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Les technologies vocales font du bruit

Publié par La rédaction le

Solutions Qu'il soit adopté pour réduire les coûts ou dans une logique de qualité de service, le vocal a su s'imposer. Synonyme d'automatisation, il reflète aussi la volonté des entreprises de jouer la carte de l'innovation.

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Philippe Poux (VocalExpo):

«Les clients sont de plus en plus en quête de renseignements; les entreprises ne peuvent gérer toutes les demandes en mobilisant des téléopérateurs.»

Si les technologies vocales ont atteint une certaine maturité, leur adoption reste encore marginale. Mais cette tendance pourrait rapidement s'inverser.

Les acteurs du marché (lire encadré p. 50) sont unanimes: une demande émerge. Pour preuve, la plupart des cahiers des charges évoquent désormais l'utilisation du vocal. Des secteurs comme la Banque et l'Assurance ont rapidement saisi les avantages, notamment en termes de coûts, qu'ils pourraient tirer de l'adoption de la synthèse vocale, de la reconnaissance de la parole ou de tout autre langage naturel. Ces primo-accédants ont ouvert la voie, et l'intérêt des grandes entreprises semble assez vif depuis le début de l'année.

Plusieurs paramètres contribuent à cette tendance. D'abord les organisations font face à une forte augmentation des sollicitations, qui les oblige à se réorganiser. «Les consommateurs sont de plus en plus en quête de renseignements et, en face, les entreprises ne peuvent gérer toutes les demandes en mobilisant des téléopérateurs. Elles se tournent alors vers l'automatisation, qui diminue en partie les coûts moyens d'intermédiation», précise Philippe Poux, consultant chez PPX Conseil et créateur de Vocal- Expo. Par exemple, le self-service - qui représente près d'un tiers des contacts entrants au niveau mondial selon Dimension Data - se généralise et utilise largement des solutions à base de technologies vocales. En parallèle, le taux de possession de mobiles ne fait que croître, transformant la relation client. Avec un taux de pénétration en France de 87,6%, le téléphone portable est au coeur des communications client- entreprise. Plus que jamais en situation de mobilité, l'appelant apprécie de trouver des services automatiques, pour peu qu'ils soient faciles à utiliser. Les serveurs vocaux en DTMF («dual-tone multifrequency», qui oriente le client grâce à une arborescence chiffrée: «Tapez 1, tapez 2...») sont relativement peu pratiques pour un utilisateur de portable. De plus, dans une étude menée par Télé 2 auprès de ses clients, 7% des répondants indiquent spontanément être équipés d'un téléphone sans fil (avec les touches sur le combiné) et donc préférer la reconnaissance vocale.

Autre élément conjoncturel, la loi Châtel - qui interdit les numéros surtaxés pour contacter le service après- vente - rend les services de relation client encore plus désireux de limiter les files d attente. Et, dès qu'ils en ont la possibilité, ils préfèrent orienter leurs interlocuteurs vers un serveur vocal plutôt que de les faire patienter. Au-delà de ces aspects pratiques, les technologies vocales ont aussi le vent en poupe «grâce aux hébergeurs tentés de copier les projets qui ont eu du succès», indique Laurent Balaine, p-dg de l'éditeur Telisma. En outre, les bonnes expériences - comme celle du 36 54 d'Air France (primé lors des Trophées Vocal Expo 2007) citée par nombre d'observateurs - plaident en faveur d'une plus grande diffusion des technologies vocales. Sur le volet technologique, la naissance de standards comme le Voice XML a largement contribué à la promotion du vocal. L'adhésion des éditeurs au standard, dans la mesure où celui-ci a permis de simplifier le développement des applicatifs, n'a fait que renforcer son poids. Autre point fort de cette technologie: elle rend les solutions portables d'une application à l'autre.

A noter que le VXML a été lancé en 2001 et qu'à partir de 2006 les clients le demandaient dans les cahiers des charges. Les technologies vocales sont avant tout déployées pour rendre un service aux consommateurs et aux usagers. Dans l'optique de traiter des volumes importants, elles sont garantes de la qualité de prise en charge. Parmi les tâches qu'il est judicieux de confier à des automates utilisant le langage naturel et/ou la reconnaissance vocale, l'accueil occupe une place de choix. Comme le souligne Philippe Poux, «fréquemment, les standards gèrent à la fois la réception physique et le téléphone. Grâce aux technologies vocales, il est possible de réduire de près de 70% le flux téléphonique traité par une hôtesse.» Des propos complétés par Patrice Vielpeau, directeur commercial des solutions vocales pour entreprises de Nuance France: «Les technologies vocales permettent de contourner les problèmes de RTT et d'heures d'ouverture. En outre, elles conviennent parfaitement, par exemple, pour orienter les appelants ne disposant pas du numéro direct de leur interlocuteur.»

Laurent Balaine (Telisma):

«Disposer d'un numéro unique constitue une étape de la stratégie marketing des services clients.»

Une grande liberté

La qualification plus fine et le routage des appels vers le correspondant compétent constituent d'autres avancées. De plus, le vocal intervient aussi pour procéder à l'identification de l'appelant. Lorsque le conseiller prend un appel, il connaît déjà le motif et a parfois même à sa disposition la fiche client avec l'historique des précédents échanges, ce qui lui permet ainsi d'adapter son discours.

En outre, le langage naturel offre une plus grande liberté aux utilisateurs. En effet, «on n'enferme plus le client dans une organisation complexe définie par l'entreprise. C'est au contraire l'entreprise qui doit faire l'effort de se caler sur la vision de l'utilisateur pour lui offrir un certain confort d'usage. Le moteur lui laisse la possibilité de dire les choses avec ses propres mots», estime Anne Lacouberie, responsable marketing et offres de la direction contact client de Prosodie. Philippe Poux (Vocal- Expo) partage cette vision: «Les marques ne doivent pas craindre la relation client. Les consommateurs préfèrent avoir un espace de liberté, quitte à reformuler leurs idées, plutôt que de devoir entrer dans le moule.» L'impact est positif à la fois en termes de ressenti du client et pour la société, dont l'intérêt est de mieux connaître ses usagers et leur manière de s'exprimer. De plus, avec le langage naturel, les entreprises choisissent souvent de ne conserver qu'un point de contact pour tous les motifs d'appel. «Disposer d'un numéro unique constitue une étape de la stratégie marketing des services clients. La mise en place de serveurs vocaux ne découle que rarement de la seule volonté de diminuer les coûts», précise Laurent Balaine. La plupart des groupes apprécient de pouvoir fédérer l'accès à différents services. D'autres évolutions technologiques, comme l'IP, plaident aussi en faveur d'une plus grande simplicité et de la convergence des appels vers un numéro unique. Beaucoup de questions se posent d'ailleurs sur la manière de faciliter l'accès au service client.

Au niveau des centres de contacts, l'automatisation a permis de confier aux agents des tâches à plus forte valeur ajoutée. «Toutes les demandes simples et récurrentes peuvent être prises en charge par les technologies vocales. En parallèle, il est possible de faire travailler les conseillers dans de meilleures conditions, notamment en les soulageant d'une partie des flux, et d'offrir une plus grande qualité de service aux clients», note Philippe Poux. En outre, pour certains consommateurs, l'accès à des services innovants est un «plus» apprécié; l'utilisation du vocal peut alors être perçue comme un avantage comparatif.

Pour autant, la stratégie d'automatisation trouve aussi ses limites. Elle contribue, en effet, à diminuer le nombre de points de contacts entre l'entreprise et le client. Les aspects culturels sont également des freins au déploiement des technologies vocales. Ainsi, les Français accueillent sans grand enthousiasme les évolutions. En revanche, «il y a une bonne adaptation à la reconnaissance vocale en Espagne, en Allemagne et aux Etats-Unis, où le taux d'emploi des technologies de la parole est important», affirme Laurent Balaine. Autre point: le serveur vocal ne peut naturellement pas traiter l'ensemble des flux. En ce sens, «il n'entre pas en compétition avec l'intervention humaine. Mais il favorise une meilleure prise en charge de l'appel dans la mesure où il le qualifie et le route», estime Delphine Weiskopf, chef de produit offres vocales chez Atos Worldline. Enfin, bien souvent, les projets à base de technologies vocales ne sont pas anodins. Ils demandent une large préparation en amont et nécessitent des délais de mise en place importants. Et, côté budget, ils requièrent un investissement non négligeable.

Anne Lacouberie (Prosodie):

«L'entreprise doit faire l'effort de se caler sur la vision de l'utilisateur pour lui offrir un confort d'usage.»

Préparation de rigueur

Si les technologies vocales sont matures et à même de favoriser l'émergence de services innovants, elles ne sont pas non plus garantes de succès. Le travail mené en amont conditionne énormément la réussite des projets. «Depuis 2003, les entreprises ont pris conscience que, pour produire un bon service, la technologie ne suffit pas. Il faut aussi faire de nombreux efforts en phase de conception», estime Ladan Etemad, directrice en charge des offres CRM et e-services chez Atos World line. En effet, les aspects ergonomiques, organisationnels et stratégiques comptent autant que la qualité des briques à intégrer. Les entreprises doivent s'efforcer de rendre les arborescences intuitives et la navigation sur le portail fluide. Mais, «si vous concevez une application vocale comme du DTMF, cette logique n'est pas la bonne», met en garde Laurent Balaine. De plus, «les systèmes automatiques doivent recevoir le client comme le ferait un opérateur humain. Ils peuvent reformuler si besoin et donner le renseignement. En aucun cas, la démarche ne doit être infantilisante. Et puis, il faut se donner les moyens d'aller vers le langage naturel et faire en sorte que l'appelant ait l'impression qu'il y a une écoute client», préconise Philippe Poux. Toutes les démarches menées en amont favorisent une meilleure perception des serveurs vocaux par les utilisateurs.

Le passage au vocal nécessite, par ailleurs, de réfléchir aux aspects RH et organisationnels. En effet, «il demande une mise au clair de l'organisation, de manière à associer des phrases à des concepts ou à un routage», analyse Anne Lacouberie. Pour optimiser l'utilisation de la technologie, des efforts dans la définition de pôles de compétences s'avèrent utiles.

Une fois en place, le vocal demande de l'attention. Les moteurs s'enrichissent au fur et à mesure. «Pour l'instant, les clients n'ont pas la maturité suffisante pour fournir un retour d'expérience sur le langage naturel. Il faut «bencher» les moteurs. Lorsque nous aurons plus de projets en cours, nous pourrons capitaliser sur les retours», assure Anne Lacouberie. Si la précision du moteur compte beaucoup, l'expérience acquise permet aux équipes techniques de gagner en maîtrise des technologies. Sur le plan des nouveautés, l'empreinte vocale - procédé permettant de vérifier l'identité d'une personne par sa voix - devrait rapidement trouver son public. Les projets à venir concernent essentiellement l'authentification. «Les moteurs sont fiables en termes de sécurité. La voix est aussi personnelle que l'empreinte digitale, c'est une caractéristique unique», souligne Anne Lacouberie. En outre, utiliser la voix offre dans ce domaine un véritable confort d'usage. Les Anglo-Saxons ont une longueur d'avance dans ce domaine. L'opérateur Bell utilise par exemple ce système, qui lui permet de rendre un service plus rapide, de façon ergonomique, avec un bon niveau de fiabilité. Au final, le vocal a encore les moyens de s'illustrer dans le domaine de la relation client et de prouver son efficacité.

Une diversité d'acteurs

- Le monde du vocal se distingue par sa pluralité. Il se compose d'abord d'éditeurs, comme Telisma, Nuance, Acapela... On y trouve aussi des sociétés mettant à disposition leurs plateformes, telles que Genesys et Eloquent. Enfin, la dernière catégorie est celle des opérateurs/hébergeurs/intégrateurs, comme Prosodie, Jet Multimédia ou Atos Worldline. Au sein de ce microcosme, bien souvent des partenariats se nouent et des rapprochements s'opèrent de manière à exploiter les expertises de chacun.

La voix des marques

% Les outils de synthèse de la parole ont connu de profondes évolutions. Les voix utilisées sont de moins en moins robotisées et ont l'avantage d'humaniser la relation. Une tendance renforcée par la forte propension des marques à personnaliser l'accès aux informations. Le mouvement est similaire à celui observé sur Internet. Les arborescences proposées aux consommateurs sont fonction soit de leurs habitudes, soit de leurs choix. «Les marges de manoeuvre en matière de personnalisation des services vocaux sont encore importantes», estime Antoine Kauffeisen, directeur marketing d'Acapela. Comme pour la reconnaissance vocale et le langage naturel, «il devient possible d'associer une image sonore à la marque. Ainsi cette dernière peut construire sa charte vocale», explique-t-il. A noter que la synthèse permet de mettre à jour les informations très rapidement sur le serveur vocal. Si l'information écrite existe, elle peut rapidement être délivrée oralement.

SwissLife laisse la parole à ses clients Pour garantir le routage des appels, la branche Prévoyance et Santé de l'assureur a opté pour le langage naturel, qui permet d'éviter les «allers retours».

SwissLife ne pensait pas, il y a quelques mois, se lancer dans le vocal. «Nous trouvions que la reconnaissance vocale et le DTMF ne permettaient pas de mettre au point un service performant et de qualité», se souvient Eric Bertolotti, responsable des services nationaux de SwissLife Prévoyance et Santé. Mais la réflexion de l'assureur le poussait à envisager l'automatisation, au moins pour la consultation des remboursements. En parallèle, le langage naturel a vu le jour et, très rapidement, le groupe a considéré cette nouvelle technologie avec intérêt. «Nous aimions beaucoup l'idée d'apparaître comme une entreprise innovante. En même temps, notre clientèle étant composée de personnes de tous âges, nous nous devions de fournir un accès suffisamment facile.» Le langage naturel satisfait ces exigences et permet notamment d'éviter les «allers retours». C'est la solution de Prosodie qui a été sélectionnée, dans la mesure où elle propose nativement la présence d'un assistant opérateur. Grâce aux technologies vocales et à la mise en place d'un centre d'appels virtuel, un numéro unique assure l'accès à SwissLife Prévoyance et Santé. Les flux sont ensuite routés vers une des
26 compétences métiers. En amont, six mois de travail ont permis de lister les motifs d'appels et de structurer le système, accessible depuis juillet dernier. La technologie assure une meilleure allocation des ressources humaines. «Nous gérons mieux les équipes et optimisons les flux», assure Eric Bertolotti. Ainsi, l'assureur a pu déléguer à son prestataire les appels les plus simples à traiter. Le temps d'attente moyen a diminué de près de 15%. La voix utilisée pour inviter le client à s'exprimer est volontairement naturelle et passe bien auprès de toutes les classes d'âge. La liberté de choix s'avère totale pour l'appelant. «Nous avons pu observer que le vocabulaire utilisé par les clients n'est pas forcément celui que nous aurions choisi si nous avions eu à créer une arborescence», indique Eric Bertolotti. SwissLife pense déjà à la version 2 de son serveur vocal, qui incorporerait des services intégralement en self-care (sans impliquer la moindre intervention humaine directe) pour la consultation des remboursements et des niveaux de garantie, ainsi que pour le déclenchement des cartes de tiers payant. Ce qui correspond aujourd'hui, lorsque des opérateurs interviennent, à environ 20% des contacts. En revanche, les échanges sur ces questions se révèlent très brefs. Grâce au gain de temps, SwissLife devrait se consacrer davantage à la fidélisation. «Nous pourrons, par exemple, nous intéresser aux dates d'échéance des contrats et faire des offres afin de diminuer le taux d'attrition», précise Eric Bertolotti.

 
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