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[Tribune] Skimpflation : le retour de l'inflation menace-t-il l'expérience client en France ?

Publié par Martine Fuxa le - mis à jour à
[Tribune] Skimpflation : le retour de l'inflation menace-t-il l'expérience client en France ?

Sur le marché américain, on constate une baisse significative de la satisfaction client. Pour certains observateurs, cela proviendrait d'une tendance des entreprises à rogner sur la qualité de leur service, dans le but de préserver leurs marges en limitant la hausse des prix de leurs produits ou services. Doit-on craindre que ce phénomène, qualifié de skimpflation, s'observe également en France et en Europe ?

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Depuis le second semestre de l'année 2021, l'inflation semble avoir fait son grand retour. Selon Eurostat, la hausse des prix sur 12 mois glissants s'établit à 5% pour 2021, son niveau le plus élevé depuis 25 ans. Selon les experts, cette hausse des prix s'expliquerait en grande partie par l'élévation des prix de l'énergie et les tensions d'approvisionnement en matières premières : les entreprises répercuteraient sur les prix de vente l'élévation des coûts de production pour préserver leur marge dans un contexte de sortie de crise sanitaire. Pour les entreprises, en particulier dans le secteur de la grande consommation, l'élévation des prix de ventes n'est pas la seule manière d'absorber les hausses de coûts de production. Connue sous le terme américain 'shrinkflation' (du verbe to shrink : rétrécir), certaines marques de biens de consommation courante, pour lesquels l'élasticité-prix de la demande est la plus forte, contourneraient la hausse du prix facial en réduisant très légèrement les quantités vendues. Sur son site[1], l'américain Edgar Dvorsky suit ce phénomène depuis 25 ans et montre comment, en 2021, quelques produits (des céréales de petit-déjeuner, des boîtes d'alimentation animale ou encore du papier toilette) ont ainsi vu leur contenance « ajustée » à la baisse. Il y a quelques semaines, l'émission américaine Planet Money a proposé un nouveau terme économique accrocheur : la "skimpflation" (du verbe to skimp : lésiner, rogner). Elle désigne ainsi une nouvelle forme de contournement des hausses de prix qui se traduit par une dégradation plus ou moins significative de la qualité de service à prix équivalent et une forte insatisfaction client. Parmi les exemples cités[2], on trouve ainsi la suppression d'un service de tram entre le parking et l'un des parcs américains du géant Disney, l'augmentation significative des délais de livraison de la chaîne de pizzas Domino's ou encore l'allongement important du temps d'attentes pour joindre le service de réservation des compagnies aériennes. On se souvient en France de l'exemple de la SNCF qui a supprimé son service de restauration sur les trajets de moins de deux heures[3] sans impact sur le prix du trajet. Selon l'ACSI, association américaine qui mesure depuis 1994 un indice de satisfaction client, cet indicateur est reparti à la baisse au Q4 2021, tombant ainsi à son plus bas niveau depuis 2005[4]. L'association suggère que l'inflation observée sur 12 mois glissant qui s'établit à +7,5% aux US devrait plutôt être considérée de l'ordre de 10% pour tenir compte de la baisse de qualité perçue que les consommateurs enregistrent sur la même période.

[1] Mouseprint.org [2] « Meet skimpflation: A reason inflation is worse than the government says it is » - 26/10/21 - npr.org [3] « TGV : la fin de la voiture-bar sur les trajets courts », Le Figaro, 27/03/2014 [4] https://www.theacsi.org/news-and-resources/press-releases/press-2022/press-release-national-acsi-q4-2021

L'avis de Vincent Placer,Colorado Groupe ( associé)

Les tensions inflationnistes ne semblent pas avoir encore eu de conséquences en France ou en Europe aussi visibles qu'aux Etats-Unis sur l'évolution de la qualité délivrée. Le phénomène de la skimpflation n'est donc peut-être pas à craindre. Toutefois, si le contexte inflationniste perdure, certaines marques pourraient être tentées de conserver leur compétitivité prix en renonçant à certains coûts liés à la qualité de service (réduction des effectifs en relation client physique ou à distance, suppression de services dits « expérientiels »). La période qui s'ouvre pourrait constituer un vrai test pour le paradigme de l'expérience client. Nous sommes convaincus que les investissements réalisés dans la qualité de service ces dernières années ont le potentiel de renforcer la fidélité et la préférence client. Si cette vision est partagée par les dirigeants d'entreprise, renoncer à ces investissements face à un choc conjoncturel de compétitivité prix ne devrait pas constituer une stratégie de choix.La crise sanitaire a renforcé les exigences des clients en matière de qualité relationnelle, de disponibilité des services et de fluidité dans la résolution de leur demande. Les marques qui ont su y répondre et maintenir un lien fort et qualitatif avec leurs clients sortent renforcées. Maintenir sa compétitivité prix en rognant sur la qualité de service sera aussi rapidement démasqué par les consommateurs que les tentatives de réduire de quelques grammes les quantités dans un produit alimentaire. Cela peut avoir un impact négatif sur la relation de confiance entre la marque et ses clients et pourrait s'avérer plus durable que le choc inflationniste que nous traversons actuellement.


 
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