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Formation Proximité et précision

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Trop succincte, sans rapport avec l'emploi occupé, voire dans certains cas inexistante, la formation pèche dans les centres d'appels. Pourtant, elle peut se révéler un puissant instrument de fidélisation. A condition toutefois d'investir dans un management de proximité et de faciliter l'évolution des carrières.

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Des salariés de centres d'appels ont fait part, au cours d'une enquête réalisée par la CFDT fin 2001, d'une importante insatisfaction relative aux pratiques de formation. Ainsi, 75 % des personnes interrogées avaient déclaré que leur formation initiale n'était aucunement en rapport avec leur emploi actuel et 38 % considéraient que, pour tenir leur emploi, la formation continue dispensée par l'employeur n'était en fait que de l'information succincte. En outre, seulement 38 % des personnels interrogés déclaraient bénéficier d'une formation lorsque cela s'avérait nécessaire et 26 % disaient n'avoir jamais bénéficié de la moindre formation. Un constat qui semble davantage concerner les salariés des centres d'appels externalisés dont 29 % seraient dans ce cas, contre 23 % pour les centres d'appels internes. Par ailleurs, lorsque la formation était une réalité pour les salariés, elle n'apparaissait comme satisfaisante que pour 22 % du panel. Dans les centres d'appels externalisés, seulement 15 % des salariés sondés se déclaraient satisfaits de la formation reçue.

FORMER POUR ÉVITER LA DÉMOTIVATION


Les responsables de centres d'appels, qu'il s'agisse de centres internes mais également d'outsourcers, déclarent pour la plupart consacrer chaque année 15 % de leur masse salariale à la formation. Un investissement loin d'être négligeable. C'est notamment le cas de Webhelp, spécialiste de la gestion de la relation client sur Internet et qui a délocalisé l'ensemble de ses téléopérateurs sur le Maroc et la Roumanie. « Contrairement à la France, nos téléconseillers ne bénéficient que de trois à quatre semaines de congés par an. C'est pourquoi nous profitons des congés de l'Hexagone pour leur faire suivre des formations, ce qui évite de les envoyer chez eux pour patienter et risquer ainsi de les voir partir à la concurrence. Puisque nous sommes en décalage, nous compensons l'absence de congés par de la formation qui représente chez nous 15 % de la masse salariale annuelle », explique Olivier Tabusse, directeur des opérations. Chez Infomobile, qui a dispensé, rien que sur le mois de mai dernier, près de 350 heures de formation pour 20 000 heures produites, soit environ 15 % de la masse salariale sur l'année, la formation des téléconseillers constitue également le moyen le plus adapté pour éviter la démotivation. « Dès que l'on relâche la pression sur la formation, nous sommes confrontés très rapidement derrière à une dégradation de service, que ce soit en termes de démotivation mais aussi en termes de résultat. C'est pourquoi nous avons décidé ces deux dernières années de renforcer considérablement la formation en embauchant deux personnes supplémentaires », précise Servan Lacire, directeur général.

UN INVESTISSEMENT TEMPS À NE PAS PRENDRE À LA LÉGÈRE...


Une bonne formation, c'est non seulement de bons contenus, une pédagogie de qualité, un suivi sur le long terme sans oublier des compétences reconnues. Mais c'est également un investissement temps. Un point que semblent oublier grand nombre de responsables de centres d'appels qui ne prennent pas forcément conscience des contraintes liées à l'organisation d'une formation, notamment celle du "staffing" à l'instant T. Comme l'explique Christophe Benoît, directeur associé du cabinet Progress Consulting, « cela fait partie des règles du jeu. A titre d'exemple, si nous intervenons pendant trois jours auprès d'un groupe de six personnes sur un plateau qui compte en moyenne une vingtaine d'agents en poste, il est clair que le superviseur ou le chef de plateau va devoir accepter que nous sortions ces six personnes du flux des appels pendant la formation. Et ce sera à lui seul de gérer une telle organisation, par exemple en faisant appel à de l'intérim pour assumer les appels entrants. » Une contrainte organisationnelle fortement ressentie chez Infomobile qui privilégie la formation continue. « Jongler avec la planification annuelle, les besoins et les heures creuses, ce n'est pas chose facile pour nous, surtout s'agissant des astreintes (24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) puisqu'il est impossible de former en même temps sur l'espace d'une semaine les téléacteurs travaillant de jour, de nuit ou de week-end », confie Servan Lacire. En outre, contrairement aux centres qui font du télémarketing en appels sortants, Infomobile doit s'organiser avec les plannings établis semaine par semaine. Ce qui oblige à des formations sur trois semaines, voire un mois, pour ne pas "sortir" trop de monde à chaque fois et surtout ne pas se trouver piégé par une période annoncée comme creuse et qui, de facto, ne le serait pas. L'entreprise s'efforce dans la mesure du possible de prévenir les intéressés en moyenne quinze jours à l'avance. Parfois, elle ne peut faire autrement que de les prévenir la veille d'une session. La planification se fait par groupe : les téléacteurs du matin et du soir sont identifiés et le responsable formation s'arrange toujours pour sortir un nombre de collaborateurs suffisamment faible pour ne pas trop perturber le service. Effectivement, les centres qui tournent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 posent un réel problème de logistique en la matière. « Nous nous efforçons, dans la mesure du possible, de sortir les personnes à l'extérieur du centre par groupes de six sur une journée, et c'est à l'encadrement de prévoir du renfort en remplacement via de l'intérim ou de la délégation, explique Corinne Julhiet Détroyat, directrice générale du cabinet Télé Action. Mais, dans la majorité des cas, et surtout depuis deux ans, la formation est très bien planifiée, avec un plan prêt entre trois et six mois auparavant. Les interventions "pompiers" n'existent quasiment plus. »

PRENDRE EN COMPTE LA PRÉSENCE DES CDD


Pour le responsable d'un centre d'appels, la formation se doit d'être efficace, tout en s'étalant le moins possible dans la durée, car le temps passé en formation impose de faire tourner ses équipes en effectif réduit avec le risque de perdre des appels. Ceci est d'autant plus vrai pour les nouvelles recrues et les contrats à durée déterminée, comme le confirme Olivier Tabusse : « Quand vous recrutez un nouveau salarié, si la connaissance pour servir les clients n'est pas structurée, vous allez devoir passer un mois à le former. La recette consiste en fait à dissocier la formation de la capitalisation des connaissances. C'est ainsi que nous avons décidé de créer des bases de connaissances de manière à ce que le téléconseiller soit en mesure d'aller chercher rapidement l'information dont il a besoin. Finalement, cela revient à le former sur 20 % des cas représentant 80 % des appels et pour le reste, ce sera à lui de retrouver l'information. » De même, comme le précise Anne Perez, directrice des centres d'appels chez France Loisirs, l'investissement formation ne sera pas identique selon qu'il s'agira de CDD ou de CDI : « Lorsque nous recrutons des contrats à durée déterminée, c'est exclusivement pour des campagnes d'émission d'appels impliquant des temps de formation assez courts puisqu'elle s'étale en moyenne sur deux jours. » En revanche, si France Loisirs décide de recruter un contrat à durée indéterminée ou de transformer un CDD en CDI, le management laissera impérativement passer neuf mois afin d'évaluer le collaborateur dans la qualité de son implication. Cela avant de lui délivrer un perfectionnement qui s'étalera sur trois semaines en moyenne, complété par un accompagnement continu sur le terrain mené de front par les départements qualité et formation ainsi que par les superviseurs. Profiter des périodes creuses pour former : une hypothèse pour laquelle les responsables de centres d'appels n'optent pas systématiquement. De manière générale, les heures creuses ne permettent pas de dispenser de la formation car il n'est pas évident d'anticiper de telles plages horaires et de mobiliser le personnel au dernier moment. « En fait, les périodes creuses seront le plus souvent exploitées à des fins de formation dès lors que se trouve en interne un formateur », lance Christophe Benoît. Certaines entreprises vont profiter de ces créneaux horaires pour mettre leurs collaborateurs devant un poste de travail et leur demander d'aller puiser des informations sur l'Intranet de la société afin de mettre leurs compétences à jour. Un moyen en quelque sorte, de rentabiliser lesdites heures à tout moment de la journée sans pour autant déployer l'arsenal formation classique et ses nombreuses contraintes organisationnelles. « Attention, ces entreprises doivent savoir qu'il est indispensable de faire circuler en amont des messages forts à destination des salariés pour susciter chez eux l'envie d'aller chercher ces informations durant les heures creuses : il s'agit donc de les éduquer », tient à préciser Christophe Benoît.

UNE RENTABILITÉ FINALEMENT TRÈS SUBJECTIVE


Les résultats d'une formation ne se mesurent pas en retombées sur le chiffre d'affaires mais en termes de satisfaction client. Pour certains chefs d'entreprise, tel que Servan Lacire, la question se pose même autrement : « Qu'elle soit rentable ou non, la formation est impérative ; à défaut, le service va se dégrader très rapidement, que ce soit au niveau de la motivation mais également en termes de résultats. » Pour Olivier Tabusse, la formation est indéniablement rentable à la fois sur le plan de la qualité et de la productivité : « C'est ainsi que nous sommes parvenus à réduire le temps de pause, relativement important du fait de la mauvaise utilisation de l'outil informatique durant l'appel, obligeant le téléconseiller à prendre du temps après l'appel pour saisir l'ensemble des informations récoltées. » Chez Webhelp, la formation a permis de gommer tous ces inconvénients et de dégager un gain de temps considérable en matière de traitement. L'encadrement aura pu aider les collaborateurs à acquérir des réflexes pour alimenter le système d'information au fil de l'eau, ce qui génère des gains de productivité.

DES EXIGENCES NOUVELLES ET DE PLUS EN PLUS AFFINÉES


L'élaboration d'un plan de formation nécessite entre un et deux mois de travail, durant lesquels on s'éloigne de plus en plus des troncs communs que l'on rencontrait ces deux dernières années. « Il y a encore deux ans, les demandes étaient sensiblement les mêmes d'une entreprise à une autre. En revanche, depuis le début de l'année en cours, nous constatons l'effet inverse puisque les centres d'appels pour lesquels nous intervenons réclament des modules de plus en plus spécifiques et affinés, ce qui nous contraint d'apporter des réponses au cas par cas », reconnaît Christophe Benoît. Un phénomène qui semble trouver sa source dans la volonté des entreprises de se différencier à tout prix par la qualité des réponses à fournir aux clients en ligne. La formation devient ainsi un élément clé de différenciation et de valeur ajoutée au niveau relationnel. De même, depuis l'arrivée des web call centers, on sent une accélération des besoins en formation. Un phénomène certes encore assez balbutiant. La demande émanant des RH reste, en fait, assez floue. Mais, indépendamment de la maîtrise de l'oral, les managers considèrent qu'il est désormais temps de passer à l'écrit : une tendance qui se dessine de plus en plus. Ainsi, et ceci depuis près d'un un an, la génération de modules sur la rédaction d'e-mails est de plus en plus réclamée. « Une compétence qui prend de plus en plus de place dans les fonctions d'un téléconseiller. Cela consiste quasiment à lui apprendre un nouveau métier car il faut bien garder à l'esprit qu'un téléacteur ne possède pas de facto les qualités rédactionnelles nécessaires à la rédaction d'e-mails, le croire serait prendre un risque majeur », explique Corinne Julhiet Détroyat.

LA E-FORMATION ET SES PREMIERS BALBUTIEMENTS


« Les centres d'appels vont indéniablement se diriger de plus en plus vers la e-formation mais le mouvement sera relativement progressif, prédit Christophe Benoît. Entre temps, une grande réflexion devra être menée sur l'ingénierie, car il ne suffit pas de vouloir porter des dispositifs de formation existants sur des supports électroniques pour parler de e-formation. Il faut repenser la pédagogie, les contenus ainsi que la compétence des formateurs. Nous n'en sommes qu'aux balbutiements. » Pour l'heure, les entreprises se contentent plutôt de déporter sur leur Intranet des modules existants et profitent des périodes creuses pour demander à leur personnel de mettre ses compétences à jour. C'est notamment le cas chez Infomobile où l'on commence à mettre en place depuis peu des systèmes d'auto-formation via Intranet, pour permettre aux téléconseillers de s'entraîner pendant les heures inoccupées. « C'est un processus qui semble motivant mais il est encore trop récent pour juger de son efficacité », confie Servan Lacire. Pour Webhelp, c'est par le biais d'un outil développé en interne que s'effectue la e-formation. « Une manière de réduire les déplacements, notamment sur la Roumanie, même si nous restons prudents sur les risques potentiels d'une formation à distance. C'est pourquoi nous faisons un usage modéré d'un tel dispositif, en le réservant à des sessions simples et limitées à une dizaine de participants. Ceci pour des questions de concentration et pour éviter une déperdition de l'information», explique Olivier Tabusse. Et de reprendre, « de même, la e-formation peut se révéler relativement pratique si l'on est pris de cours avec un nouveau client et qu'il nous faut impérativement former à l'utilisation d'un nouvel outil informatique en l'espace d'une demi-journée. »

LA FORMATION THÉORIQUE LAISSE PLUS DE PLACE AU CONCRET


La formation classique, dite théorique, ne semble plus satisfaire suffisamment les responsables de centres d'appels : ce que l'on attend d'un formateur aujourd'hui, c'est qu'il fasse également travailler ses élèves sur du concret, plus précisément qu'il intervienne sur la base d'une formation classique délivrée de manière magistrale (sous forme de cours), et complétée d'autre part par un suivi sur les plateaux de manière à pouvoir concrètement évaluer les apports en formation et mesurer le chemin parcouru. Un suivi qui intervient en règle générale trois semaines après la session théorique. Une tendance que vient confirmer Corinne Julhiet Détroyat : « Nous dispensons de moins en moins de théorie. En effet, nous proposons désormais à nos clients de définir un contrat de progrès qui portera sur deux axes en particulier et dispensons une journée de formation théorique en intersession par groupe de dix personnes. Puis nous renvoyons le téléacteur dans son centre en lui donnant pour mission de travailler pendant quinze jours sur du réel. Passé ce délai, l'intéressé revient en formation avec le groupe initial sur une demi-journée ou une journée entière et c'est l'occasion de faire un bilan avec lui sur son contrat de progrès et de vérifier qu'il aura bien rempli son engagement. »

Un coaching de bonne qualité est indispensable


Communément appelé "coaching", l'accompagnement individuel se révèle indispensable dans le prolongement d'une formation. Assuré généralement par le superviseur, le chef de plateau ou le responsable d'équipe, il consiste à prendre en quelque sorte le relais après une "campagne" de formation. Attention, pour être efficace le coaching implique que son auteur ait préalablement suivi la formation dispensée aux collaborateurs. Mais ce n'est pas la seule condition, non seulement il est nécessaire que le coaching soit étalé dans le temps mais encore qu'il s'inscrive dans une mécanique projective positive, c'est-à-dire avec un regard sur ce qui sera fait en partant d'ici maintenant et non pas dans une mécanique à effet de rétroviseur où l'on ne prêterait attention qu'à ce qui a été manqué et mal fait. A l'heure actuelle, les centres d'appels optent dans 70 % des cas pour des journées d'accompagnement à l'issue d'une formation dispensée à leurs téléconseillers. Si le suivi n'est pas demandé, c'est soit pour des questions de budget, soit pour des problèmes d'organisation car il faudra effectivement remobiliser les participants. Pour Christophe Benoît, directeur associé du cabinet Progress Consulting, le coaching est incontournable : « Si l'entreprise refuse un tel suivi, c'est qu'elle est prête à dépenser un budget formation en se posant guère de questions. »

Formation et RTT : une cohabitation délicate


Parmi les nombreuses complications engendrées par la mise en place des 35 heures, il en est une qui ne manque pas de venir perturber la donne formation. En effet, la réduction du temps de travail, qui a pour principale conséquence un étalement du week-end sur le premier et le dernier jour ouvrables de la semaine, entraîne un certain nombre de difficultés quant à l'organisation de sessions de formation collectives : difficile de réunir tout le monde un lundi ou un vendredi pour cause de week-end prolongé. Même constat le mercredi pour cause de quatre-cinquième chez les femmes qui ont choisi de s'occuper de leurs enfants. Il ne reste en tout et pour tout que deux journées complètes par semaine : le mardi et le jeudi. Ce qui n'est finalement pas si négatif que cela, si l'on en croit Corinne Julhiet Détroyat (Télé Action) : « Le phénomène RTT nous a, en quelque sorte, contraints à réfléchir à des systèmes de formation innovants tels que la mise en place d'ateliers en demi-journées, la formation en groupe réduit ou encore la formation individuelle, avec comme principale conséquence positive une meilleure concentration de la part des participants. »

 
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Christelle Levasseur

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