Relation client : halte à la lobotomisation !
Action Co : Vous dénoncez justement une forme d'industrialisation de la relation client en France...
Daniel Ray : La relation client en France est marquée par une double tendance de fond : l'accélération des pratiques de fidélisation clients avec des dispositifs de plus en plus sophistiqués, et, en parallèle, une perte de sens par rapport à ces actions. Mettre en place des process et y ajouter des KPI afin de contraindre les commerciaux à les respecter est une erreur fréquente. En effet, ce mode de fonctionnement poussé à l'extrême débouche in fine sur une "lobotomisation de la relation client". En réalité, aucun process ne peut régir les centaines de microdécisions que doivent prendre les commerciaux au quotidien. Pourtant, à force de leur faire respecter les normes aveuglément, certains perdent le sens du client et deviennent cyniques.
Ainsi, pour appliquer à la lettre le protocole "Sourire, Bonjour, Au Revoir, Merci", ils en viennent à parler comme des robots, ou pire encore, de manière désagréable...
Que préconisez-vous alors?
DR : Plutôt que d'industrialiser à outrance la relation client, les entreprises doivent d'abord déployer une vraie culture client en interne. À savoir, des croyances et des valeurs partagées qui permettent aux collaborateurs de savoir comment se comporter. C'est sur ce socle essentiel que peuvent ensuite se greffer des normes et des process qui, alors, font sens. Les études scientifiques montrent qu'investir dans une vraie orientation client accélère fortement la rentabilité des investissements sur les normes et les process! Cette orientation client se traduit par une réelle préoccupation, à tous les niveaux de l'entreprise, d'assurer la satisfaction des clients de façon durable. Elle se reflète dans les attitudes des collaborateurs (véhiculant des valeurs d'empathie et de respect) mais aussi dans un mode d'organisation réellement centré clients. Cette culture repose sur trois dimensions complémentaires : l'impulsion stratégique, qui dépend, entre autres, du niveau d'implication visible et durable de la direction et des managers de proximité, la connexion client, qui porte sur l'écoute et l'utilisation des informations clients afin de reconstituer leurs parcours et besoins, et enfin, l'autonomie et la responsabilisation des équipes.
Ayant souvent été confronté à des demandes d'entreprises désireuses d'améliorer leur niveau de culture client, j'ai participé à la création, fin 2013, du COS - Customer Orientation Score - un outil opérationnel propre à mesurer à la fois la culture client de l'organisation et l'orientation client des collaborateurs (cf. l'encadré ci-dessus).
Zoom : Le COS : un outil scientifique de mesure de la culture client
Le COS, ou Customer Orientation Score, est un outil de diagnostic créé en 2013 par Daniel Ray, via sa société Academics For Business. Il permet de mesurer le niveau de culture client d'une entreprise mais aussi celui de ses collaborateurs. Comment ? En se fondant sur les recherches scientifiques du domaine combinant trois champs différents : l'orientation client, le management de la réclamation client et les recherches en cognition sociale implicite, relevant à la fois de la psychologie et du marketing. " Nous utilisons des techniques éprouvées en psychométrie, et d'autres plus nouvelles, issues des neurosciences, afin de valider la fiabilité des réponses ", commente Daniel Ray.
La direction de l'entreprise est fortement incitée à participer, notamment pour évaluer l'impulsion stratégique au plus haut niveau. L'analyse permet ensuite de croiser les résultats de chacune des 20 sous-dimensions du COS (par exemple : orientation client de la direction, recueil des réclamations, réactivité, degré de liberté laissé au front-office, etc.) par service, magasin, centre de contacts... permettant d'agir au bon endroit et sur les bons leviers. En un an, plus d'une cinquantaine de sociétés ont déjà été évaluées (Kiabi, Cofidis, etc.) avec des collectes allant de 10 à 1500 collaborateurs à la fois. À ce jour, la base de données constituant le benchmark contient les réponses d'environ 7500 personnes et de plus de 50 dirigeants.
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