs économiques et collectivités territoriales, le montage de dossiers d'aides financières et l'information sur le tissu industriel.

Existe-t-il des clubs ou autres associations autour des métiers de la relation client dans la région afin de favoriser les échanges sur les problématiques de ce secteur?

Il n'y a pas à proprement parler de club ou d'association, mais plutôt un réseau d'acteurs et de responsables de centres d'appels qui sait se mobiliser pour l'accueil de nouveaux opérateurs, mais aussi autour d'événements liés à la promotion de ce secteur. Ainsi, en 2007, l'organisme de formation Afpa, en partenariat avec MPE, a présenté à l'ensemble des acteurs les résultats d'une étude conjointe sur le poids et l'évolution des centres d'appels en Midi-Pyrénées. Sans oublier l'organisation, à plusieurs reprises, de la Journée des métiers de la relation client.

Trois questions à Claire Lesbleiz, directrice de la prospection des projets de l'Apim (Agence pour la promotion internationale de Lille Métropole)

Quelle est la situation de votre bassin d'emploi?
Nous sommes sereins, nous disposons de comparatifs avec d'autres grandes métropoles et nous pensons avoir une grande marge de manoeuvre en raison d'un taux de chômage qui est plus fort que la moyenne nationale (environ 12%). Grâce aux dispositifs mis en place localement, avec les maisons de l'emploi et l'ANPE, nous pouvons être très réactifs. Nous sommes également soutenus par la Direction de la formation permanente du conseil régional, qui permet d'organiser des formations dédiées par projet. A titre d'exemple, nous avons absorbé de gros projets de recrutement pour LaSer Contact (500 personnes) et Arvato (100 personnes).


En quoi un taux de chômage élevé est-il un atout?
C'est un point fort dans la mesure où l'entreprise opte pour des méthodes dites par habilités. Celles-ci permettent en effet de déterminer des profils à former. De notre côté, nous mettons les moyens en place pour que, justement, les entreprises puissent former correctement le public.


Avant de s'installer dans une région, quels éléments une entreprise doit-elle prendre en compte au niveau des ressources humaines?
Le projet d'entreprise est déterminant. Il faut donc que les directions affichent un souci d'intégrer leurs salariés et de leur proposer des formations. Il faut apporter de bons outils de travail et garantir une bonne ambiance. Le processus de recrutement se déroule alors vite et dans de bonnes conditions.

 
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Jérôme Pouponnot

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