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Lutte contre la publication de faux avis: l'indispensable collaboration des plateformes

Publié par Stéphanie Marius le - mis à jour à
Lutte contre la publication de faux avis: l'indispensable collaboration des plateformes

Alors que 74% des Français ont déjà renoncé à acheter un produit en raison de commentaires négatifs, le Parlement européen a voté un texte renforçant les sanctions contre les plateformes affichant ou rédigeant de faux avis.

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Trois ans après la création de la loi pour une République numérique en France, le Parlement européen se penche sur le fléau des faux avis en ligne. Ainsi, le 1er janvier 2019, un texte visant à mettre à jour les règles en matière de protection des consommateurs est adopté, stipulant: "les places de marché en ligne et les services comparateurs (comme Amazon, eBay, Airbnb [...]) devront [...] préciser s'ils procèdent à des vérifications concernant l'authenticité des avis relatifs à leurs produits."

Les députés ajoutent notamment à la liste noire des pratiques commerciales déloyales "les pratiques trompeuses pour le consommateur consistant à déclarer qu'un avis est fiable alors qu'aucune mesure raisonnable et proportionnée n'a été prise pour s'en assurer". "Il convient de noter que cette loi intervient tardivement, commente Gérard Haas, avocat associé au sein de Haas Avocats, cabinet spécialisé en droit du digital. Il aura fallu une dizaine d'année pour agir."

Les sanctions prévues apparaissent considérables, de nature à toucher des géants du Net: pour une publication de faux avis causant un préjudice à des consommateurs d'au moins trois États membres de l'Union européenne, l'amende peut atteindre 4% du chiffre d'affaires annuel réalisé l'année précédente dans les États concernés, selon le Parlement européen.

La directive, qui a obtenu le feu vert du Parlement et du Conseil européens, doit être publiée prochainement (la date n'a cependant pas encore été communiqué) au Journal officiel de l'UE et sera transposée dans les États membres dans les 18 mois suivant son adoption.

Une clarification des sanctions

En France, l'arsenal législatif existant contre les fraudeurs est lourd -deux ans de prison et 300000 euros d'amende(1)- mais les condamnations demeurent peu nombreuses et largement en-deçà de ce seuil. "Nous avons assisté récemment à la condamnation pénale de l'entreprise Concileo pour la commercialisation de faux avis, indique Loïc Tanguy, directeur de cabinet à la DGCCRF. La sanction s'est élevée à 50000 euros."

De même, "la cour d'appel de Dijon le 20 mars 2018, le TGI de la Réunion le 16 juin 2017 ainsi que le tribunal d'Aix-en-Provence le 22 février 2018, notamment, ont condamné des auteurs d'avis publiés alors qu'ils n'avaient pas bénéficié des services évoqués", renchérit Maître Haas. Les sanctions vont du simple retrait des commentaires au versement de dommages et intérêts.

Les acteurs désireux de certifier leur sérieux concernant la gestion des avis présents sur leur plateforme peuvent se tourner vers l'Afnor, laquelle délivre depuis septembre 2013 des certificats NF Services aux sites web capable de démontrer la fiabilité de leur traitement. Une certification en cours d'évolution, cependant: selon l'organisme, la norme NF Z74-501 devrait être remplacée prochainement par la norme ISO 20488, dont le contenu n'est pas encore dévoilé. "Pour autant, il faut avoir à l'esprit que les garanties prévues par la certification ne s'imposent pas au juge en cas de litige car il s'agit d'une norme technique, non juridique", précise David Forest, maître de conférence en droit associé à l'École de management de la Sorbonne.

Certains acteurs mettent en place des procédures internes pour améliorer la vérification des avis. Ainsi, TripAdvisor, dont la plateforme compte plus de 730 millions d'avis (256 nouveaux commentaires postés par minute) s'est doté d'un algorithme afin de faciliter le repérage d'avis suspects: "Nous utilisons des techniques semblables à celles adoptées dans le secteur des cartes de paiement et dans le secteur bancaire pour détecter des comportements frauduleux", explique Bernie Torres, responsable de la communication de TripAdvisor en France. Par ailleurs, plusieurs centaines de collaborateurs sont dédiés à la vérification manuelle et à l'identification proactive des fraudeurs. "Au cours des quatre dernières années, notre équipe a mis un terme à l'activité de plus de 100 sociétés d'optimisation dans le monde", précise Bernie Torres. Enfin, une échelle de sanctions est prévue pour les établissements fraudeurs, notamment la diminution de leur indice de popularité et l'ajout d'un message d'avertissement sur leur "page établissement".

La nécessaire coordination entre pouvoirs publics et plateformes éditrices

Des actions scrutées en France par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). L'organisme a instauré depuis le 1er janvier 2018 une obligation de transparence et de loyauté à destination des plateformes éditrices. "Les mesures mises en place par les plateformes ont été très insuffisantes, affirme Loïc Tanguy (DGCCRF). Une seule entreprise s'est mise en conformité avec nos demandes."

De son côté, la DGCCRF a recruté deux data scientists l'an dernier, afin de travailler sur un algorithme permettant de mettre en évidence de manière automatisée les faux avis. "L'algorithme fera ressortir un indice de crédibilité et fera remonter ce qui lui paraît suspect. Nous essaierons de retrouver l'origine de ces avis pour savoir si des entreprises se cachent derrière. Nous prévoyons d'avoir des résultats d'ici six mois à un an", assure le directeur de cabinet. Cependant, l'organisme confesse avoir peu de prise sur les entreprises spécialisées dans la vente de faux avis non situées en France. Ainsi, les plateformes acheter-des-avis.com, reliée à l'entreprise indienne Digiketing, et acheter-des-fans.com, déjà dénoncées par le journal Libération en mars 2018(2), opèrent toujours.

De même, la DGCCRF confie ne pas pouvoir chiffrer le nombre de faux avis ou indiquer une tendance à la hausse ou à la baisse concernant leur production.

Selon l'organisme, la clé du succès se trouve dans l'alliance avec les plateformes: "Nous espérons que les dispositifs mis en place vont obliger les plateformes à être plus regardantes. Elles possèdent des moyens humains beaucoup plus importants que les nôtres, conclut Loïc Tanguy. Nous attendons de leur part qu'elles soient capables de faire mieux que nous." Si les moyens de détection demeurent perfectibles, l'élargissement au cadre européen permettra-t-il d'harmoniser les outils de lutte entre les acteurs européens et les États membres de l'UE?

(1) Loi Châtel du 3 janvier 2008, renforcée après l'affaire dite "de la viande de cheval".

(2) "Les faux avis, un business qui se tarit", Libération.


 
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