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Maxime Didier, Président de b2s

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Douze ans après la création de b2s, qui figure dans le peloton de tête des outsourceurs français, Maxime Didier avoue être fier de l'évolution de son métier. Mais regrette que l'outsourcing ne soit pas encore connu et reconnu à sa juste valeur.

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@ Photos : Marc Bertrand

Quelles ont été les grandes étapes de la vie de b2s?

En 1996, nous avons créé, à deux, une petite entreprise dans le domaine de l'émission d'appels, que nous avons développée jusqu'en 2002. Cette année-là, nous avons eu un choix à faire: soit continuer sur ce créneau, soit nous positionner sur les grands services clients que l'on voyait apparaître, tirés par l'industrie des télécoms, mais auxquels nous n'avions pas accès car nous étions trop petits. Nous avons alors décidé de faire partie des premiers acteurs du marché. Et, pour cela, nous avons procédé à l'acquisition successive de plusieurs entreprises, dont la plus grosse était Hays Ceritex, qui avaient toutes comme caractéristiques communes d'être déficitaires et filiales de groupes dont ce n'était pas le coeur de métier.

Ces acquisitions avaient pour objectif de couvrir l'intégralité du cycle de vie d'un client - télémarketing, télévente, service client, support technique, rétention, recouvrement... - et, autant que faire se peut, les différents secteurs: télécoms, banque-assurance, services à valeur ajoutée, service public...

L'idée était ensuite d'organiser ces entreprises, qui avaient des histoires et des modèles différents, pour en faire un ensemble cohérent, rentable et attractif. Nous avons procédé à cette réorganisation avec comme variable d'ajustement le compte de résultats. Dès le début, nous avons pris le parti de servir au mieux nos clients et de ne jamais les pénaliser dans les actions de restructuration. Nous avons donc regroupé, fermé et revendu des sites, avec, évidemment, le bruit social que ce type de manoeuvre engendre inévitablement. Mais, globalement, nous avons essayé de faire les choses du mieux possible. En mai 2004, nous avons ouvert notre première implantation off-shore à Casablanca. Nous avons sans doute été les derniers à le faire parmi les acteurs significatifs.

Pourquoi être allé si tard à l'off-shore?

Nous étions occupés à réorganiser ce que nous avions acheté. Et, pour démarrer à l'off-shore de manière solide, il faut un gros client. Nous avons réussi à convaincre l'un de nos principaux clients dans les télécoms que nous étions capables de développer, en continuité de ce que nous faisions pour lui en France, quelque chose de robuste au Maroc.

En juin 2006, nous avons renforcé l'actionnariat avec l'entrée de iXEN au capital. Cela était nécessaire car nous étions attaqués par nos «bienveillants» confrères sur notre structure financière, parce que, bien sûr, en juxtaposant des entreprises qui perdent de l'argent, on perd de l'argent.

Où en est b2s aujourd'hui?

Nous avons atteint la taille critique: la phase de restructuration est derrière nous depuis la fin du dernier exercice. En juin 2008, nous affichions un résultat d'exploitation et un résultat net tous deux à l'équilibre, très légèrement positifs. Ce qui marque la fin des «travaux d'Hercule» et la réussite du redressement de l'entreprise et donc du projet initial de faire un ensemble cohérent de ce que l'on rachetait.

Aujourd'hui, nous avons plus de 100 donneurs d'ordres actifs, dont 55% dans les télécoms et aucun d'entre eux ne représentant plus de 25% du chiffre d'affaires; 1 800 positions sur six sites en France, 1 200 positions sur trois sites au Maroc. Notre qualité d'exécution, assez largement reconnue, a été le nerf de la guerre et nous a permis non seulement de conserver nos clients mais aussi de développer notre business avec eux. Nous n'aurions jamais réussi à traverser ces moments difficiles s'ils ne nous avaient pas suivis, d'autant plus que, parmi eux, certains gros annonceurs ne nous avaient pas choisis.

«Il faut davantage faire partager l'utilité sociétale de notre métier»

Parcours

Diplômé de l'European Business School (1987), Maxime Didier, aujourd'hui âgé de 41 ans, crée sa première entreprise en 1990, Diagora, une SSII spécialisée dans les progiciels de gestion, qu'il cède en 1994. Il devient ensuite consultant indépendant pendant deux ans, puis cofondateur de b2s en 1996.

«Les années passent et je suis de plus en plus fier de ce que l'ont fait de ce métier.»

En dehors des clients, à quoi attribuez-vous ce redressement?

A l'addition de cinq facteurs qui créent de la différenciation. Le premier, ce sont des valeurs d'entreprise forgées autour du client, du service et de la performance. Nous sommes nés dans une période où l'on n'achetait plus les agents à l'heure et où l'on formulait déjà des contrats à la performance. Cela nous a amenés à être très orientés business et client. Le deuxième facteur tient à l'organisation de l'entreprise par filiales, avec à leur tête des patrons. Une organisation très décentralisée et très courte et qui, au final, est très agile. Le troisième facteur, c'est l'excellente qualité de nos équipes de management. Nous avons mis beaucoup de temps à trouver les bons profils. C'est sans doute le point que nous avions le plus mésestimé. Aujourd'hui, nous insistons beaucoup sur la formation, l'accompagnement de nos managers. Pour la première fois, nous venons d'ailleurs de nommer un directeur de site qui vient des rangs de b2s. Et quand vous avez de bons managers, engagés, une culture d'entreprise qui met le client au centre, vous avez une bonne qualité d'exécution: c'est le quatrième facteur. Quant au dernier facteur, il s'agit de la couverture géographique, France et off-shore.

Aujourd'hui, faut-il impérativement disposer des deux offres, France et off-shore?

Oui. On ne peut pas écarter du revers de la main le bénéfice que tirent les clients d'un coût plus faible et d'une flexibilité plus grande. Tout ne partira pas off-shore, mais tout ne restera pas on-shore. Donc, il ne faut pas être dogmatique. Aujourd'hui, les clients nous posent des questions, nous soumettent des flux et il faut savoir mettre en face les niveaux de compétences et de coûts adéquats. Ce que nous avons très bien su modéliser, c'est la capacité de réplication off-shore de quelque chose qui marche bien en France. Il existe aussi des services pour lesquels nous sommes plus performants au Maroc qu'en France. Le Maroc est très bon pour tout ce qui est rétention, action marchande, support technique...

Mais, à mon avis, la porte de l'off-shore est aujourd'hui fermée pour les acteurs qui n'y sont pas. Il existe, en effet, cinq offres combinées solides, ce qui paraît largement suffisant pour les grands donneurs d'ordres.

Allez-vous encore mener une politique d'acquisitions?

Notre objectif de couverture des métiers, des marchés ainsi que de taille critique est atteint. Et nous connaissons, mieux que quiconque, le coût de la croissance externe et de la rationalisation. Aujourd'hui, nous avons clairement une stratégie de développement organique, tout en n'écartant pas les options de croissance externe ciblées - sur des spécialisations pointues - qui pourraient se présenter. La conjonction d'un retour à la normalité économique dans l'exploitation, de bonnes performances et de la non-réalisation de mauvais augures récurrents font que, aujourd'hui, nous observons un attrait renouvelé pour b2s.

Douze ans après la création de b2s, quel regard jetez-vous sur l'évolution de votre métier?

Incontestablement, il y a eu de très belles réalisations, comme la création du syndicat patronal, le SP2C, à laquelle j'ai modestement contribué. Il est particulièrement bien piloté par Laurent Uberti et l'on peut s'enorgueillir de voir, à une ou deux rares exceptions, les vingt plus gros acteurs du marché autour de la table. C'est une avancée majeure. Néanmoins, nous avons encore un peu de mal à faire comprendre et partager l'utilité sociétale de notre métier. Je regrette que l'on n'ait pas encore réussi, collectivement, à faire valoir toutes les belles histoires, les réussites, ces milliers de gens recrutés par habiletés, etc. pour que l'on ne retienne finalement que les deux ou trois exemples montés en épingle par les médias et qui, en fait, cachent de manière outrancière un métier qui a remis le pied à l'étrier à beaucoup de jeunes et de gens. Je dis aussi de «gens» parce que, au niveau des seniors, des handicapés ou encore des chômeurs de longue durée, nous avons de superbes histoires. Les années passent et je suis de plus en plus fier de ce que l'on fait de ce métier, au-delà de b2s. Et je regrette que l'on ait autant de mal à le faire savoir. Nous avons encore du chemin à faire.

Mais comment mieux le faire savoir?

C'est surtout un travail de transparence. Il faut que l'on passe plus de temps à montrer aux leaders d'opinion ce qu'est notre métier, ce que l'on y fait. Lorsque l'on nous dit «Vous êtes les ouvriers du XXIe siècle», je suis à la fois fier et déçu. Déçu que cela soit devenu péjoratif - et c'est un problème de société - et, en même temps, fier parce que, par rapport à la mine ou au travail à la chaîne, nos collaborateurs sont assis sur des sièges ergonomiques, dans des locaux climatisés, pratiquent un vrai métier, qui a du sens. Mais un métier que nous devons arriver à mieux faire partager. Bien sûr, c'est un métier nouveau et je ne suis pas certain que tous les partenaires sociaux aient pris le soin d'y apporter l'attention qu'il mérite, même si j'ai l'impression que c'est en train de changer. En fait, j'ai du mal à comprendre à qui profite cette diabolisation. Pas à nos salariés qui, quand on leur dit que leur travail ne vaut pas grand-chose, sont vexés, insultés d'une certaine manière et perdent en employabilité. Pas aux employeurs qui n'ont certainement pas intérêt à présenter ainsi leurs collaborateurs. Pas à nos clients. Alors à qui? J'ai fait l'hypothèse, mais je peux me tromper, qu'il y a peut-être là une tentative de recrutement...

Quelle est votre opinion sur le Label de Responsabilité Sociale?

C'est aussi, très clairement, une avancée. Il y a peu de métiers aujourd'hui qui, de cette manière, ont fabriqué un cahier des charges, confié à une commission paritaire la définition de la hauteur de la barre et qui font auditer à l'extérieur. Nous pouvons en être collectivement fiers. C'est quelque chose d'innovant.

Comment jugez-vous l'évolution des relations avec les donneurs d'ordres?

Elles se sont professionnalisées. La fonction relation client est incontestablement montée au sein des organigrammes de nos clients; leurs organisations se sont solidement renforcées d'experts de nos métiers, venant souvent d'ailleurs des prestataires.

Actuellement, il y a un grand débat concernant les prix, sur lesquels il y a une prise de conscience collective. Qu'on le veuille ou non, nous sommes dans un système capitaliste qui fonctionne sur l'offre et la demande. Il existe un sujet de fond sur cette équation et sur la régulation de l'offre. Notre industrie a eu accès à la subvention publique, directe et indirecte, de manière assez importante. Ce qui a permis artificiellement à des entreprises de gagner de l'argent ou de maintenir des prix bas. Cela devrait faire réfléchir les pouvoirs publics, parce que c'est assez éphémère. Quelque part, en subventionnant l'offre avec des aides publiques, on subventionne des prix bas, sur lesquels nos clients font des business plans qui ne sont pas résistants parce que l'on ne peut pas tenir ces prix longtemps. Et cela amène à l'off-shore, partiellement ou totalement.

Lorsque l'on voit que le marché de l'intérim est à 3-4% d'Ebit, il ne serait pas délirant que notre métier atteigne 8% à 10% d'Ebit. Parce que, par rapport à l'intérim, nous portons les investissements et le risque sociétal; nos collaborateurs sont en CDI, nous les formons, nous prenons un risque de performance, ce qui mérite une certaine forme de rémunération.

Quelle va être, à l'avenir, la physionomie de votre marché?

Globalement, on voit qu'un modèle se dessine autour de quatre ou cinq grands acteurs, des acteurs de taille moyenne qui vont se faire racheter, et des petits acteurs sur des niches qui continueront à vivre. Le marché va se creuser au milieu.

Selon vous, quelles sont les voies de développement du marché de l'outsourcing?

Le secteur public, qui va représenter un relais de croissance important, le transport, l'énergie... Nous avons encore des années de croissance devant nous. Nous sommes aussi dans une activité plutôt contre- cyclique. Les moments difficiles dans lesquels il semblerait qu'on entre sont propices pour notre activité, dans le sens où ils encouragent les entreprises à se recentrer sur leur coeur de métier. C'est dans ces moments que l'on peut revoir ses options stratégiques et considérer que la relation client peut très bien être réalisée à l'extérieur par des gens dont c'est le métier. Nous devons restaurer nos marges et, parallèlement, savoir investir. Il faut que nous devenions - ou restions - une force de proposition pour nos clients.

Entreprise

- 1996: création de Business Support Services (b2s).
- 2001: ouverture du site de Valenciennes.
-2002: acquisition de Symphoning.
- 2003: acquisition de Hays Ceritex.
- 2004: ouverture de b2s Maroc; acquisitions d'Elucydée et de deux centres de contacts Experian; reprise du site de Rennes de Vitalicom.
- 2006: Natexis Industrie (devenue iXEN) entre au capital de b2s à 47%.
- CA 2007-2008 (clôture au 30 juin 2008): 91,8 millions d'euros.
- 1 800 positions sur six sites en France, 1 200 positions au Maroc sur trois sites à Casablanca.
- 3 200 salariés.
- Plus de 100 clients actifs dont Orange, SFR, La Documentation Française, 118 218, GDF Suez, Aviva, M6, Poweo...

 
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François ROUFFIAC

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