MARIA FLAMENT, A L'ECOUTE DE "LA VOIX DU CLIENT"
Arrivée chez Leroy Merlin il y a plus de 20 ans, Maria Flament a accompagné l'effort de la relation client déployé par l'enseigne. Son obsession: 'écoute et l'accueil des clients.
Je m'abonneVous êtes responsable de Voix du client, un service créé par Leroy-Merlin en 1998. Qu est-ce que ce terme représente pour vous?
La Voix du client est l'écoute complète et active de ce que nous disent nos clients. Nous nous efforçons de ne pas désolidariser les acteurs du terrain avec la relation client. Nous avons donc souhaité que chacun soit responsable pour trouver la meilleure solution possible lorsque nos clients rencontrent une difficulté. Pour ce faire, nous avons créé des équipes «Voix du client» installées localement. Ainsi, chaque magasin dispose d'un groupe de trois à quatre collaborateurs qui consacrent une partie de leur temps à l'écoute et à la relation du client. Grâce à leur profil empathique et un certain charisme, ils s'investissent pour faire bouger leurs collègues en vue d'améliorer la relation client. Pour nous, l'apprentissage se fait par l'exemplarité.
Finalement, tous les collaborateurs sont concernés par la Voix du client
Chaque collaborateur est effectivement autonome et prend des initiatives sans en référer à sa hiérarchie, dans la mesure où il a la possibilité de satisfaire le client. Il y a quelques années, j'ai beaucoup apprécié que notre directeur général «groupe», Damien Deleplanque, nous dise, dans son message annuel: « Je vous invite à désobéir à partir du moment où c'est pour le client. » De façon anecdotique, un directeur de magasin a appliqué ce conseil, déclarant à son comité de direction: « Si vous ne suivez pas vos collaborateurs pour améliorer la satisfaction client ou si l'un d'entre vous fait obstruction à toute initiative qui permet de trouver une solution pour le client, vous porterez un nez rouge toute la journée. »
Comment cela se passe-t-il en termes de formation?
Notre politique de recrutement consiste à privilégier les personnalités, plutôt que les compétences. Cela signifie que nous recherchons des candidats empathiques, doués d'un sens du client, auxquels nous donnons, par la formation, une culture du bricolage. Nous n'embauchons que des personnes qui partagent nos valeurs, car celles-ci ne s'acquièrent pas. En termes de formation, le collaborateur commence par se familiariser avec les autres métiers en magasin (caisse, service après-vente, etc.), puis il se rend dans un autre magasin avec un collègue du même rayon ou service. C'est un circuit très important qui peut durer trois mois, ou plus, le temps qu'il soit bien formé. Les nouveaux arrivants ainsi que les autres collaborateurs effectuent aussi des visites habitants qui consistent à se déplacer au domicile de consommateurs qui ne sont pas clients de notre enseigne pour les questionner sur leur idéal d'habitat, leurs projets, tout cela sans ambition commerciale. En conclusion, nous leur demandons ce que nous pourrions améliorer en termes de services, de prix et de produits, etc. Ces visites concernent également les personnes du siège, telles que les chefs de produits.
Quels canaux utilisez-vous en priorité pour dialoguer avec vos clients ?
Chaque client a la possibilité de nous joindre par le canal qu'il souhaite (mail, téléphone, SMS, ou directement au magasin) quand il le souhaite et d'où il le souhaite. Il peut aussi participer à un forum communautaire sur notre site internet. Ce choix est, pour nous, très important. En ce qui concerne les communications sortantes, en revanche, nous privilégions le contact téléphonique. Ainsi, si la majorité de nos clients nous contactent par e-mail, nous-mêmes répondons à 80 % par téléphone. Quand un client rencontre un problème ou a besoin d'un renseignement, il attend une réponse immédiate, personnalisée et humanisée. Lors d'un dialogue, nous arrivons à mieux comprendre ce dont il a besoin. Sinon, on en vient à des échanges de quatre à cinq mails, c'est moins efficace. D'ailleurs, les clients apprécient énormément cette relation par téléphone.
Grâce à cette dynamique créée entre les magasins et le siège social, vous devez recueillir de nombreux retours...
Tous nos collaborateurs ont accès à une application permettant de suivre l'ensemble des remontées clients. En lien avec cette application, nous leur donnons un formulaire intitulé «VDC
Que faites-vous, en interne, de l'ensemble de ces remontées clients?
Dans tous les magasins, chaque comité de direction analyse et commente les résultats de la semaine. Le directeur général évoque quelques verbatims clients. De mon côté, j'évoque toute la répartition des récurrences de la semaine. Dans les services internes, dans les magasins ou au département Voix du client, nous recherchons des solutions correctives que nous mettons en avant auprès de nos équipes. Nous attribuons même des trophées aux solutions les mieux jugées par nos collaborateurs que nous mettons aussi en première page de notre journal interne en ligne. Ils se prennent au jeu et se fédèrent autour des projets car ce sont eux qui l'ont demandé dès le départ. Et il ne faut pas oublier de se mettre à la place du client, en se demandant, «Si j'étais consommateur, qu'attendrais-je de la part de Leroy Merlin?»
Comment parvenez-vous à obtenir l'ensemble des retours clients?
Nous avons la chance d'avoir un outil fait maison qui a permis de réduire de 80 % les tâches administratives liées à la saisie des remontées clients. Ensuite, nous nous sommes équipés d'un moteur d'analyse sémantique d'Erdil qui, grâce à des règles grammaticales, permet de répertorier toutes les remarques automatiquement, quel que soit le canal, ce qui fait qu'à la seconde, nous obtenons l'analyse complète de la satisfaction sur une période donnée (pour un jour, une semaine, un mois) , un magasin ou un rayon. Cela nous a permis de rendre ses lettres de noblesse au métier de la relation client. Alors que nous mettions cinq jours à répondre au client, nous le faisons désormais en un jour et demi. Ainsi, nous pouvons nous targuer de rattraper 97 % des clients insatisfaits. Bien sûr, nous ne nous contenterons pas de ce chiffre et avons pour objectif d'afficher 100 % de clients satisfaits, de façon à devenir le meilleur quincaillier du monde.
Vous travaillez chez Leroy Merlin depuis plus de 20 ans. Comment s est construite la culture de l enseigne?
Quand je suis arrivée chez Leroy Merlin, en 1990, l'entreprise était à un tournant. Tout allait bien mais il était temps de prévoir l'avenir. Le top management a organisé une session de vision partagée qui consistait à demander à l'ensemble des collaborateurs de construire leur entreprise à dix ans. C'était assez révolutionnaire à cette époque-là. Généralement, ce genre de réflexion s'effectue dans une tour d'ivoire, entre quelques personnes. Ainsi, les 17 000 collaborateurs de l'époque ont participé à ces sessions en rapport avec leur environnement, leur activité, leur vision et leurs souhaits pour l'entreprise. En est ressorti notre projet d'entreprise en 1993.
Quelles ont été les conclusions?
Quatre points ont construit ce nouveau projet. Des points déterminants mais tellement naturels. Tout d'abord, les collaborateurs ont dit: «Occupez-vous de nous, nous ferons des miracles.» Parce qu'un vendeur heureux fait avant tout un client heureux. C'est ce que l'on a appelé «l'homme au coeur de l'entreprise». Dans un deuxième temps, ils ont insisté sur l'objectif de devenir une référence mondiale de la satisfaction client et, dans ce cadre, de considérer le client comme un ami. Le troisième point débouchant des deux critères précédents est: nous serons une entreprise mondiale et prospère. Cet ordre-là ne s'est jamais démenti. Les entreprises, qui accordent plus d'importance à la recherche de la croissance et du chiffre d'affaires qu'à leurs collaborateurs, sont dans l'erreur. Ce sont les collaborateurs qui détiennent la plus grande vérité, car ils sont au plus près de la réalité. Le quatrième point concernait le renforcement des valeurs de Leroy Merlin que sont l'écoute, le pragmatisme, la proximité, le grandissement personnel.
Ces valeurs sont-elles toujours autant présentes, depuis?
Bien sûr. En 2005, nous avons pris du recul pour mesurer le chemin parcouru. Nous avons ajouté une nouvelle dimension à ce projet: celle de la citoyenneté.
Les collaborateurs avaient envie de s'investir et Leroy Merlin a créé une fondation, qui consiste à améliorer l'habitat chez les personnes dépendantes, âgées ou handicapées. Ce sont les collaborateurs qui prennent l'initiative lorsqu'ils réalisent la nécessité d'intervenir. On effectue alors les travaux dans leur entourage ou leur voisinage puis, chez des personnes qui en ont besoin.
Comment vous positionnez-vous par rapport à cette culture d'entreprise?
Quand je suis arrivée, j'ai travaillé aux ressources humaines sur le projet «l'homme au coeur de l'entreprise», mais j'ai eu très vite envie de me diriger vers le client car cela me paraissait beaucoup plus naturel. Ce n'est pas la valeur financière d'un client qui m'importe mais la valeur intrinsèque d'un individu. Nous faisons en sorte d'aider chaque habitant à rêver et à réaliser sa maison. Nous ne sommes pas seulement un distributeur, nous sommes aussi un «agitateur de rêves». Lorsque quelqu'un entreprend la rénovation de son habitat, c'est un projet qui lui tient à coeur. Il y met toute son énergie, mais aussi son argent...
Leroy Merlin en chiffres
Leroy Merlin fait partie du groupe Adeo qui rassemble 24 entreprises dédiées au bricolage et à l'aménagement de la maison.
Leroy Merlin emploie, au niveau mondial, plus de 44 000 personnes dans 236 magasins qui sont répartis au Brésil, Chine, Espagne, France, Grèce, Italie, Pologne, Portugal et Russie.
La société a été créée en 1923 par le couple Adolphe Leroy et Rose Merlin.
Elle propose aujourd'hui plus de 60 000 références produits et 300 services adaptés dans chaque pays pour faciliter l'achat, la mise en oeuvre et le suivi des projets (devis, commande, livraison, location de véhicule, service après-vente).
Leroy Merlin propose aussi des services: pose, cours de bricolage, et même, dans certains magasins, une librairie spécialisée.
Avec plus de 9,5 millions clients, Leroy Merlin France a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 4,6 milliards d'euros en 2009.
PARCOURS
Diplômée en droit du travail, Maria Flament intègre Leroy Merlin en 1990 en qualité de responsable du personnel et des ressources humaines, poste qu'elle occupera durant sept ans. Ensuite, prise de passion pour le commerce, elle devient chef de secteur Service Clients durant deux ans, avant de rejoindre le service Marketing, où elle prend en charge l'animation de la satisfaction client, en tant que responsable Voix du client.
Le forum communautaire & les ateliers de bricolage
En complément du site internet classique www.leroymerlin.fr, permettant d'obtenir de l'information, de préparer ses achats ou encore de visionner des films de démonstration, Leroy Merlin a mis en place un forum il y a plus de 10 ans.
Celui-ci rassemble des communautés de bricoleurs qui échangent des conseils et des astuces, et partagent même des photos de leurs projets. « Nous n'intervenons pas du tout, précise Maria Flament, responsable de Voix du client chez Leroy Merlin. Nous les laissons discuter entre eux, mais aussi donner des conseils sur les meilleurs produits. Il n'y a pas forcément que des compliments sur l'enseigne, mais c'est le jeu... »
Leroy Merlin propose également des cours de bricolage depuis une dizaine d'années.
« Dans tous les discours de nos clients, nous nous sommes rendu compte qu'ils accordaient une plus grande confiance aux enseignes qui leur permettaient d'être meilleurs bricoleurs », explique Maria Flament. Le conseiller qui a accompagné le client dans son achat sera ensuite en charge de le former. Ces ateliers sont disponibles dans tous les magasins de l'enseigne. Les clients peuvent également retrouver les conseils par étapes de nombreuses réalisations, en images et en vidéos sur le site internet.