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Christophe Nepveux (The Phone House Services Telecom)« Intégrer la culture du client pour être en phase avec ses valeurs »

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A la fois centre de relation client interne pour son groupe d'appartenance et outsourceur, The Phone House Services Telecom mise sur le professionnalisme de ses collaborateurs et sur la qualité pour créer de la valeur. Les explications de son président directeur général.

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Comment est organisé le groupe The Phone House en France ?

Christophe Nepveux : Il regroupe The Phone House SAS, qui s'occupe de la distribution et des magasins - plus de 200 en France pour près de 1 600 en Europe - et The Phone House Services Telecom, filiale à 100 %, qui gère l'ensemble des aspects relation client, avec une double activité. La première est celle de la gestion de la relation client pour le compte du groupe, qui représente environ 10 % de l'activité globale. Il s'agit tout d'abord des boutiques - nous sommes le seul distributeur de ce secteur à offrir un service de relation client avant et après l'achat -, de notre prestation d'assurance - nous sommes le premier assureur de mobiles en Europe et en France avec plus de 260 000 clients -, et des deux opérateurs du groupe : le MVNO Omer Telecom, qui a développé la marque Breizh Mobile, sur lequel nous avons environ 60 000 clients, et Talk Talk, service de téléphonie fixe lancé il y a dix-huit mois et sur lequel nous avons 100 000 clients acquis uniquement par de la PLV et l'effort du réseau de distribution.

Notre seconde activité est celle de la prestation de relation client pour le compte de trois grands acteurs : deux opérateurs mobiles, Orange et SFR, et un fixe, Neuf Cegetel. Pour Orange, nous gérons pour moitié des clients acquis par le réseau de distribution The Phone House et pour moitié des clients issus d'autres réseaux. Ceci rejoint la stratégie du groupe : se concentrer sur le marché des télécoms et avoir une continuité entre les clients dont nous assurons l'acquisition et ceux que nous gérons. Une des conséquences est que nous participons non seulement à la gestion de ces clients, mais aussi au développement de la valeur. Aujourd'hui, nous sommes certainement sur le marché ceux qui ont la meilleure connaissance de la relation client dans le secteur des télécoms.

Cette double activité est-elle propre à la France ?

C. N : Elle est développée en France, mais elle est aussi européenne. En Angleterre, où il y a près de 700 magasins, nous gérons également les clients The Phone House des opérateurs mobiles. Sachant qu'en Angleterre, nous avons une autre caractéristique : Talk Talk est aujourd'hui le premier challenger de British Telecom, avec près de deux millions de clients. Nous venons de racheter les activités anglaises de Télé 2 et de One Tel.

Quel est votre positionnement en tant que prestataire de services ?

C. N : Le fait d'être une société à part entière garantit à nos clients un traitement complètement indépendant dans le respect de leur stratégie. Nous avons ensuite très clairement trois axes : le professionnalisme et le savoir-faire dans le domaine des télécoms et la qualité. Auquel j'ajoute l'accompagnement des clients : nous investissons considérablement, notamment par des périodes de formation longues, dans la culture du client. Un partenaire ne peut pas délivrer un bon service client s'il n'a pas intégré la culture du client.

Qu'entendez-vous par “culture du client” ?

C. N : Une entreprise a une marque. Cette marque diffuse des valeurs. L'entreprise dépense beaucoup d'argent en communication pour supporter sa marque, ses produits et aussi pour diffuser une image. Nous ne pouvons avoir d'un côté, des investissements financiers considérables et de l'autre, quand le client est face-à-face avec le service client, des collaborateurs qui ne sont pas dans les mêmes valeurs que l'entreprise. Car, dans ce cas, il y a destruction de valeur, destruction de marque. C'est pour cela que, tout au long de nos formations, nous investissons pour faire comprendre aux collaborateurs ce qu'est la communication de la marque, ce qu'elle veut défendre… Ne pas le faire et croire que l'on délivre un bon service client est une illusion. La communication de l'entreprise a généré des attentes clients en fonction des valeurs de la marque. Il faut être en phase avec elles.

Les Anglo-saxons sont beaucoup plus en avance que nous sur ce sujet. En France, on pense qu'il suffit d'expliquer le produit au conseiller pour qu'il délivre un bon service client. Nous croyons que cela ne suffit pas et qu'il doit aussi faire vivre les valeurs de la marque. Ceci est d'autant plus important qu'il est impossible de faire apprendre à un collaborateur la totalité des cas devant lesquels il va se trouver. Nous devons donc faire en sorte que nos collaborateurs intègrent la “marque attitude”, des réflexes, une façon de traiter le client. C'est par le biais de la compréhension des valeurs de l'entreprise que l'on peut développer cette attitude. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas qu'il y ait des bases de connaissances, des procédures… mais il est très important que le conseiller, quand il dialogue avec le client, soit dans les valeurs de la marque. Cela dépasse la résolution d'un problème ponctuel.

Par quoi passe le “professionnalisme” que vous évoquiez ?

C. N : Par la formation et le management. Nous sommes sur un marché qui est plus segmenté qu'on ne le croit. Il n'est pas vrai que toutes les sociétés qui interviennent pour le compte de clients tiers travaillent de la même façon. D'abord, parce que les préoccupations de la culture du client et donc de la façon dont on va interagir avec le client final, ne sont pas toujours présentes avec la même force. La différence, nous la faisons dans l'intensité à la fois de la formation, du suivi des collaborateurs et de leur management. Chez nous, ce qui est important, c'est de donner du sens. Nous n'hésitons pas à prendre du temps pour expliquer quelle est la stratégie de notre client, pourquoi elle évolue de telle ou telle façon, pour que le conseiller clientèle au téléphone ait une compréhension de cette stratégie. Cela fait vraiment partie du professionnalisme. Pour faire simple, il y a d'un côté des gens qui récitent des formulaires qu'ils trouvent dans un système informatique et de l'autre, des gens qui font fonctionner leur savoir-faire au service du client. Cela peut paraître caricatural, mais à l'arrivée ce sont tout de même deux métiers assez différents.

Comment améliorez-vous ce professionnalisme ?

C. N : Nous nous mesurons très régulièrement. Nous suivons, évaluons chaque conseiller plusieurs fois par mois et mettons ensuite en place ce que nous appelons les “boucles de progrès” : mesures, plan d'actions, suivi, amélioration, mesures… puis nouveau plan d'actions, etc. Nous avons en fait une double approche : à la fois d'information et de formation globales et de suivi individuel. Dans ce métier, clairement, nous avons besoin d'avoir des collaborateurs qui comprennent ce qu'ils font, pourquoi ils le font, et qui se sentent suivis individuellement. C'est le contraire de l'anonymat. Le conseiller n'est pas interchangeable. Nous avons affaire à des personnes et, si nous ne travaillons pas la personne, nous ne serons pas au rendez-vous de la qualité, la productivité et de l'excellence du service au client. Les donneurs d'ordres n'ont pas toujours cette vision parce qu'ils s'arrêtent souvent au prix en considérant que c'est le prix qui fait la totalité de la prestation. C'est loin d'être le cas. Nous sommes de toute façon dans un marché où l'on en a que pour son argent…

Aujourd'hui ce marché est largement drivé par les prix. Il y a une pression assez forte de l'off-shore. La relation client est une activité éminemment “promotionnelle” de l'individu. En France, c'est un secteur qui crée de l'emploi et qui offre des opportunités à des personnes qui auraient peut-être eu du mal à décrocher un job parce que les entreprises privilégient plus une attitude, un savoir être, un potentiel… que des connaissances académiques même si, évidemment le niveau général est un critère important. C'est un secteur qui permet aussi, parce que nous sommes représentatifs de la France multicolore, à un certain nombre de jeunes d'avoir le pied à l'étrier et de pouvoir évoluer ensuite vers d'autres postes. Tous les politiques n'ont pas bien compris quel était le potentiel offert par ce créneau et quel était l'enjeu de garder ces emplois en France.

The Phone House a-t-il eu la tentation d'aller à l'off-shore ?

C. N : Aujourd'hui, nous ne sommes pas en off-shore. C'est simplement un constat, ce n'est pas un dogme. Forcément, l'évolution du marché nous amène à y réfléchir. Nous avons une approche d'entreprise citoyenne et nous souhaitons d'abord, quand c'est possible, créer des emplois en France.

Existe-t-il un processus d'évolution des collaborateurs ?

C. N : Nous avons mis en place le “PAP”, Plan d'accompagnement professionnel. Au-delà des coachings très opérationnels, nous suivons nos collaborateurs sur une base mensuelle extrêmement formalisée puis sur des bases semestrielle et annuelle. Ceci permet de bien identifier tous nos potentiels et donc de préparer et d'accompagner leur évolution. Aujourd'hui, nous sommes à 95 % de promotion interne. Nous les accompagnons en formation et notamment pour des passages importants vers des fonctions de management. L'erreur habituelle est de considérer qu'un bon conseiller, performant avec les clients, va forcément être bon si on lui donne plus de responsabilité de management. Et bien non, pas forcément. Il faut investir pour lui donner le savoir-faire, le savoir être du management. C'est aussi cela qui va faire que nos conseillers sont meilleurs que les autres. Lorsque nous travaillons pour SFR ou Orange, nous le faisons avec les mêmes outils que leurs sites internes ou que d'autres prestataires. Qu'est-ce qui fait la différence à l'arrivée ? Ce sont bien les hommes et les femmes. Et, qu'est-ce qui fait la différence pour les hommes et les femmes ? C'est bien leur formation, leur motivation, leur engagement et la qualité qu'ils peuvent générer.

Comment peut-on, aujourd'hui, définir un bon conseiller clientèle ?

C. N : Un bon conseiller clientèle ne répond pas à des questions. Il répond aux véritables préoccupations du client. Un client exprime un ressenti, la façon dont il voit les choses, mais qui n'est pas forcément sa préoccupation finale. Le bon conseiller va comprendre quelle est sa préoccupation véritable et va y répondre. Par exemple, un client peut demander une augmentation du nombre d'heures de son forfait car il part en vacances. Demander au client combien il veut d'heures en plus et changer le forfait répondra à la question. Comprendre que le client part en Amérique du sud et lui proposer une solution temporaire pour les communications internationales, lui expliquer le fonctionnement de sa messagerie à l'étranger, c'est répondre à la préoccupation du client. Répondre à la vraie préoccupation, c'est générer de la satisfaction client et permettre le développement de la valeur. Si aujourd'hui, les centres de relation client sont des vecteurs importants d'augmentation de la valeur, c'est parce que c'est souvent l'occasion unique qu'a un client de s'adresser à une entreprise dans un contexte personnalisé. C'est pour cela d'ailleurs que je ne crois pas à la disparition des hommes et que je pense que les stratégies du tout automatisation vont à l'encontre de la valeur client ou en tout cas n'exploitent pas le potentiel maximum de la valeur client.

Comment peut-on créer et développer de la valeur ?

C. N : Les clients aujourd'hui ont en fait trois attentes. La première, c'est “comme je veux”. Le client est multicanal, il entre par le canal qui lui plaît (téléphone, IVR, Internet…) selon son humeur, l'endroit où il est et selon les outils dont il dispose. Vouloir le faire transiter par un canal ou par un autre est une illusion. Il rentrera toujours là où il veut rentrer et, s'il ne le peut pas, il nous quittera. Il y a des stratégies qui consistent à parler le moins possible au client ; ce sont des stratégies de court terme qui économisent de l'argent et ne sont pas porteuses de développement sur le moyen terme. Ensuite, c'est “quand je veux”, parce que le client a des modes de vie qui sont de plus en plus diversifiés et éclatés. Sa demande peut avoir lieu à minuit, à 14 heures… Enfin c'est “tout seul ou en interaction”. Dans certains cas, il veut se débrouiller tout seul, dans d'autres, il a envie, besoin, d'avoir du relationnel, de la reconnaissance notamment parce que les systèmes automatisés ont leurs limites et ne permettent pas de tout couvrir. Il y a quatre cinq ans, on annonçait la mort du contact relationnel. Je n'y crois pas. Au contraire, nous sommes dans un monde multimodal qui équilibre les pratiques. Ce qui rend d'autant plus intéressante la relation humaine au téléphone, c'est sa capacité à pouvoir développer la valeur, la fidélité dans un contexte personnalisé, professionnel et convivial.

La création de valeur ne se limite donc pas uniquement à de l'up selling ?

C. N : La création de valeur se fait aussi par la relation, la proximité et la fidélité qu'a le client avec sa marque. Les points de vente, le service client, dans certains cas Internet, sont les vecteurs de développement de la proximité avec la marque. Et la proximité génère la fidélité et l'augmentation du chiffre d'affaires. Notre mission, partout, c'est de garder et développer des clients satisfaits.

Comment jugez-vous l'évolution du consommateur face à la relation client ?

C. N : Il y a une maturité beaucoup plus forte qu'auparavant. En fait, nous connaissons exactement le même phénomène qu'avec la publicité. Aujourd'hui, dans les enquêtes sur la publicité, il y a une grande partie de la population qui analyse parfaitement les ressorts cachés et qui parle avec le langage des publicitaires. Il y a un décodage remarquable. Pour la relation client, il y a la même maturité et le même décodage. Le consommateur sait bien qu'il n'a pas toujours la même personne en ligne, que le conseiller va aller regarder dans le système informatique, que de temps en temps celui-ci n'est pas à jour, que, dans certains cas, on ne lui répondra pas la même chose… Il a bien compris que certaines entreprises cherchent à gagner de l'argent avec les appels surtaxés, avec l'attente et des messages IVR très longs. Cette démystification est pour moi très positive. Faire croire que l'on connaît par cœur un dossier alors que l'on est en train de le découvrir en même temps que le client, cela n'a pas de sens.

Quel est le challenge de ce début de siècle en termes de connaissance client ?

C. N : Tout d'abord, vu du client, il y a une vraie recherche de la relation individualisée, du one-to-one?: “Je veux être reconnu comme un client unique”. Les progrès du CRM et des technologies (Internet) permettent de plus en plus de le faire avec des offres réellement adaptées. Vu des entreprises, le vrai challenge aujourd'hui est que les critères de segmentation classiques (CSP, revenus,…) sont de moins en moins opérants. Il faut les compléter avec des critères comportementaux, qui sont très difficiles à appréhender. Avec Internet et la relation client par téléphone, nous tenons peut-être une piste permettant d'aller plus loin dans cette approche comportementale.

Biographie

Christophe Nepveux 50 ans.

Sciences Po et ISA.

1982 : démarre sa carrière dans le conseil chez Andersen Consulting (Accenture).

1989 : rejoint SVP en tant que directeur des opérations clients.

1992 : directeur du développement chez Cap Cesa.

1995 : entre chez Bouygues Telecom en tant que directeur des opérations clientèle pour y créer la relation client.

2000 : prend la responsabilité de la distribution spécialisée et est en charge du développement du réseau propriétaires (boutiques) de Bouygues Telecom.

2003 : rejoint le groupe The Phone House en tant que P-dg de The Phone House Services Telecom.

Cofondateur de l'AFRC en 1996.

The Phone House Services Telecom

Filiale à 100 % de The Phone House France.

CA 2004 : 41,8 ME (+ 5,4 %).

Quatre centres de relation client, sur trois localisations :

• Saint-Quentin-en-Yvelines : gère le centre propre à The Phone House (services clients magasins, assurance, Breizh Mobile et Talk Talk) et les clients à haute valeur d'Orange.

• Orléans : gère l'ensemble de la gamme des produits SFR (La Carte, Le Compte, Abonnement) et le service clients pour Neuf Cegetel.

• Le Mans : travaille sur la gestion des abonnés SFR.

Environ 1 450 personnes.

11 millions de contacts entrants (89 % téléphone) et 794 000 sortants en 2004.

 
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Propos recueillis

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