Logiciels de SFA : l'indispensable partage de la connaissance
Première application historique de la gestion de la relation client (CRM), les logiciels d'automatisation des forces de vente, ou SFA (Sales Force Automation), ont toujours le vent en poupe. Inclus dans des suites CRM intégrées ciblant les grands comptes, ou commercialisés de manière autonome à destination des PME et TPE, leurs critères de différenciation sont la modularité, l'adaptabilité aux autres outils de CRM (call centers, campagnes marketing) et le coût. Bien que l'offre puisse sembler pléthorique, les cabinets conseils recensent quelques intervenants principaux. La concentration du marché, déjà entamée, devrait se poursuivre.
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Les commerciaux de toute nature sont soignés par les éditeurs de CRM. En
effet, l'offre en matière de logiciels d'automatisation de la force de vente,
ou SFA, est nombreuse et variée. Historiquement, c'est d'ailleurs la première
fonction à avoir été incluse dans les solutions de CRM. C'est, par exemple, sur
ce créneau que s'est créé et développé le leader mondial Siebel. « Les
logiciels de SFA sont très anciens. Dès les années 80, on trouve les premières
applications à destination des visiteurs médicaux, fonctionnant sur grands
systèmes et Minitel. L'idée étant de faire des rapports à distance », évoque
Philippe Nieuwbourg, consultant CRM. Dans les années 90, les PC portables
rendent les commerciaux nomades et autonomes. Il s'agit alors de faire de la
gestion de contacts. Aujourd'hui, on est passé à l'étape dite "collaborative",
qui tire parti d'Internet et s'avère bidirectionnelle, c'est-à-dire que les
informations commencent à redescendre vers le commercial. Les logiciels de SFA
servent d'abord à augmenter l'efficacité commerciale, pour que les vendeurs
puissent proposer la bonne offre, au bon moment, au bon client. « La démarche
commerciale compte pour 30 % du chiffre d'affaires d'une société. C'est un
enjeu considérable », rappelle Hervé Drevot, responsable du CRM chez Valoris.
Or, sans outil informatique, toute la connaissance client reste dans la tête du
commercial. Et dans un métier qui connaît de forts taux de turn-over, il faut
pouvoir capturer cette information, la stocker, l'enrichir, puis la mettre à
disposition des autres services de l'entreprise, grâce en particulier aux
logiciels d'automatisation des tâches, reliés aux bases de données clients. «
Le partage et l'accès de la connaissance client par le commercial sont
fondamentaux », rappelle Hervé Drevot. Que doit faire un bon logiciel de SFA ?
D'abord, réduire le temps passé aux tâches administratives. Par exemple, en
automatisant le reporting. Ou en mettant à disposition des vendeurs une
bibliothèque de présentations commerciales, de devis, etc. Ces outils peuvent
également servir à diminuer la durée d'apprentissage et de formation des
commerciaux. Côté management commercial, les solutions de SFA vont permettre à
ces responsables d'avoir une meilleure visibilité sur les performances des
équipes de vente. Et donc de définir rapidement des actions correctives en cas
de besoin. « Plus besoin d'attendre la fin du mois pour savoir où l'on en est
», précise Hervé Drevot.
SEGMENTATION PAR TAILLE
Ces
outils doivent aussi faciliter le partage de l'information. Exemple typique :
un technicien sur site s'aperçoit que le client a un autre besoin. Comment
faire remonter l'information vers la force de vente ? L'importance des autres
canaux de communication, comme le centre d'appels, est donc primordiale. Pour
Hervé Drevot, « ce serait une erreur fondamentale d'équiper une force de vente
avec un outil qui ne traiterait que ce type d'activité. On passerait à côté du
partage de l'information. » C'est en vertu de ce besoin global en matière de
CRM que les cabinets conseils comme Valoris ou Affluence préconisent quelques
solutions, le plus souvent des progiciels intégrés avec différents modules :
SFA, campagnes marketing, call centers, Web, etc. Pour les grands comptes, les
noms de Siebel, PeopleSoft et Oracle reviennent le plus souvent. Côté mid
market, des solutions comme celles de Pivotal ou Selligent sont également
citées. On trouve également des prestataires plus orientés vers le service
client et le help-desk qui se sont diversifiés vers le CRM, comme Remedy
(Peregrine) ou Clarify (Nortel). Quant aux PME, elles ne font pas vraiment
partie de la clientèle de ces cabinets, qui ne connaissent pas bien ce marché.
Ces petites sociétés ont des besoins différents de ceux des grosses compagnies
et peuvent choisir parmi des prestataires dédiés à leur activité, comme
FrontRange, KDP ou Trigilog. La segmentation de ce marché des logiciels pour
forces de vente se fait donc plutôt par taille d'entreprise. Les TPE et les PME
regroupent les sociétés faisant moins de 50 MF de CA ; le mid market est une
nébuleuse qui regroupe des PME réalisant de 50 à 100 MF de chiffre d'affaires
jusqu'à deux milliards de francs ; les grands comptes ont une activité qui
dépasse les deux milliards. On peut aussi diviser ce marché par le nombre de
salariés : moins de 500 salariés (PME) ; 500 à 2 000 (mid market) ; plus de 2
000 (grands comptes). Philippe Nieuwbourg a, lui, adopté un découpage
intégrés/modulaires et horizontaux/verticaux. Parmi les intégrés, il distingue
les progiciels issus d'éditeurs d'ERP (Oracle, SAP, PeopleSoft, Baan) et ceux
qui sont vendus par les spécialistes du CRM (comme Siebel, Applix, Pivotal,
Selligent). Les modulaires regroupent des sociétés comme Epiphany, Blue
Martini, Carthago, FrontRange, SellingVision. Et enfin, les progiciels
verticaux ciblent des marchés tels que le médical (Dendrite, NetReps) ou
l'assurance (Astral Assurances). A noter que la plupart des éditeurs de
progiciels intégrés ont développé des offres adaptées à ces secteurs. Bien
sûr, cette nomenclature n'est pas exhaustive. Le site spécialisé dans la veille
technologique CXP.com recense, par exemple, plusieurs dizaines de logiciels qui
comportent une partie SFA. Néanmoins, la concentration du marché a éditeurs de
progiciels intégrés ont déve adaptées à ces secteurs. Bien sûr, cette
nomenclature n'est pas exhaustive. Le site spécialisé dans la veille
technologique CXP.com recense, par exemple, plusieurs dizaines de logiciels qui
comportent une partie SFA. Néanmoins, la concentration du marché a déjà débuté.
Baan a absorbé Aurum, Intelligent Sales Objects est en cessation de paiement et
attendait, en septembre dernier, un repreneur. SAP cherche à acquérir un
éditeur de CRM, les noms d'Onyx et Clarify circulent.
UN TICKET D'ENTRÉE À DEUX MILLIONS
Le choix d'une solution de SFA se fait en
fonction de la nature de sa société et de ses besoins, mais également de son
budget. En effet, les progiciels nécessitent de l'intégration avec les autres
parties du système d'information. « Pour un 1 franc de licence, il faut
rajouter 5 ou 10 F d'intégration », rappelle Philippe Nieuwbourg. « Une licence
ne pèse que 20 % du coût total d'un projet », ajoute Hervé Drevot. Le
consultant de Valoris propose aussi de penser à l'évolutivité de l'outil que
l'on veut acquérir, le secteur commercial étant sujet à des changements
fréquents : d'équipes, de secteurs, de concurrents. Le coût d'une solution de
SFA est, selon ce consultant, de 2 millions de francs minimum pour une petite
équipe ; entre 30 et 50 000 francs par poste pour une équipe plus importante,
soit environ 15 à 20 MF pour 300 commerciaux. Le retour sur investissement
d'une telle solution serait assez rapide, de l'ordre de dix-huit mois. Pour
Philippe Nieuwbourg, il faut compter entre 15 et 20 000 francs par poste en
moyenne. Pour lui, les critères de différenciation entre les produits sont à
rechercher dans la capacité de ces logiciels à gérer les différentes relations
et de leur niveau d'intégration avec Internet. « Les interfaces avec les
plates-formes de e-commerce sont généralement très mal adaptées. Par exemple,
quand une entreprise fait un achat via une place de marché électronique, il est
encore très compliqué d'alimenter le logiciel de SFA pour avertir le commercial
de cette transaction », explique le fondateur du site relationclient.net. Pour
cet expert, il n'existe pas de produit idéal. Parmi les éditeurs de logiciels
de SFA les plus installés, on trouve Siebel. L'éditeur s'est créé en 1993 sur
ce créneau. Depuis cette époque, le progiciel s'est enrichi de nombreuses
autres fonctionnalités. Dans les fonctions incontournables que doit posséder un
bon logiciel de SFA, Laurent Carrière, directeur avant-vente Europe du Sud chez
Siebel Systems, recense la gestion de l'activité, la gestion des informations
clients, la gestion des opportunités, la gestion des prévisions commerciales.
Pour lui, deux axes sont essentiels. D'abord faire baisser les coûts de la
force de vente, en industrialisant certaines fonctions pour dégager du temps
commercial. Ensuite améliorer la pertinence des vendeurs, grâce à une meilleure
connaissance de leur offre. « On peut inclure dans le logiciel des
encyclopédies marketing, des argumentaires pré-packagés, divers documents »,
énumère-t-il.
ARCHITECTURE 100 % INTERNET
Souvent
présenté comme l'éditeur des grands comptes, Siebel a récemment sorti une offre
dédiée aux entreprises de moins grande taille, la Mid Market Edition. L'offre
est pratiquement identique, hormis quelques fonctions en moins, comme des
interfaces avec les ERP. « Mais il s'agit surtout d'un positionnement
commercial différent, puisque ce produit est disponible à partir de 10 000 F
par poste », précise Laurent Carrière. Pour lui, les clients commencent à avoir
une vraie vision d'un CRM intégré. Mais ils n'ont pas d'approche de type "big
bang" et préfèrent se concentrer sur des projets précis : SFA, puis call center
ou gestion de campagnes marketing. Conscient de cette réputation de fournisseur
plutôt haut-de- gamme donc cher et ciblé sur les grandes entreprises, Laurent
Carrière tient à la démentir : « Notre premier client historique en France
était une PME. On nous accuse d'être chers, mais notre structure modulaire nous
permet de proposer des tarifs concurrentiels. » Pour le directeur avant-vente,
la tendance dans le secteur du SFA est à l'interconnexion avec les autres
instruments de communication comme le centre d'appels. L'acte commercial
traverse différents canaux. Le référentiel client doit donc être identique à
tous. Les commerciaux bénéficiant de plus en plus d'outils nomades, Siebel a
mis au point des configurations pour PDA (Personal Digital Assistant) et
mobiles. Autre éditeur de progiciel intégré, PeopleSoft a réécrit récemment sa
suite CRM issue du rachat de Vantive. « Nous avons adopté une architecture 100
% Internet, accessible par n'importe quel terminal équipé d'un navigateur »,
précise Eric Silbermann, ingénieur avant-vente. D'abord centré sur les grands
comptes, PeopleSoft a également mis au point une offre mid market et des
solutions verticales. Pour Eric Silbermann, les fonctions d'un logiciel ou
module SFA doivent prendre en compte l'ensemble de la vie du commercial :
opportunités, devis, commandes, prévisions, le tout étant géré dans un workflow
commun. Comme les consultants, il estime que le travail collaboratif est la
prochaine étape de ce type de solutions informatiques. « Les produits que
doivent vendre les commerciaux sont de plus en plus techniques et complexes.
Ils ont donc besoin soit de beaucoup de formation, soit qu'on leur mette à
disposition les informations nécessaires pour faire la bonne proposition au bon
moment. »
APPROCHE MIXTE
Parmi les "intégrés CRM"
(selon la typologie de Philippe Nieuwbourg), Pivotal est un autre acteur
important. « Nous avons commencé par le mid market, mais nous avons aussi des
clients plus importants. Notre technologie a évolué. Par exemple, nous ne
proposions pas de relation avec la base de données Oracle, il y a six mois »,
détaille Marc Bhada, responsable technique chez Pivotal France. Pour lui, il y
a deux façons de faire une offre de solution SFA : en proposant une plate-forme
de développement, sur le modèle de BroadVision, qui permet de fabriquer une
application. Ou en commercialisant un progiciel prêt à l'emploi. Mais dans ce
cas, chaque modification devra passer par du développement. « Nous essayons de
marier les deux, avec une plate-forme capable de construire des applications
standards », détaille le responsable technique. La suite eRelationship propose
plusieurs briques, dont le SFA, mais aussi la gestion de campagne marketing et
le support client, ainsi qu'une interaction avec le centre de contacts. « Il ne
s'agit pas d'un simple outil de saisie de données, mais d'aider le commercial
dans son processus de vente grâce à la mise à disposition d'informations
pertinentes », explique Marc Bhada. Autre avantage du logiciel selon ses
concepteurs : sa souplesse de paramétrage. La rapidité d'installation est
également mise en avant : « Belgacom a installé la partie SFA sur une centaine
de postes en quarante-cinq jours », précise Marc Bahda. En effet, les règles du
métier de commercial changent souvent et il faut pouvoir intégrer rapidement
ces modifications dans le logiciel. L'offre à destination des PME vaut entre 8
et 10 000 francs par licence jusqu'à 150 employés ; 12 à 15 000 francs
au-dessus de 150 personnes équipées. Outre les offres visant les grandes
sociétés et le mid market, certains éditeurs se sont spécialisés dans les
solutions pour les PME et TPE. Avec raison, puisque ce segment est le moins
équipé en logiciels de CRM. Quand on sait que 93 % des entreprises françaises
emploient moins de dix personnes, on mesure le potentiel pour ces éditeurs.
Parmi eux, on trouve FrontRange et son produit Goldmine. « Beaucoup de ces
petites sociétés ne sont pas équipées et sont très demandeuses d'outils CRM »,
confirme Guillaume Albouin, ingénieur avant vente Goldmine. La devise de cet
éditeur éclaire bien sa stratégie : "80 % des fonctions pour 20 % du prix". Le
référent en termes de fonctions et de prix, ce sont les progiciels intégrés de
type Siebel. « La licence de notre produit vaut entre 2 000 et 4 500 francs
selon les modules, pour un à trois cents utilisateurs », détaille Jannick
Ursulet, responsable marketing et communication. Pour Guillaume Albouin,
l'évolution de la solution CRM passe par une intégration accrue avec les autres
modules. FrontRange est d'ailleurs en train de redessiner ses plates-formes
technologiques. Par ailleurs, une application développée autour de la
technologie Web.net de Microsoft utilise une architecture multitiers, de type
ASP. L'offre Goldmine nécessite trois jours de formation selon l'ingénieur
avant-vente.
LA "TO DO LIST"
Trigilog cible plutôt les
PME et la partie inférieure du mid market, dont les besoins se sont élargis aux
problématiques marketing et services clients. « Les acteurs de ces sociétés ne
peuvent plus travailler de manière autonome, ils doivent devenir plus
productifs. Mais la masse d'informations à leur disposition nécessite une
automatisation. Cela fait quinze ans que nous éditons de type de logiciel et
nous pensons qu'il est mieux dimensionné pour les PME que les offres des
éditeurs de progiciels intégrés », estime Pascal Benguigui, directeur général
de Trigilog. Le logiciel Novacial permet aux commerciaux de disposer de
l'historique client et de planifier ses actions : qui il doit visiter, quel
courrier doit être envoyé, bref ce que les anglo-saxons appellent la "to do
list". Etape suivante : rédiger des propositions commerciales, relancer le
client, construire des devis, et enfin analyser ces actions. La licence coûte 8
000 francs (1 200 euros) pour un poste, prix dégressif en fonction du nombre.
La version 5 du logiciel bénéficie d'une récupération des informations e-mail,
ainsi que l'intégration aux outils bureautiques. Les sociétés désireuses de
s'équiper d'un outil de SFA disposent donc d'un choix élargi, en fonction de
leur nature (PME, mid market, grands comptes) et de leurs besoins. Mais, quel
que soit leur secteur d'activité, elles ne doivent pas négliger une dimension
importante, l'interaction avec les autres secteurs de l'entreprise et avec le
client, via les différents canaux de communication, dont le centre d'appels. «
Il faut pouvoir partager la connaissance avec le service après vente, le
back-office, le centre d'appels et l'Internet », insiste Philippe Baldin,
consultant chez Affluence. Un chantier qui reste encore à réaliser pour la
majorité des entreprises.