Vers une meilleure accessibilité numérique des services clients
L'accessibilité numérique des sites de relations client pour les personnes handicapées va entrer dans une nouvelle phase grâce à la loi pour une République numérique. Beaucoup d'entreprises se sont déjà organisées pour nouer une relation directe avec ce public.
Le Sénat examine, mercredi 28 septembre, les conclusions de la Commission mixte paritaire sur le projet de loi pour une République numérique, qui stipule que les entreprises privées devront rendre leurs services clients accessibles, dans les deux ans, aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques. Les services en ligne de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics devront eux aussi être accessibles aux personnes handicapées.
Cette question de l'accessibilité numérique, qui n'avait pas été abordée par la loi de 2005 sur l'Egalité des chances, doit beaucoup au mode d'élaboration collaboratif du projet de loi porté par Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au Numérique. "Les usagers, les associations, les prestataires se sont emparés du sujet. Par rapport à 2005, on est enfin entré dans le concret. On donne une perspective aux sourds, qui restent le public le plus isolé car il n'y a pas de traduction écrite de la langue des signes. 80% des sourds sont analphabètes fonctionnels en français car c'est une autre langue qu'ils doivent apprendre", souligne Caroline Mitanne, p-dg de Sourdline Développement, société qui permet aux sourds et aux entendants de communiquer plus facilement via un centre relais téléphonique.
Les services clients des entreprises et les services d'accueil téléphoniques des services publics devront fournir un service de traduction simultanée écrite et visuelle "sans surcoût aux utilisateurs finals". Ces services pourront être assurés directement ou confiés à un opérateur spécialisé qui en assurera la mise en oeuvre et l'exécution.
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Viser un maximum de critères
Plusieurs référentiels d'accessibilité sont disponibles : AcessiWeb, marque déposée par BrailleNet, est plutôt utilisée pour les sites privés, et le Référentiel général d'accessibilité des administrations (RGAA) pour le service public. Selon leurs critères, les images porteuses d'information doivent proposer une alternative textuelle et une description détaillée, les couleurs doivent être suffisamment contrastées, les contenus multimédia doivent être sous-titrés ou avoir une audiodescription synchronisée...
"Quand on lance une démarche d'accessibilité, on prend en compte tous les types de handicaps. On regarde aussi jusqu'où aller, en respectant un maximum de critères, sans viser forcément la labellisation, qui serait souvent trop lourde en termes de maintenance, de coût, de recrutements... Développer un site accessible peut coûter 1,5 fois le prix d'un site non accessible. Pour les contenus mis en ligne au fil de l'eau, l'entreprise doit prendre le relais", souligne Jean-Michel Leroy, expert AcessiWeb et directeur de projet à l'agence digitale Tild.
Créer une relation directe avec la marque
Beaucoup d'entreprises n'ont pas attendu la loi pour s'intéresser à l'accessibilité numérique. Le secteur privé est d'ailleurs plus avancé que les administrations sur le sujet. Des sociétés comme vente-privée.com, Le Redoute, La Macif, Canal+... proposent un bouton pour accéder aux services de Sourdline. Le prestataire propose aussi d'entrer en communication vidéo avec un interprète. "La démarche est toujours portée par une personne dans l'entreprise, puis on se rend compte que cela a aussi un impact commercial. Un site accessible permet aux personnes handicapées de créer une relation directe avec la marque et de fidéliser les clients", note Caroline Mitanne.
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Chez Norauto, la démarche est partie de l'accord d'entreprise sur le handicap des collaborateurs. En miroir, le groupe s'est posé la question de l'accessibilité pour ses clients sourds, qui devaient se déplacer en magasin pour faire part de leur demande et lire sur les lèvres des vendeurs. "Nous communiquions de plus en plus par SMS avec ces clients. Il fallait trouver une solution qui permette aux collaborateurs de ne pas être en difficulté face à un client et aux clients de mieux communiquer avec notre enseigne. La question de l'externalisation de cette compétence de prise de contact à distance avec Sourdline s'est imposée comme un pas de plus que nous faisons vers nos clients", explique Loïc Betremieux, responsable du centre de contact client de Norauto.
La solution, déployée depuis début juillet, est bien accueillie par les équipes de relation client : "Beaucoup de magasins attendent de pouvoir se connecter au service. Nous nous focalisons sur un bassin où il y a une demande. Quand cette fonctionnalité sera bien déployée et connue du public, Sourdline sera un apporteur de clients et de prospects", note Loïc Betremieux. L'engagement de l'entreprise sur l'accessibilité se prolonge parfois au-delà de la stricte relation client. Canal+, qui sous-titre beaucoup de ses matchs de foot, a noué une relation particulière avec le public sourd. La chaîne a désormais une équipe de foot sourd à son effigie. La démarche est aussi une source de fierté pour les collaborateurs qui travaillent pour une entreprise à l'écoute des autres.
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