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Comment l'off-shore compte se faire une place au soleil

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Progressivement, les centres de contacts off-shore se construisent une légitimité. Ils constituent davantage un complément qu'un véritable substitut à la présence sur le territoire national.

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Le coût reste, pour une majorité d'entreprises, la principale raison de choisir une implantation off-shore pour leurs prestations de centre d'appels. La recherche de la rentabilité pousse à s'expatrier vers les pays où la main-d'oeuvre est bon marché. Maroc, Tunisie, Ile Maurice, Sénégal, Egypte et Roumanie… Autant de destinations loin d'offrir les mêmes niveaux de salaires qu'en France et assurant, en conséquence, une réduction de l'ordre de 30 % des sommes engagées pour l'exploitation d'un centre de contacts. « Compte tenu de sa compétitivité tarifaire, l'off-shore contribue à abaisser le coût commercial des sociétés et se positionne comme un relais de croissance », souligne Arnaud Breitwiller, directeur commercial d'Accolade, outsourceur franco-marocain. Certaines activités, en particulier la télévente, ne sont plus assez profitables pour être conservées au sein des entreprises françaises. Dans ce contexte, l'off-shore répond à une demande du marché. Si l'on prend l'exemple des fournisseurs d'accès à Internet, ils ont modifié leur localisation géographique « dans la mesure où l'investissement pour recruter des abonnés était trop lourd par rapport à ce que pouvait rapporter le client », explique Pia Heitz Casanova, vice-président directeur général du groupe Euro CRM. Au-delà de l'aspect financier, la flexibilité du marché du travail dans les pays susceptibles d'accueillir des centres d'appels constitue un atout de taille. Le cadre légal fixant la durée du temps de travail est plus souple dans les pays “du Sud” qu'en France. Les horaires sont étendus : le maximum étant fixé à 45 heures à l'Ile Maurice, 42 heures au Sénégal, 40 heures ou 48 heures en Tunisie et 44 heures au Maroc. Les heures non ouvrables s'avèrent aussi plus faciles à organiser et les opérations de staffing et/ou de déstaffing sont menées sans entraves. Autant de facilités réglementaires qui incitent à l'implantation off-shore.

Amélioration des compétences

L'amélioration de la qualité de service tend également à élargir le spectre des prestations susceptibles d'être prises en charge par une plate-forme off-shore. Pour la plupart des acteurs du marché de l'externalisation hors des frontières, qu'ils soient outsourceurs ou implantés localement, la majorité des missions effectuées en interne sont potentiellement “off-shorisables”. « Aujourd'hui, nous proposons les mêmes solutions sur nos sites en France et en off-shore », précise Jean-Marc Griscelli, directeur général de Sitel Maroc et des opérations France et Maroc. Les compétences des agents sont également le garant de la diversité des opérations. La plupart des téléconseillers disposent au moins d'un bac + 4. Au Maghreb, ils parlent couramment français, puisque les cours des cycles universitaires sont dispensés dans cette langue. De plus, leur motivation semble incontestable et découle vraisemblablement de la place du centre de contacts à l'étranger. Alors qu'en France la profession est souvent décriée et fait l'objet de vives critiques, il est valorisant socialement et intéressant en termes de salaires, d'évolution de carrière et d'expérience d'intégrer ce secteur d'activité. L'implication des salariés constitue un autre élément positif. Le turn-over, largement inférieur, se situe entre 5 et 10 %, contre 30 à 50 % en France et génère des économies en matière de recrutement et de formation. De plus, le sens de la hiérarchie est plus développé sur les sites off-shore. « Le superviseur est très respecté. Cet élément renforce le bon fonctionnement de l'équipe. En outre, la plus grande motivation est gage d'une plus forte productivité », affirme Joël Coudert, directeur de l'activité relation client et centres de contacts de Devoteam Consulting. Il est possible de répertorier des spécificités par région qui conditionnent une implantation off-shore. En ce qui concerne les mentalités des téléopérateurs, les dirigeants d'Euro CRM considèrent que les conseillers de l'Ile Maurice ont le tempérament pour assurer la relation client après-vente grâce à un sens inné du service, tandis que les pays méditerranéens ont un goût prononcé pour la vente. En outre, pour toutes les opérations nécessitant un traitement bilingue, les Mauriciens sont bien positionnés. Pour leur part, les pays de l'Est se sont davantage installés sur le segment de l'écrit. Avec la montée en puissance de l'e-mail comme canal de communication, ces localisations devraient progressivement trouver leur place au sein du marché de l'off-shore. Si la plupart des tâches sont théoriquement aisées à mener depuis l'étranger, il n'en demeure pas moins vrai que des secteurs présentent une meilleure maturité. Typiquement, une partie de l'activité des télécoms est installée depuis longtemps en-dehors du territoire d'implantation de la société d'origine. Le marché des opérateurs est fortement concurrentiel et, pour rester en course, ses acteurs sont obligés de suivre la tendance à la délocalisation. La Distribution et la VAD ont été les branches suivantes touchées par le mouvement. Le modèle le plus avantageux reste, pour nombre d'entreprises, le modèle hybride conservant une partie des tâches sur le marché cible et l'autre au sein d'une structure délocalisée. Ce qui assure à la fois une proximité avec les clients et prospects et la possibilité d'effectuer certaines missions à moindre prix en profitant des opportunités offertes par l'off-shore. « Il ne faut pas tout délocaliser, confie Fattah Arrom, directeur général d'EMS, outsourceur marocain. Il est essentiel de conserver, sur place, certains noyaux, l'ADN des projets, et de réaliser quelques activités à l'étranger pour profiter du différentiel de coût de la main-d'oeuvre ; le salaire minimum marocain est inférieur de 25 % au Smic. » La segmentation est aussi satisfaisante, puisqu'elle permet de tester des projets sur le territoire national avant de les répliquer. « On mutualise ainsi les risques », souligne Laurent Cartier, directeur commercial de Sitel.

La question des flux

L'importance des flux représente une contrainte non négligeable. « On trouve surtout à l'off-shore des sociétés qui ont besoin de traiter de gros volumes », constate Joël Coudert. « Pour les campagnes de télévente, il faut déployer au moins 50 positions pour parvenir à compenser les substantiels frais de démarrage issus d'un manque de savoir-faire », précise Ridha Ben Abdessalem, directeur général de Costunisie, outsourceur italo-tunisien. Côté sens des flux, l'ensemble des prestataires considèrent plus avantageux de collecter des appels plutôt que de les émettre. C'est une solution pour engendrer une relation durable qui s'inscrit dans la confiance. Du point de vue des donneurs d'ordres, il est très facile, au départ, de céder les campagnes one-shot, la création de trafic, l'acquisition de clients plutôt que de se séparer d'une partie de sa base de données. Par la suite, une fois assurés de la fiabilité de leur partenaire, ils souhaitent s'engager dans des collaborations plus poussées et impliquant une pénétration dans le système d'information. « La prospection est un domaine moins sensible que les opérations de gestion de la base clients où l'image de la société est en jeu », confirme Youssef Chraibi, directeur général d'Outsourcia, outsourceur marocain.

Implication du donneur d'ordres

Si la qualité du prestataire est un élément fondamental pour conduire correctement un projet, l'implication du donneur d'ordres est également à prendre en compte. Il est indispensable, préalablement à la délocalisation, de réfléchir en amont sur la faisabilité de la mission. La phase de préparation est loin d'être la moins importante. Youssef Chraibi recommande à ses clients de commencer par évaluer la complexité de l'activité du point de vue technique et commercial, d'identifier la nature des interlocuteurs (clients ou prospects) et des flux (entrants ou sortants), de déterminer le degré d'intégration technique entre les deux parties, le mode de communication entre les bases de données, les comptes- rendus d'activité et de choisir les canaux de communication. Ces démarches effectuées, l'accompagnement est tenu d'être à la hauteur de la mission. Des moyens financiers suffisants doivent être débloqués. La mise en route des opérations ne peut se faire que sous l'oeil attentif de l'entreprise. L'engagement de cette dernière passe par le choix de la formation à dispenser aux téléconseillers mais aussi par un accompagnement dans la conception des supports de campagne. Une fois la mission en cours de traitement, son suivi constitue un autre point clé de succès. Grâce aux outils de statistiques et de reporting, la mission peut être entièrement pilotée et son bon déroulement contrôlé depuis le site du donneur d'ordres. Le dernier élément à ne pas négliger est la phase de tests. « Nous recommandons à nos clients de faire un pilote. De cette manière, ils peuvent s'assurer de la bonne retranscription par les équipes locales du discours commercial », explique Laurent Cartier. Et il n'est pas le seul outsourceur à inviter ses partenaires à effectuer une approche expérimentale.

Encore des obstacles

L'off-shore reste, malgré la qualité de l'offre et les larges possibilités proposées, un choix difficile à assumer. Culturellement et socialement, les Français demeurent, contrairement aux Anglo-Saxons, réticents à toute délocalisation. Pour preuve, moins de 5 % des positions pour le marché français se trouvent hors des frontières. Un chiffre qui s'explique aussi par d'autres limites au premier rang desquelles on trouve la différence culturelle. Nul n'ignore l'expérience désastreuse des Taxis bleus lorsque, en 2002, ils ont fait le choix de déléguer les appels de nuit et du week-end au Maroc. La qualité de l'information laissait à désirer, les erreurs, approximations et malentendus se multipliaient. « Quand on vous demande le prénom de M. Assedic, c'est déstabilisant pour la personne qui souhaite le renseignement », ironise un outsourceur. Pour la plupart des acteurs de l'off-shore, le moyen de juguler les effets du décalage culturel est de réaliser des prestations complexes où seule la qualité du profil du téléconseiller prime. Pour sa part, Joël Coudert estime que les sites off-shore sont capables de réaliser des tâches à forte valeur ajoutée, à condition que les process soient bien formalisés. En outre, des secteurs entiers de l'économie restent réfractaires à toute forme d'implantation, non seulement en off-shore mais aussi aux prestataires extérieurs. On peut ainsi citer la Banque, protégeant la confidentialité, mais également le secteur public, soucieux de rester ancré sur le territoire pour l'image et la crédibilité politique. Alors que le ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, Jean-Louis Borloo, a à coeur de démontrer la capacité des centres d'appels à s'installer comme vecteurs d'emplois, il serait mal venu que le gouvernement choisisse une destination exotique pour réaliser les prestations des services publics. La distance constitue aussi un frein à l'option off-shore. Afin de s'assurer du bon déroulement des opérations, le donneur d'ordres doit en effet se rendre sur place. Néanmoins, « plus qu'une destination, c'est le choix du partenaire qui prime et qui est structurant. A l'extrême, il semble plus judicieux de confier certains dossiers en off-shore plutôt qu'à des prestataires en France dont le professionnalisme peut évoluer », souligne Philippe Baldin, directeur Business Consulting chez Activeo. Il existe un réel besoin d'échanges physiques. La perception de ce qui se passe sur le site de production nécessite des déplacements fréquents afin de limiter le décalage entre le donneur d'ordres et son prestataire sur la compréhension des missions et la stratégie de relation client à déployer.

« Les multinationales donnent le ton » Adel Danish (Xceed)

Quelle place occupe Xceed sur le marché de l'off-shore ? Adel Danish : Notre société appartient au groupe Egypte Telecom qui occupe 300 de nos 1 200 positions. Les autres sont réservées à des activités off-shore. Notre champ d'intervention est large dans la mesure où nous proposons des prestations en français, anglais, arabe, italien, espagnol, grec, portugais et hébreu. Nous nous sommes spécialisés sur la haute technologie, et notamment celle de l'information et de la communication. Nous opérons aussi pour des SSII. La majorité de nos clients sont des multinationales. Nous assurons, par exemple, le support technique haut de gamme d'Oracle ou encore l'assistance client de Microsoft. Selon vous, quelles missions sont faciles à délocaliser ? A. D. : Toutes. Mais Xceed souhaite davantage se positionner sur les appels entrants dans la mesure où nous avons investi dans des infrastructures de qualité qui garantissent la continuité du service. Néanmoins, il reste plus facile de décrocher des opérations de télémarketing s'inscrivant moins dans le long terme. La plupart des entreprises nous testent sur du sortant et réfléchissent ensuite, en fonction des résultats, pour nous mettre en relation avec leurs clients. Les entreprises évoluant à l'échelle mondiale n'ont pas ce type de comportement et d'approche par tâtonnement. Elles effectuent un premier filtrage en fonction des destinations et des centres d'appels accessibles. Ensuite, elles listent les atouts des pays et sociétés et ressortent ce recensement au moment des appels d'offres. Elles effectuent un plus lourd travail de repérage en amont et procèdent de manière structurée. Il s'agit d'une vision plus scientifique et objective. Les grandes entreprises anticipent parfaitement la charge de travail et planifient à long terme. Comment justifiez-vous ce décalage ? Comment le percevez-vous au jour le jour ? A. D. : La taille de la société est un élément différenciant. L'expérience des grandes entreprises (entre cinq et six ans) en matière d'off-shore est aussi décisive. D'ailleurs, elles disposent souvent de services dédiés dans la recherche de sites. Cette attitude favorise le développement d'une situation de partenariat plus que de sous-traitance. Nous sommes responsabilisés par ces groupes. Notre avis les intéresse et nous profitons pleinement de ce contexte pour échanger sur la meilleure façon de faire chaque tâche. Le cahier des charges ne constitue plus une ligne directrice à laquelle nous ne pouvons déroger. Si l'on trouve des moyens pour améliorer la relation client, on est libre de les mettre en oeuvre.

Externalisation : les erreurs à ne pas commettre

Une étude d'Activeo, publiée en novembre 2005, porte sur le marché français de l'externalisation des centres de relation client. Elle met en exergue les pièges à éviter pour réussir l'externalisation de missions de centres de contacts, à la fois sur le territoire national et en off-shore.

Focus à court terme

Il ne faut pas voir l'externalisation comme un moyen de réduire exclusivement les coûts dans le court terme sans considérer les implications sur le long terme.

Des ressources insuffisantes

Des plans et budgets suffisants pour manager les contrats d'outsourcing doivent être déployés. Il est contre-productif d'estimer qu'une fois le contrat signé, aucune ressource interne ne doit être mobilisée.

Des niveaux de service inadéquats

Il est indispensable de mettre en oeuvre des indicateurs dans une perspective business. Il faut aussi évaluer les capacités techniques, les modes de management et les valeurs des sous-traitants pour associer le prestataire et en faire un véritable partenaire.

Oublier la prise en compte du risque

Des entreprises entrent dans une négociation d'outsourcing sans évaluer les risques qu'elles prennent et ceux de l'outsourceur. Il est indispensable de réfléchir aux moyens à mettre en oeuvre pour les atténuer.

Absence de benchmark

Avant de s'implanter à l'off-shore, les entreprises doivent avoir en tête un référentiel. Le positionnement de leurs concurrents, par exemple, peut les aider à recueillir des informations stratégiques.

 
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Géraldine Caillet

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