Les consommateurs vont-ils remplacer les services clients ?
Le tchat communautaire déleste les centres de relation client et renforce les liens entre les clients d'une entreprise. À condition de ne pas surestimer les capacités d'un tel service, explique Vincent Placer, directeur associé de Colorado Groupe.
À l'ère du digital, les innovations et les canaux de contacts se multiplient à une telle vitesse que les marques ont parfois à peine le temps de déployer un nouveau mode de relation avec leur client, qu'une pression, interne ou externe, se fait déjà sentir pour l'enrichir encore. Au cours des dernières années, l'adoption de canaux digitaux comme le tchat, le mobile, le click-to-call, les réseaux sociaux, de même que le développement du selfcare (FAQ dynamique, base de connaissance interactive...) ont occupé, et occupent encore, l'agenda des directeurs de la relation client.
Parmi les innovations récentes, la mise en place d'un service de tchat communautaire est particulièrement en vogue. Ce service offre à tout visiteur la possibilité d'adresser une question à l'ensemble des autres visiteurs présents et d'espérer ainsi une réponse en temps réel et à toute heure. Pour les plus enthousiastes, ces services pourraient permettre de réaliser des économies sur les coûts de gestion en transférant sur les clients une partie de la sollicitation jusqu'ici gérée par les conseillers clients. L'avènement du selfcare, du mail ou du tchat avaient en leurs temps entraîné des promesses équivalentes sans qu'un effet significatif sur les effectifs des centres clients des entreprises aient toujours été constatés.
Le tchat communautaire n'est pas une révolution
Par essence, l'attachement des clients à une marque crée une communauté dont les entreprises ont su tirer parti bien avant la révolution numérique. Le parrainage, la vente entre particuliers, les témoignages clients sont quelques exemples des techniques qui ont permis aux marques de prendre appui sur leur communauté pour développer leurs ventes ou leur notoriété.
Parallèlement, avant même que les marques commerciales n'y prennent directement part, les premiers espaces de discussion communautaires ont suivi de près la naissance des réseaux numériques. Les premiers groupes Usenet, qui mettaient en relation des passionnés d'informatique ou de jeux vidéo, sont apparus dès les années quatre-vingt. Au gré des modes et de la multiplication des formats, des communautés thématiques ont trouvé des espaces de discussion dans des forums, des blogs, des sites MySpace, des pages Facebook, des fils de discussion sur Twitter...
L'entraide communautaire enrichit la relation client des marques
De plus en plus de sites e-commerce proposent aujourd'hui une solution de mise en relation communautaire instantanée au sein de leur site ou dans leur application mobile: Kiabi, Weldom, Lancôme, sans oublier bien sûr BlaBlaCar, dont l'échange entre pairs constitue le coeur de son offre d'auto-partage.
Comme Christian Licoppe le soulignait dès 2003, "tout indique que la consommation sur Internet est et restera pour des années une pratique distribuée, mêlant navigation, consultation et achat sur les sites d'une part, et échanges interpersonnels par lettre, e-mail ou téléphone de l'autre. Les usages sont enchevêtrés, sautant d'une médiation à une autre pour que la transaction puisse se clore."
À ce titre, l'enrichissement de la relation grâce à un dispositif de tchat communautaire est significatif car il permet de traiter de questions qui n'auraient souvent pas trouvé de réponse via les canaux d'interaction traditionnels de la marque et de faciliter le parcours d'achat. D'ailleurs, les consommateurs utilisent surtout l'avis de la communauté comme une aide au choix et posent des questions ouvertes ou pointues: "je cherche une idée cadeau pour un passionné de cinéma", "ce modèle de PC permet-il de faire de la création graphique". Les plateformes d'entraide fonctionnent ainsi d'autant mieux qu'elles fédèrent une communauté sur une thématique circonscrite.
De ce point de vue, la plateforme de tchat communautaire du site Pecheur.com, une filiale du groupe Decathlon, permet d'adresser des questions d'un niveau de technicité qui connaît peu d'équivalents ("Quel matériel me conseillez-vous pour la pêche au bar sur la Côte d'Azur?") et de fédérer une communauté de passionnés. S'il existe d'autres espaces de discussion sur le même thème, la possibilité d'une mise en relation en temps réel est un gain de temps pour le visiteur et une garantie pour la marque d'éliminer des ruptures éventuelles dans le parcours d'achat.
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L'entraide communautaire réduit pas les coûts de service client
Sur ces espaces de discussion digitaux, les consommateurs partagent des conseils et des avis qui sont des incitations utiles pour concrétiser ou compléter son panier de commande mais ne peuvent se substituer au support que la marque doit à ses clients concernant le traitement des réclamations, le suivi de commande, les détails du paiement. Seule l'entreprise dispose des informations permettant d'apporter une réponse pertinente dans ce type de situations, et ses clients attendent qu'elle le propose.
Quand bien même ces plateformes permettraient de traiter des demandes qui soulageraient les services clients, ces gains seront rapidement compensés par la nécessité de mettre en place une supervision ou une intervention quand des situations qui sortent du cadre de l'entraide entre consommateurs commencent à générer une frustration (indisponibilité persistante d'un produit, important retard de commande, ...). Il faudra également palier l'absence de réponse éventuelle dans la communauté de pairs et former les conseillers classiques aux questions d'utilisation que ces nouveaux canaux de relation peuvent engendrer.
En outre, pour tirer pleinement parti des investissements liés à la mise en place de cette solution, des investissement additionnels sont recommandés (analyse des remontées pour améliorer l'offre et le service, animation et récompense de la communauté des plus forts contributeurs...).
Adopter un système d'entraide communautaire sera donc d'autant plus pertinent que l'offre de produits et services est suffisamment affinitaire pour fédérer une communauté d'expert. De même, il est nécessaire que le service soit perçu d'emblée comme un moyen d'enrichir la relation et l'engagement client en complément du service client de la marque. La mise en place de ce type de projets doit aussi s'accompagner des moyens nécessaires pour en tirer parti au-delà du simple gadget technologique. En matière de relation client, le chat communautaire est un donc davantage un "complément vitaminé" qu'un "substitut de repas"!
Pour aller plus loin:
10 marques qui misent sur leur communauté de clients
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