"À l'intérieur du cerveau, le système émotionnel est prépondérant" , Marc Van Rymenant
Marc Van Rymenant, auteur de "Homo-Sapiens, 300000 ans d'expérience client: ce que les sciences comportementales peuvent apporter aux entreprises", souligne l'importance du système émotionnel de chaque individu. Il exhorte les entreprises à entrer dans le cerveau de leurs clients.
Vous avez écrit cet ouvrage intitulé "Homo-Sapiens 300000 ans d'expérience client", comment vous est venue l'idée de ce livre?
Régulièrement, quand j'étais en entreprise, je voyais au fur et à mesure des années ce terme d'expérience arriver massivement. Je me suis rendu compte aussi que, si ces deux mots, expérience et client, sont très simples individuellement, il manquait trop souvent un réel volet lié à l'être humain quand ils étaient associés. Or, finalement, un être humain de sa naissance à sa mort ne fait que vivre des expériences. Je me suis dit également qu'après 23 ans dans le conseil, j'avais envie de partager le savoir accumulé au fur et à mesure des années. Sapiens a ainsi été le nom d'un programme que je lance autour de la connaissance client et dont mon livre est la première brique.
Vous expliquez dans votre ouvrage, qu'étant jeune, vous aviez un trouble de la communication sociale pragmatique, dont vous avez su tirer des enseignements au bénéfice des logiques de relation client. Expliquez-nous...
Étant jeune, en effet, j'avais beaucoup de mal à comprendre les modes de fonctionnement entre les différentes personnes. J'étais malheureux car à chaque fois que j'essayais d'entrer en communication avec quelqu'un, je me heurtais à des difficultés. Rapidement, j'ai essayé pour m'adapter de comprendre comment fonctionnaient mes amis. Après avoir beaucoup travaillé sur moi-même, j'ai développé une passion pour le comportement humain et j'en ai fait un métier.
Vous parlez de l'expérience client comme de la nouvelle égérie de la société de consommation moderne... Comment cela se manifeste-t-il, selon vous?
Ce dont je me suis rendu compte, c'est que les entreprises se sont un peu perdues. Dans un monde d'abondance, le produit en lui-même ne suffit plus. Au lieu de s'organiser pour que des humains parlent à des humains, les organisations ont ajouté des process. Je suis profondément convaincu que dans moins de cinq ans, les organisations qui n'auront pas pris en compte le mode de fonctionnement de l'être humain vont devenir les nouveaux analphabètes du business.
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Vous soulignez que 95% des activités cérébrales des clients sont non conscientes. Et vous invitez les professionnels à explorer les ressorts du cerveau de leurs clients. Quels conseils pouvez-vous apporter?
Pour faire simple, nous sommes dans un monde dans lequel nous pouvons utiliser nos ressources rationnelles mais biologiquement nous n'avons pas été créés comme cela. Nous l'avons été pour avoir des pensées extrêmement rapides, basées sur des expériences passées et qui nous permettent dans un premier temps de survivre. Les activités disparates à l'intérieur du cerveau sont complètement non conscientes, le système émotionnel est prépondérant. En complément de l'activité électrique des 180 fonctions cérébrales, le cerveau sécrète aussi des substances chimiques, les neuromodulateurs, suivant la nature de la pensée émotionnelle activée. Nous avons donc un cerveau câblé et un cerveau hormonal admirablement complémentaires. Ces activités cérébrales sont prédictives, ce qui ouvre un monde d'apprentissages. Plus on est soumis à un stress et plus le système émotionnel prend le dessus sur le système rationnel.
Comment appliquer ces théories autour du cerveau, concrètement, dans l'entreprise?
Dans le domaine des interfaces digitales et de la connaissance client, des techniques sont dérivées de la connaissance des neurosciences. Un transfert du monde scientifique vers le monde du business est de plus en plus présent. Ce que j'observe avec l'expérience, c'est que neuf réflexes que je détaille dans mon ouvrage donnent une base pour travailler en profondeur la connaissance du client. Pour moi, par exemple, il est anormal qu'un CEO ne soit pas en contact avec les clients finaux autant que quelqu'un dans l'opérationnel. Il faut également travailler la qualité de l'expérience par rapport à ce qu'anticipent les clients et proposer une expérience qui se situe au-dessus de cet attendu, lequel ne sera pas le même en fonction du secteur d'activité de l'entreprise. Dès que vous mettez des mesures sur l'expérience client, vous ne faites pas le lien forcément avec le business. Pour moi, la seule mesure qui compte pour une entreprise, c'est le fait que si les clients sont contents, ils vont continuer à acheter. C'est donc la réussite économique qui est le meilleur indicateur. Au lieu de mesurer une expérience client, on doit observer des comportements client.
Analyser un comportement... comment s'y prendre?
Il y a de nombreuses techniques différentes, comme notamment l'observation de terrain, les interviews de clients... Des chercheurs, par exemple, ont travaillé avec Coca-Cola. Ils demandaient aux personnes interviewées trois jours avant de venir, de prendre une dizaine de photos exprimant au mieux les moments de consommation de leur Coca-Cola, sans montrer la marque. Ces techniques permettent de rester dans une démarche ouverte et de mettre en perspective les comportements réels des clients.
Vous dites que la simplicité est importante dans la pratique professionnelle. En quoi cela s'applique-t-il aux métiers de la relation client?
Naturellement l'être humain a tendance à ajouter. Dans une organisation, il est très important de se demander comment on peut enlever des process, simplifier. Une bonne pratique consiste à se laisser aller à la complexité dans un premier temps et ensuite à la réduire au maximum.
Toucher le cerveau émotionnel est-il le nerf de la guerre pour toucher le coeur des clients?
Il est très important de différencier une émotion non consciente d'une émotion consciente. Des émotions, nous en avons tout le temps, chaque milliseconde, car le système émotionnel est toujours en activité même pendant le sommeil. Il faut mettre du pragmatisme au service de l'expérience client. L'expérience anticipée est à l'origine de tout comportement. Elle se réfère à du vécu passé et à son contexte. Ces antécédents évolutifs influencent tous les actes de vos clients. Bien cerner l'expérience anticipée permet de mieux comprendre la motivation du client, ce qui va le pousser à réaliser une action. La motivation du client sera impactée de manière significative par le niveau de récompense attendu. Plus celui-ci sera élevé, plus la récompense revêtira d'importance, plus la motivation à agir sera grande. Aussi, créer des expériences au-dessus de l'attendu est la base et utiliser des termes comme l'enchantement des clients me semble uniquement réservé à un très petit nombre de marques qui ont en effet ce potentiel d'imaginaire.
Son parcours
Marc Van Rymenant est le fondateur de SapiensUX, une entreprise spécialisée dans l'expérience client. En combinant (neuro)sciences comportementales et design, il accompagne des entreprises du CAC40 depuis deux décennies. Sa passion l'a amené à être conférencier et formateur en entreprise dans les domaines de l'expérience client et de l'expérience utilisateur. Il est l'auteur de Homo-Sapiens, 300000 ans d'expérience client: ce que les sciences comportementales peuvent apporter aux entreprises.
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