Capitaliser sur l'expertise métier pour révolutionner l'IA conversationnelle
Manifone, l'opérateur télécom spécialisé dans les centres de contact, développe actuellement un agent conversationnel qui conjugue IA et savoir-faire relationnel en vue de renforcer l'efficacité des campagnes d'appels sortants. Explications avec Sylvie Cleyet et M'hamed Tayeb.

Dans le secteur de la télévente où les campagnes d'appels sortants affichent entre 90 et 97 % de refus de réponse, l'enjeu de l'entrée en relation est toujours plus critique. Manifone, qui traite 15 millions d'appels par jour pour plus de 300 clients centres de contact, a développé une solution d'intelligence artificielle conversationnelle pour laquelle le socle métier prévaut sur l'approche technologique. « Notre objectif n'était pas de créer un gadget, mais de répondre à un véritable besoin marché en apportant une vraie valeur à nos clients », explique M'hamed Tayeb, Lead AI Scientist chez Manifone. « Nous voulions que nos clients et leurs ressources se concentrent sur des tâches à valeur ajoutée, à savoir vendre, et n'aient plus à gérer les 90 %, voire plus, d'appels qui aboutissent à un raccroché rapide de la part du prospect. » Cette approche s'inscrit dans une démarche globale où l'expertise métier prime sur la performance technologique pure, particulièrement dans le domaine complexe de la téléprospection B2C.
Quand l'expertise relationnelle prévaut sur l'algorithme
Forte de 35 ans d'expérience dans la relation client, Sylvie Cleyet, cheffe de projet chez Manifone, a développé une méthodologie basée sur les processus décisionnels. « J'ai travaillé pendant de nombreuses années avec un docteur en sociologie pour comprendre pourquoi un client va accepter d'écouter, décider de continuer l'échange et finalement manifester un intérêt qui permette d'aller plus loin », détaille-t-elle. Cette approche, testée auprès de plus de 5 000 conseillers qu'elle a elle-même formés tout au long de sa carrière, permet de réduire les taux de refus de 30 % et d'augmenter les ventes par heure de plus de 25 % en moyenne. « L'entrée en relation nécessite de l'empathie et une écoute active. Notre agent IA a été nourri de cette compétence relationnelle pour créer les conditions d'un échange de qualité », précise Sylvie Cleyet. L'originalité de la solution réside dans sa capacité à intégrer ces codes relationnels dans un système automatisé. « Il ne s'agit pas de copier-coller un script traditionnel sur une IA. Il faut penser et raisonner IA, tout en conservant cette dimension psychosociologique essentielle à l'établissement du lien », souligne l'experte.
Hébergement en France : entre souveraineté et exigence...
Au-delà de la couche métier, Manifone a fait le choix de développer une solution entièrement propriétaire, hébergée en France. « Nous avons dû maîtriser intégralement la chaîne de valeur pour répondre aux exigences de volumétrie et de réactivité attendues dans notre secteur », explique M'hamed Tayeb. Cette approche répond à plusieurs enjeux critiques : la latence, optimisée selon les équipes techniques à 5-10 millisecondes près, la scalabilité pour traiter des volumes industriels, et la souveraineté des données. « Chaque brique que nous avons développée est hébergée et déployée en France, ce qui nous permet d'être en parfait respect des règles RGPD tout en garantissant une qualité d'appel optimale quel que soit le volume », précise le Lead AI Scientist. La question de la souveraineté numérique constitue un axe stratégique majeur pour Manifone. Contrairement aux solutions concurrentes qui s'appuient en partie sur des infrastructures américaines, l'opérateur français a fait le choix d'une approche totalement souveraine. « Nous avons négocié avec nos partenaires pour que toutes nos solutions soient hébergées dans nos infrastructures en France. Cela nous permet de garantir que les données restent sur le territoire national », souligne M'hamed Tayeb. Cette maîtrise complète de la chaîne de traitement permet à Manifone de proposer des garanties renforcées à ses clients, particulièrement sensibles dans les secteurs bancaires, assurantiel et mutualiste. L'hébergement en France offre également des avantages techniques concrets : réduction de la latence grâce à la proximité géographique, contrôle total des flux de données, et capacité d'adaptation rapide aux évolutions réglementaires européennes. « Nous pouvons garantir un niveau de sécurité et de qualité supérieur car nous maîtrisons chaque étape où la donnée transite », précise M'hamed Tayeb.
Préserver les agents, renforcer l'efficacité commerciale
« Notre objectif est de mettre le prospect dans les meilleures conditions d'écoute avant de le transférer vers un agent humain qui se retrouvera en position idéale pour délivrer sa valeur ajoutée », résume Sylvie Cleyet. Cette philosophie répond à un double enjeu : améliorer l'efficacité commerciale tout en préservant le bien-être des conseillers. « Imaginez des conseillers qui passent 300 appels par jour pour moins d'une vente en moyenne. Le risque d'épuisement et de désengagement est omniprésent. En confiant la phase d'accroche à l'IA, nous permettons aux humains de se concentrer sur leur coeur de métier : la vente », observe l'experte métier. L'avantage concurrentiel de Manifone réside dans sa capacité à traiter des volumes massifs tout en maintenant une qualité relationnelle constante. « Avec l'IA, vous êtes certains qu'elle interagira toujours de la même manière avec toutes les personnes. Il y aura toujours cette bienveillance, cette empathie. Vous ne pouvez pas affecter le moral d'une IA », explique M'hamed Tayeb. Cette régularité dans la performance élimine les variations humaines liées à la fatigue ou aux fluctuations d'humeur. La solution, actuellement en phase de proof of concept, cible dans un premier temps la téléprospection avant d'évoluer vers d'autres cas d'usage : vente additionnelle, rétention client, ou encore fidélisation hyperpersonnalisée. « Une fois que cette intelligence existe, les possibilités se démultiplient. Nous pourrions par exemple développer des appels de convivialité automatisés, économiquement viables grâce à l'IA », projette Sylvie Cleyet. Dans le secteur de l'assurance ou des mutuelles, l'agent virtuel pourrait ainsi prendre des nouvelles d'un adhérent hospitalisé, créant une proximité relationnelle jusqu'alors impensable à grande échelle. À suivre !
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