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Convention collective : le reflet d'une désunion originelle

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Deux camps retranchés. Un "pour", l'autre "contre". La dualité est parfaite mais indivisible. Quoi qu'il arrive, la "Convention collective des prestataires de services dans le secteur tertiaire" ne fait pas l'unanimité. Un texte à "effet miroir". Et si la profession était irrémédiablement désunie, incapable de parler d'une seule et même voix ?

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En général, une Convention collective nationale (CCN) est un acte fondateur pour une profession. Sa légitimité repose sur un accord entre les organisations patronales et les syndicats de salariés. Un consensus qui se doit d'être le plus large possible. Ce qui est, dispositions légales aidant, difficile. Avec un tel contexte, "fondateur" ne veut pas forcément dire fédérateur. Il est de ces conventions collectives qui ne fédèrent pas. Elles ne font pas l'unanimité. La "Convention collective nationale des Prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire" (n° IDCC 2098) est de celle-là. Elle coupe la branche professionnelle des "centres d'appels non intégrés" en deux. Et plus nettement depuis le 27 mars 2002. Date à laquelle, elle s'est étendue à l'ensemble des outsourcers de relation client à distance (JO 12/04/02). Le Syndicat du Marketing Téléphonique (SMT) ayant, six mois auparavant, pris les devants. Cette adhésion automatique des outsourcers par arrêté ministériel ne laisse pas indifférents. Certains y adhérent. D'autres pas. Avec ces derniers, parler de la "2098", c'est rapidement évoquer la légitimité de l'unique instance patronale signataire. Un débat légalement sans objet depuis mars 2002. Le SMT revendique 45 membres employant environ 15 000 salariés. Un poids relativement important puisque, par extrapolation, on estime entre 30 000 et 50 000 le nombre de salariés travaillant dans les centres d'appels externalisés. Parmi ses adhérents, on retrouve des prestataires de services comme Call Center Alliance, Hays Ceritex, Transcom. Des sociétés parmi les sept premières du "Top 60 des Outsourcers 2001" (voir CA n° 38). Une représentativité

en suspens


« Nous avons une radioscopie complète de ce qui se fait chez les grands et les petits », affirme Denise Bengioar, présidente du SMT (interview ci-dessous). « C'est devenu un petit syndicat alors que le marché et les enjeux sont devenus énormes », juge Sophie de Menthon, ancienne présidente et fondatrice du syndicat patronal. Avant l'adhésion du SMT, en 2000, une enquête de représentativité a été demandée au ministère par la CFDT, qui dit ne pas avoir eu de réponse. Pour lui, elle n'a jamais eu lieu. Le SMT affirme l'avoir réalisée sur demande de l'institution début 2001. Elle portait sur les actions menées, le nombre d'adhérents et d'effectifs représentés par l'organisation patronale. Du côté du ministère des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, Maurice Quéré, le nouveau chef du bureau des CCN, rappelle que ce qui importe, « c'est la présomption de représentativité des syndicats d'employeurs ». Pour sa part, Cyril Parlant, avocat spécialisé en gestion sociale, met en évidence le fait qu'en « droit conventionnel, ce sont les partenaires sociaux qui négocient », pour mieux indiquer que cela peut poser un « problème de représentativité ». (voir interview ci-contre). La loi n'impose pas d'accord à la majorité absolue. Il suffit d'un signataire parmi les partenaires sociaux présents pour valider un accord engageant plusieurs milliers de personnes d'une branche professionnelle. Ce que confirme à sa façon, le représentant de l'Etat : « Accord majoritaire ? Le concept n'existe pas ». D'ailleurs, le 18 septembre 2001, lors de l'extension du champ d'application de la convention aux adhérents du SMT, deux syndicats de salariés (CGC et CFTC) sur cinq ont cosigné l'accord. « En droit, le SMT est certainement représentatif. Mais dans la profession... ? », s'interroge Noël Lechat de la CGT. Comme si la question de la représentativité restait en suspens.

Une division originelle qui mène le débat


Un flottement qui pèse lourdement sur le contenu même de la convention collective. Et sur sa légitimité. A défaut d'être un acte fondateur, apporte-t-elle au moins une pierre à l'édifice professionnel ? Les syndicats CGT et CFDT l'estiment dépourvue d'intérêt. « Nous ne sommes pas obligés de réécrire le droit du travail », lance Annick Roy de la CFDT. « C'est une convention à minima », juge le Cégétiste. Tous deux se rejoignent sur le manque de dispositions avantageuses pour les salariés de ce "métier difficile". Ils pointent notamment du doigt "les délais de carence". Ces périodes à partir desquelles l'employeur indemnise l'absence de ses salariés. Elle est établie au huitième jour "en cas de maladie non professionnelle et d'accident de trajet" pour les employés. Et dès le premier jour pour les cadres avec plus d'un an d'ancienneté. La règle ravira les professionnels confrontés à l'absentéisme de leurs troupes de téléopérateurs. « Auparavant, nous étions sous Syntec. L'un des points noirs de cette convention était les jours de carence. Nous avions sur un site près de 33 % de taux d'absentéisme. Depuis que nous avons rejoint la nouvelle convention (en décembre 2002), nous ne constatons plus d'abus », explique Nidia de Matos, la directrice des ressources humaines de Call Center Alliance. « C'est une convention qui n'est pas faite pour les centres d'appels. Cela va aboutir à une convention fourre-tout », dénonce Emmanuel Mignot, le P-dg de Teletech. Le responsable d'ETNA (ex-Tenor), une association de professionnels plutôt techno, se demande s'il existe « plusieurs conventions collectives pour une entreprise ? ». La "2098" concerne en effet sept autres secteurs d'activités (Téléservices, Centres d'affaires, Recouvrement de créances, Palais des congrès, Hôtesses d'accueil, Télésecrétariat, PLV). « Ils ont tous quelque chose à voir avec le téléphone. Ils ont des problématiques ressemblantes. Avec elle, nous ne sommes pas perdus de la même façon qu'avec le Syntec, par exemple. Parce que c'est une jeune convention qui ne demande qu'à grandir à l'écoute de nos problèmes », justifie Denise Bengioar. La présidente du SMT dit ne pas avoir eu « écho de cette division», au sujet de la convention collective. Pour autant, elle existe. Entre intérêts personnels en jeu, luttes d'influence, visions divergentes sur l'art et la manière d'exercer le métier, le texte reflète la désunion originelle de toute une profession, incapable de parler d'une seule et même voix. « Ce qui nous sépare est plus important que ce qui nous rapproche », formule diplomatiquement Denis Akriche, Pd-g de l'outsourcer Armatis. Tout est dit.

 
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Nicolas Seguin

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