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Téléphonie sur IP : l'ère de la maturité

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Après plusieurs années de faux départ, la Voix sur IP semble réellement partie. Mieux : on parle désormais de Téléphonie sur IP, concept plus large que le simple transport de paquets voix sur le réseau. Entreprises multisite et collectivités locales sont les premières intéressées par cette technologie, qui concerne aussi le travail délocalisé à l'étranger. Mais cette montée en puissance sera progressive et devrait s'achever vers 2020, si l'on en croit le cabinet d'études britannique Forrester.

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La Voix sur IP est le nouvel espoir des professionnels de la téléphonie. Ou plutôt, la Téléphonie sur IP, notion plus large, qui rassemble le transport des paquets voix sur le réseau data (Voix sur IP) et d'autres services associés. Selon Bruno Cayot, responsable marketing solutions chez l'intégrateur NextiraOne, les principaux moteurs de cette technologie, qui vise à faire converger téléphonie et informatique, sont les besoins applicatifs, dont le centre de contacts, la baisse du coût des appels, la maintenance simplifiée et l'augmentation de la productivité. « La convergence voix/données a commencé via les applicatifs comme le CTI ou le CRM. Mais, avant d'arriver à une convergence totale, il faudra passer par une phase intermédiaire, un système hybride qui autorise les solutions de repli et de sécurisation », pense-t-il. En effet, le parc de PABX traditionnels (ou TDM, time-division multiplex, multiplexage à division temporelle) constitue la quasi-totalité des équipements existants, la partie IP représentant entre 3 et 5 % du total. Il n'empêche que la profession constate, depuis la rentrée, une demande soutenue pour les solutions IP. « Tous les projets contiennent de la téléphonie sur IP », affirme Bruno Cayot.Pour Stanislas Huin, manager chez Eurogroup, cabinet conseil en organisation, la ToIP concerne principalement deux secteurs : le multisite et le multicanal. « L'IP permet d'ajouter des capacités déportées sans avoir à installer un centre de contacts. Cela améliore la communication avec les clients en augmentant le nombre de points de contacts », explique-t-il. En effet, déporter les agents des centres de contacts sur d'autres sites présente un intérêt majeur, grâce au moindre coût de communication entre les sites, économie encore plus intéressante dans le cadre de l'off-shore. Le web call center peut aussi être un moteur de croissance de l'IP. « Call back, e-mails ou chat permettent d'assurer une continuité dans le processus de vente », ajoute Stanislas Huin. Grâce à l'administration simplifiée du transport simultané de la voix et des données, les entreprises peuvent espérer un gain de 20 à 30 % des coûts de gestion, selon l'expert d'Eurogroup.

Des solutions à la carte


Reste que le développement de la ToIP est tributaire de l'amélioration des liaisons haut débit, particulièrement dans le grand public. En effet, si tous les intervenants s'accordent à dire que les réseaux locaux (LAN) et éloignés (WAN) des entreprises sont à niveau, il n'en est pas encore de même dans l'univers des particuliers. Et, si la qualité des communications en Voix sur IP s'est sensiblement améliorée, il subsiste encore des problèmes de hachure et d'écho qui peuvent rebuter les centres de contacts, dont le service client se doit d'être irréprochable. Malgré ces quelques restrictions, tous les acteurs de la téléphonie se ruent vers la terre promise de la ToIP. Chez Alcatel, Patrig Pesret, responsable marketing, estime que « les clients ne veulent pas remplacer tous leurs équipements, mais préfèrent des solutions mixtes, pour déployer IP à bon escient ».Alcatel a réalisé 27 % de son chiffre d'affaires dans l'IP au cours du troisième trimestre 2003 et les ventes en IP ont augmenté de 50 %. Mais le fabricant reconnaît que le marché du full IP (ou greenfield), ne pèse que 3 % du total des équipements de transport de la voix. « Les centres de contacts bénéficient d'un retour sur investissement par rapport au TDM, grâce à une meilleure productivité des utilisateurs », ajoute William Tranchant, responsable marketing serveurs de communication. L'équipementier s'appuie sur sa solution Omni Call Center, fondée sur un ACD OmniTouch et un CTI OmniGenesys. Les PME sont adressées via la solution OmniPCX Entreprises et la suite OmniPCX Office. Autre acteur majeur sur le marché français, EADS (ex-Matra) suit la même stratégie de préservation de l'existant via une migration douce vers l'IP, tout en mettant l'accent sur la sécurité. « Il n'y aura pas de développement cohérent de la ToIP sans sécurisation des réseaux », estime Jean-Denis Garo, responsable marketing. Pour EADS, l'IP apporte de nouveaux services comme le câblage unique, la messagerie unifiée ou les Web services. La solution de Voix sur IP pour les centres de contacts s'appuie sur le PABX 7480 équipé de cartes IP, soit un tiers des projets en cours selon l'équipementier. « Cette solution apporte des fonctionnalités égales, une qualité égale tout en générant des économies. Nous allons progresser sur les ventes en IP », estime le responsable marketing.

L'IP : un levier de croissance


Les architectures multisite sont les premières visées et 2004 verra le déploiement des premiers grands réseaux en IP. Chez Nortel Networks, l'IP a été désigné comme un des leviers de croissance pour la société. Eric Buhagiar, Business Development Manager, estime que, « d'ici dix ou quinze ans, le réseau données va fédérer les communications, avec une seule adresse, quel que soit le terminal ». L'équipementier canadien ne cache pas qu'il espère récupérer des parts de marché grâce à cette technologie. « Il se crée plus de sites nouveaux en IP qu'en téléphonie traditionnelle », affirme Eric Buhagiar. Tout en reconnaissant que ce type de solution a un surcoût de l'ordre de 20 à 30 %. Le fabricant distingue trois marchés principaux pour cette technique : les entreprises, pour qui l'IP représente « une formidable opportunité », les opérateurs fixes et les opérateurs de mobiles. Cisco, société américaine, diffère des trois précédents acteurs en intervenant dans le domaine du full IP. Son offre se compose de l'IPCC Enterprises, pour les grands comptes avec des problématiques de multisite ou de multicanal et de l'IPCC Express, visant les PME (10 à 100 positions). Cisco propose une solution complète qui inclut l'infrastructure réseaux, la suite CTI, l'intégration aux logiciels CRM et les terminaux IP. Partie plus tôt que les autres sur cette technologie (première installation en 2000), Cisco revendique quelques grands centres d'appels IP, tel que celui de la Direction générale des Impôts, avec 700 positions réparties sur 17 sites. Pour Halim Belkhatir, responsable Voix sur IP chez Cisco, « l'IP s'inscrit dans le cadre d'un modèle informatique, avec une intégration plus simple des applicatifs métiers ». Par ailleurs, cette technologie permet d'offrir des solutions packagées de CTI qui amènent ces applications directement sur l'écran du terminal IP, que ce soit un téléphone ou un PC équipé d'un Softphone (logiciel de téléphonie). Cisco évoque le chiffre de 5 000 terminaux vendus par jour en 2003.« Nous sommes confiants dans le potentiel de la ToIP et nous envisageons une croissance de 20 % de nos parts de marché d'ici un an et demi », annonce Halim Belkhatir.

Un réseau prêt à supporter la voix


Les autres constructeurs moins bien implantés en matière de téléphonie TDM s'intéressent également au marché juteux de la ToIP. C'est le cas chez Tenovis, qui cible plus particulièrement le Mid Market et les PME. « A long terme, la téléphonie sur IP concernera tous les types d'entreprises. Pour l'instant, ce sont surtout les grands comptes multisite qui effectuent tests et essais sur leurs réseaux de données », pense Nadim Boukhaled, chef de produit ToIP, qui se félicite d'avoir réalisé trois fois plus d'installations en IP en 2003 (voir article Conseil régional de Bourgogne p. 55). L'offre ICC Office vise les PME, tandis que la solution ICC Entreprises cible le Mid Market et les grands comptes. Si les terminaux IP sont devenus plus intelligents, grâce aux processeurs qui optimisent les taux de compression, ils restent plus chers que les numériques, même si Tenovis prévoit un prix de postes IP équivalent à celui des numériques d'ici cinq ans.Pour Ericsson, la demande en IP est bien là. Comme ses concurrents, ce fabricant estime que les entreprises ne sont pas prêtes à échanger leurs systèmes existants contre de l'IP. « Ils veulent un mix avec la téléphonie traditionnelle », estime Marc Nackaerts, responsable portefeuille IP chez le constructeur suédois. L'offre d'Ericsson en direction des grands comptes s'appuie sur le MD 110, qui peut équiper de 100 à 20 000 postes, et supporte la Voix sur IP. Le MD Evolution cible, quant à lui, les PME. « Dans le cadre de la création d'un centre de contacts, pas besoin de PABX supplémentaires. Il suffit d'interconnecter des postes IP », ajoute Marc Nackaerts. Mais à condition de s'assurer, au préalable, que le réseau est prêt à supporter la voix. « Le protocole IP n'est pas vraiment fait pour ça », rappelle-t-il. Pour Hervé Manceron, président de WellX Telecom, fournisseur de solutions PCBX, « la technologie est mûre, banalisée. Depuis la fin de l'été, il y a une vraie ouverture du marché ». WellX s'intéresse à tous les sites, de 5 à 500 positions, soit 95 % d'un marché de remplacement des PABX existants qui seraient peu évolutifs.L'amélioration des Systèmes Opératoires (OS), en particulier ceux de Microsoft serait également un moteur de croissance de l'IP. Cette technologie est à la base de la création de NetCentrex (ex-MG2), qui propose des services d'IP Centrex aux opérateurs de télécom comme France Télécom ou Prosodie. Ce système consiste à placer un ACD virtuel sur un réseau privé virtuel (VPN) piloté par l'opérateur.

Avantages et inconvénients de l'IP


« Depuis quelques mois, nous recommandons la Voix sur IP via des passerelles. Tous les réseaux passent en IP », affirme Olivier Hersent, président de NetCentrex. Cette offre s'adresse aux administrations, aux entreprises fragmentées et aux petites sociétés. « Le centre d'appels et le centrex sont indissociables », estime-t-il. Cette solution d'hébergement du centre de contacts sur le réseau de l'opérateur permet de piloter les terminaux de manière centralisée et de faire monter à l'écran des applications. NetCentrex annonce aussi d'autres développements que seul l'IP autorise, comme les centres de contacts vidéo, avec le standard H324 M et la norme MPEG 4. Conclusion d'Olivier Hersent : « L'IP est arrivé beaucoup plus tard que prévu, mais son développement est plus rapide. » L'ensemble des fournisseurs est donc unanime : l'IP ressemble à la panacée. L'expert indépendant Valérie Fernandez, maître de conférences à Télécom Paris (membre du GET, Groupe des Ecoles de Télécommunications), est assez d'accord avec ce constat : « Excellente solution en matière d'intégration, de fiabilité et d'évolutivité, l'IP remplacera progressivement et inévitablement le PBX traditionnel. » Parmi les avantages pour le client de cette technologie, elle liste le prix à la ligne, la gestion outsourcée et la simplicité des reconfigurations. L'opérateur y verra un moyen de capter des revenus grâce au trafic voix, l'affranchissement des problèmes de distance et la convergence facilitée avec les mobiles (protocole SIP). Mais les inconvénients existent aussi pour Valérie Fernandez : manque d'indépendance vis-à-vis de l'opérateur, questions sur le maintien de la qualité et de la sécurité informatique en ce qui concerne les utilisateurs. Pour l'opérateur, il s'agit de solutions encore incomplètes, de la question non résolue de la facturation des appels, du coût de la migration du réseau vers la commutation téléphonique en IP. Il faudra aussi accroître la sécurisation des différents éléments du système (serveurs, postes nomades). « Cet investissement semble indispensable, même si certains équipementiers masquent ce besoin de sécurisation des réseaux d'entreprise », estime Valérie Fernandez.


Positionnée sur le marché des appliances servers, la société française QuesCom vise une niche qui pourrait devenir grande : celle des équipements qui permettent de conserver l'architecture téléphonique existante tout en migrant vers l'IP. « L'arrivée de l'IP a permis de casser la barrière d'entrée sur le marché de la téléphonie d'entreprise et d'attirer de nouveaux acteurs. Les besoins de télécommunications vont être de plus en plus forts durant les cinquante prochaines années », estime Philippe Oros, président de QuesCom. La société basée à Sophia Antipolis, forte du soutien de capitaux risqueurs (levée de 6 millions d'euros en 1999, puis de 14 en 2002), propose le QuesCom 400, serveur de téléphonie sur IP sous forme de boîtier rackable associé à des logiciels, dont GeoRoute, logiciel de CTI de sa filiale GeoSoft, rachetée en février 2003. Branché sur le PABX, il permet de gérer les appels entrants et sortants, mais aussi de connecter les GSM de l'entreprise (dans la version QuesCom 400 GSM) et de bénéficier d'une messagerie unifiée. Pour Philippe Oros, le marché est sorti de la phase « Est-ce que l'IP fonctionne ? », et les réseaux locaux des entreprises sont matures. Le serveur de QuesCom vaut de 3 à 11 000 euros, en fonction du nombre de ports, et il est livré avec deux ports GSM, plusieurs ports voix sur IP et accès RNIS. Il faut rajouter 30 % de ce prix pour le coût de licence logicielle par utilisateur. Le retour sur investissement est accéléré par l'économie réalisée sur la baisse du prix des communications vers les GSM. Par ailleurs, le fournisseur de cette passerelle IP mise sur le parc installé de PABX dont la majorité est difficilement upgradable vers le monde IP. QuesCom a réalisé un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros en 2002, 4 millions en 2003 et vise l'équilibre pour fin 2004. La société française a ouvert des bureaux en Grande-Bretagne, Allemagne, Espagne et Italie.


Dans sa dernière étude sur l'IP, intitulée European Incumbent Telco's VoIP Road Map (la carte de déploiement de la Voix sur IP par les opérateurs de télécommunications européens), le cabinet britannique Forrester propose un calendrier qui va de 2006 (5 % du trafic fixe en Voix sur IP) à 2020 (100 %). Pour cet institut d'études, la Voix sur IP est le plus gros défi qu'auront à relever les opérateurs de télécom durant les deux prochaines décennies. La téléphonie traditionnelle représente un marché de 140 milliards d'euros par an et constitue encore l'immense majorité du business des opérateurs. « Le changement vers le transport de la voix en paquets sur le réseau data menace le modèle économique actuel des opérateurs. Mais, contrairement à l'enthousiasme des vendeurs de cette technologie IP, ce bouleversement va prendre vingt ans pour s'achever », explique Lars Godell, senior analyst. Dans l'immédiat, les équipementiers comme Alcatel, Cisco ou Siemens ne seront pas aptes à proposer des systèmes adéquats et abordables avant vingt-quatre mois, selon le cabinet. En cause, le remplacement de plus de 100 000 switches (commutateurs) locaux et distants dont le coût risque d'être élevé. Néanmoins, les équipementiers devraient rejoindre le train de l'IP en marche, sous la double contrainte de la compétition et de l'obsolescence du parc de PABX traditionnel.Avec une accélération du déploiement du réseau haut débit domestique, qui devrait atteindre 40 % en 2010, la Voix sur IP pourrait atteindre 45 % de parts de marché du trafic voix à la même date. Ce chiffre devrait être de 85 % en 2015 et 100 % en 2020.

 
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Patrick Cappelli

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