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Des centres d'appels en devenir

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A l'heure de la concentration, la communication directe suscite un fort intérêt dans les laboratoires malgré de nombreux obstacles. Le succès passe par une stratégie de niche sur un marché longtemps protégé et donc attentiste.

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Aux Etats-Unis, la publicité pharmaceutique a été libéralisée en 1997. Les annonces presse, l'affichage et les spots TV doivent simplement être accompagnés d'un numéro de téléphone ou d'une adresse Internet pour permettre aux consommateurs une information gratuite sur les effets secondaires et la composition du produit. Le marketing direct a explosé, avec des hot lines et des numéros libre appel pour des pathologies graves (sida, cancer, Alzheimer). Au passage, les entreprises se dotent de bases de données qualifiées et de plus en plus ciblées... Cette mutation pose de sérieux problèmes éthiques : dégradation des relations patients/médecins, information incomplète de patients dépourvus de formation scientifique, etc. Par ailleurs, dans les pays anglo-saxons le recrutement de patients et de médecins pour des essais thérapeutiques effectués par des laboratoires est souvent réalisé par le biais de numéros libre appel, diffusés dans la presse.

La France à la traîne des Etats-Unis


Dans l'Hexagone, on est loin du "direct to consumer", comme l'indique Jean-François Biry, vice-président de Cider Santé : « En France, il existe une véritable barrière historique et culturelle. La communication directe vers le patient est interdite dès qu'il s'agit de médicaments remboursables. C'est donc un marché de niche, qui n'est pas développé par les gros opérateurs. Les professions de santé sont peu sensibles au marketing téléphonique tout-venant, bien développé dans les pays anglo-saxons, y compris sur le médicament éthique. » La loi Huriet de 1988 sur la protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale restreint les perspectives. Le consentement éclairé et express des malades est exigé, dans un contexte de strict respect des règles éthiques. Peter Payne, directeur général Opérations Cliniques et Health Management chez Innovex indique que « 30 agents travaillent dans notre centre d'appels d'Edimbourg sur différents protocoles de recherche au Royaume-Uni. En théorie, rien ne l'interdit ici, mais le problème de la publicité pharmaceutique se pose : interdiction de citer le nom du laboratoire promoteur et du produit ! Les praticiens qui recruteraient directement des malades risquent de se faire accuser de concurrence déloyale et de détournement de patient ». Jean-François Biry nuance : « Nous avons créé une plate-forme de recrutement d'investigateurs. Mille médecins ont été recrutés en cinq mois pour des essais de phase IV (conduits sur des médicaments déjà commercialisés) menés dans le cadre de la loi Huriet, par 10 opérateurs niveau bac +2, qui ont reçu une formation spécifique. Le téléphone est utilisé également pour les campagnes de recrutement de visite médicale et pour la prise de rendez-vous chez les prescripteurs. »

Le téléphone : complément ou concurrent de la visite médicale ?


Les 20 000 visiteurs médicaux représentent de 70 à 80 % du budget de promotion des laboratoires, avec un coût par contact d'environ 600 F. Leurs effectifs pourraient se réduire dans les prochaines années ; la part de la communication directe progressant, même si elle reste limitée. Le processus de fusion-acquisition caractérisant le marché de l'industrie pharmaceutique devrait aussi accélérer les mutations, dans une industrie restée longtemps protégée : des accords ont été conclus fin 1998 entre Hoechst-Marion-Roussel et Rhône-Poulenc, Synthélabo et Sanofi, Astra et Zeneca. Selon le Dr Philippe Sillard, gérant de PerfecTeam, « les call centers ne vont pas remplacer la visite médicale. Leur intérêt se situe en amont et en aval. Ils permettent de sensibiliser le médecin au passage du visiteur médical puis de procéder à des analyses d'impact. Il s'agit d'un outil de communication de crise, pour informer rapidement les praticiens et les pharmaciens d'un retrait du marché ou d'un autre problème imprévu. Le téléphone est bien reçu... quand on a quelque chose d'important à dire. L'argumentaire doit être présenté par une équipe bien rodée et formée ». Pour Corinne Fleischman, directrice commerciale et développement des centres d'appels chez Experian, « le téléphone suscite beaucoup de réflexions. Son emploi est en devenir. Les laboratoires vont tous se recentrer vers moins de visite médicale. L'industrie pharmaceutique est restée longtemps frileuse en raison du relationnel fort qui existe entre le médecin et le délégué.

L'outsourcing en vogue


Et Nicolas Arib, consultant manager chez Experian, d'ajouter : « La problématique dans le secteur de la santé est analogue à celle des help-desks informatiques il y a dix ans. On a d'abord fait appel à des téléconseillers dont la spécificité était à peine marquée, avant de se replier vers l'insourcing. Puis, on a assisté à la création de cellules spécialisées au sein des grands laboratoires. » Mais la tendance actuelle serait plutôt à l'outsourcing. Joëlle Rademakers, chef de produit chez IMS Health, confirme le recours à des téléopérateurs de haut niveau. « Notre service européen Dialogue Médical est géré par des médecins, ce qui permet d'établir un contact "one-to-one", d'égal à égal. Il fonctionne seulement en émission d'appels et s'adresse surtout aux zones dépourvues de forces de vente, aux produits matures, déclinants ou non, promus par la visite médicale. L'appel, précédé d'un courrier, est réalisé uniquement sur rendez-vous. Il intervient en appui lors du lancement ou du prélancement de spécialités, sur de nouvelles indications et pour les produits saisonniers. Le concept se décline aussi auprès des pharmaciens. Il s'agit davantage d'un renfort scientifique que d'un relais commercial. » Pierre Jaïs, responsable du département "one-to-one" chez Euro RSCG Healthcare, précise l'intérêt de la démarche : « En favorisant l'enrichissement des bases de données, les Numéro Vert et les hot lines permettent d'améliorer le ciblage, voire de combler les éventuels déficits du réseau (40 000 médecins sont coupés de tout contact avec la visite médicale). Ils sont souvent conçus davantage dans une optique de service client qu'orientés marketing. »

Les pharmaciens plus réceptifs ?


Pas toujours bien accepté par les médecins, le recours au téléphone est mieux perçu des pharmaciens, habitués aux contacts commerciaux. Plusieurs types d'actions sont menées : prise de commande, offres promotionnelles en OTC et en parapharmacie. Le Dr Cécile Fluteau-Berger, directeur conseil chez H2M, agence conseil en marketing direct santé du groupe Adverbe, estime que « médecins et pharmaciens attendent une information fiable, de qualité, et préfèrent les Numéro Vert aux services payants. Les praticiens ne veulent pas de visite médicale à distance, et ils ont bien raison. Côté pharmaciens, les cibles qui ne vont plus être visitées seront de plus en plus gérées à partir de centres d'appels. L'émission et la réception concernent la télévente, l'information et le conseil produit. Les officinaux acceptent de mieux en mieux le téléphone ». Cécile Fluteau-Berger croit par ailleurs au développement des connexions téléphone-Internet. « Après avoir navigué sur Internet, le client peut avoir envie de parler à quelqu'un, d'avoir un contact humain. Sur le modèle américain, le basculement sur un call center à partir d'un lien hypertexte est imminent en France », avance-t-elle. Et Nicolas Arib de conclure avec optimisme : « A partir de 2000, le taux de croissance de la communication directe vers les médecins (téléphone, mailing, Internet) devrait atteindre 15 à 20 % par an. »

Smithkline Beecham : le choix de l'internalisation


En 1996, Smithkline Beecham créait un service destiné aux médecins, afin de leur proposer une écoute et de pouvoir analyser leurs préoccupations. « 100 % des demandes sont prises en charge, et 95 % des réponses sont immédiates ou délivrées sous 48 heures, quel que soit le support (téléphone, courrier, fax, e-mail), souligne Elisabeth Colasson, responsable opérationnelle du département d'Information et d'Accueil médical de Smithkline Beecham. Une permanence est tenue de 8 h 30 à 18 h 30. Deux niveaux de réponse sont proposés : au premier, quatre déléguées à l'accueil médical prennent en charge l'ensemble des demandes à l'aide d'une base de connaissances. Elles apportent une réponse dans 75 % des cas. Au second niveau, quatre médecins gèrent les questions médicales plus complexes. La base de connaissances est reliée à la base de données clients, permettant de conserver l'historique des appels. Les visiteurs médicaux sont informés via leur messagerie électronique des demandes traitées sur leur secteur. 4 000 demandes sont gérées en moyenne par mois, et ce n'est pas un Numéro Vert. »

Une réglementation rigide


La Commission de la publicité de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), qui remplace depuis le début 1999 l'Agence du Médicament, veille au respect d'une réglementation complexe. - La publicité grand public est interdite pour les médicaments remboursables, à l'exception des vaccins et des produits destinés au sevrage tabagique. Les services d'information au consommateur sont assimilés à de la promotion. - La communication pour les médicaments de prescription non remboursables (comme le Viagra) et bientôt les traitements contre l'obésité est soumise au même régime que celle des produits remboursés. - Par contre, la promotion des médicaments vendus sans ordonnance et non remboursables reste (relativement) libre. Elle représente moins de 15 % du marché.

Glaxo-Wellcome externalise


Glaxo-Wellcome a confié une campagne de fidélisation à Torrent Healthworld. « Le service client dédié " Glaxo-Wellcome Services " répond aux questions des quelque 2 500 pneumologues sur l'asthme depuis septembre 1997, explique Florence Bénichoux, directrice générale de Torrent Healthworld. Le laboratoire, qui gère 500 000 contacts par an, souhaite développer l'attribution et fidéliser les professionnels de santé. Deux téléopératrices employées à plein temps dirigent le médecin vers la personne concernée dans l'entreprise, afin d'éviter les pertes d'appels. Le département dispose d'une plate-forme téléphonique externalisée et d'une boîte aux lettres en réseau avec toute l'entreprise. Le système informatique en réseau est connecté avec l'ensemble des services orientés client, et la base de données relationnelle qualifiée et segmentée permet de mémoriser les demandes (échantillons, congrès, recherche clinique...). »

 
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FRANÇOISE KLEIN

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